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En avant vers la grève des femmes, pour l’égalité et le respect!

500 femmes se sont retrouvées dimanche à Bienne pour échanger sur les moyens d’action, débattre avec des grévistes d’autres pays et adopter un appel national pour la grève
© Neil Labrador

Premières et uniques assises nationales avant la grève du 14 juin: 500 femmes se sont retrouvées dimanche à Bienne pour échanger sur les moyens d’action, débattre avec des grévistes d’autres pays et adopter un appel national pour la grève. 

Manifestations, rassemblements, actions. Le 8 mars a été coloré et revendicatif partout en Suisse. Le coup d’envoi de la grève des femmes a été donné et un appel national a été adopté le 10 mars

Des milliers de femmes se sont rassemblées le 8 mars partout en Suisse à l’occasion de la Journée internationale des femmes donnant ainsi le coup d’envoi à la campagne de mobilisation pour la grève du 14 juin prochain. 

Les syndicats ont débuté ce jour-là leur campagne en vue de la grève. Unia a informé, dans les entreprises et dans la rue, sur sa revendication exigeant «du respect, du temps, de l’argent», qui exprime le ras-le-bol des femmes travailleuses face à la discrimination salariale persistante, au déséquilibre entre vie professionnelle et vie familiale, et aux attaques contre elles portées par des «politiciens réactionnaires». Le syndicat a ouvert un site de campagne (voir ci-dessous) sur lequel femmes et hommes solidaires peuvent dire pourquoi ils soutiennent ou feront la grève le 14 juin. Des témoignages personnels sur les discriminations subies peuvent aussi y être déposés. L’Union syndicale suisse (USS) a rappelé le soutien accordé par son congrès à la Grève des femmes du 14 juin, une grève qu’elle décline, concernant le monde du travail, sur trois axes: «Une revalorisation financière et sociétale du travail des femmes, plus de temps et d'argent pour le travail de soin et d'assistance, et enfin du respect au travail plutôt que du sexisme.» Des exigences incluant des améliorations concrètes tant pour les activités rémunérées que pour les non rémunérées. L’USS a aussi inauguré son propre site consacré à la grève. 

Les enseignants vaudois du Syndicat des services publics ont pour leur part appelé tous leurs collègues à se vêtir de rouge tous les vendredis jusqu’au 14 juin, rappelant que l’égalité n’est de loin pas acquise et que l’école a un rôle central à jouer pour la promouvoir. Du rouge en hommage au mouvement Red for Ed (rouge pour l’éducation) des enseignants américains luttant pour une école publique de qualité. D’autres actions se sont déroulées le 8 mars (voir notamment dans ces pages). A Sion par exemple, des rues ont été rebaptisées du nom de personnalités féminines, des placards vite arrachés par les forces de l’ordre, estimant qu’il s’agissait d’un affichage sauvage… 

Assises féministes

Les collectifs féministes et les syndicats se sont également retrouvés dimanche 10 mars à Bienne, pour des assises nationales. Plus de 500 femmes y ont participé, échangeant leurs expériences et discutant de la manière de faire grève sur les lieux de travail et dans le domaine non rémunéré. Elles ont aussi adopté un appel national pour une grève féministe et des femmes le 14 juin 2019 (l’astérisque signifiant qu’il s’agit de toute personne n’étant pas un homme cisgenre). Un appel résumant les principales revendications allant de la reconnaissance du travail domestique à l’égalité salariale, en passant par la réduction du temps de travail, des assurances sociales garantissant des rentes dignes, sans hausse de l’âge de la retraite, la régularisation des femmes migrantes, la fin du sexisme et de la violence, la suppression des «taxes roses» et l’arrêt de toutes les discriminations. Un texte décliné en 17 points, dont le dernier précise: «C’est pourquoi, le 14 juin 2019, nous ferons la grève. La grève du travail rémunéré, la grève du travail domestique, la grève du prendre soins, la grève à l’école, la grève de la consommation. Pour que notre travail soit visible, pour que nos revendications soient entendues, pour que l’espace publique soit à nous toutes!»

Sylviane Herranz


Lausanne: 5000 femmes dans la rue!

Lausanne

De mémoire de Lausannoise, jamais le 8 mars n’avait vu affluer autant de monde dans la capitale vaudoise. Une mobilisation d’envergure, préfigurant celle à venir, le 14 juin prochain. Quelque 5000 femmes, accompagnées de nombreux hommes, ont défilé dans un long cortège revendicatif et bigarré entre la place Saint-François et la Riponne, en passant par la place Chauderon. «Pour nos droits et libertés. Toutes en grève le 14 juin», affichait la banderole de tête, derrière laquelle des slogans féministes, pour l’égalité, contre les discriminations, étaient scandés ou étalés sur des panneaux ou des bouts de carton, fustigeant tant le patriarcat que tous les préjugés ancrés dans la société. «Y en a assez, assez, des inégalités. Ensemble, ensemble, ensemble il faut lutter!» «Ne changeons pas les femmes, changeons la société!» Dans une belle et bruyante détermination, la manifestation, composée également de nombreux jeunes, s’est époumonée dans les rues étroites de la ville. Devant le Palais de Rumine, une quinzaine de femmes se sont exprimées face à la foule, égrenant leurs revendications: des salaires égaux, mais aussi de meilleurs salaires et la valorisation des métiers féminins, des rentes dignes, la reconnaissance et le partage de l’économie domestique, la nécessité de services publics forts, le changement de système économique qui pille les ressources naturelles et le travail des femmes, une régularisation des statuts de celles qui viennent de loin pour s’occuper des enfants malades ou des personnes âgées, l’arrêt du sexisme et des violences sur les lieux de travail et à la maison, etc. Une femme kurde a encore pris la parole, appelant à la solidarité avec celles qui sont au front contre Daesh, ou dans les prisons de Turquie. Et c’est dans un cri d’enthousiasme que cette solidarité avec les femmes kurdes et les femmes du monde entier s’est exprimée. Avant que ne retentisse de nouveau un des slogans forts du mouvement: «Grève, grève, grève, et mobilisation, c’est ça, c’est ça la solution». Et les organisatrices de donner rendez-vous le 14 juin pour dire: «Quand les femmes s’arrêtent, tout s’arrête!»

SH


Fribourg: Toutes et tous ensemble vers le 14 juin

Fribourg

A Bulle et à Fribourg (photo), des actions de rue ont été organisées dès midi le 8 mars pour sensibiliser et informer la population. La mobilisation s’est poursuivie avec un rassemblement en fin d’après-midi dans la capitale pour célébrer cette Journée internationale pour les droits et les libertés des femmes. Et appeler à s’engager «toutes et tous ensemble vers la grève des femmes le 14 juin 2019». SH

SH / photo Neil Labrador


Genève: Un 8 mars festif et international

Genève

Au bout du lac, le goûter féministe solidaire et international a rassemblé jusqu’à 200 personnes sur le rond-point de Plainpalais, qui ont afflué entre 16h et 18h. Des femmes de tous les âges et de tous les milieux. Sur les stands, de quoi grignoter et boire un coup, entre la nombreuse documentation sur la grève féministe à venir le 14 juin. Des pancartes, aussi, qui trônent ici et là: «De retour à la maison, je veux être libre, pas courageuse», «Pourquoi devons-nous encore nous battre pour l’égalité en 2019?» ou encore «Mon travail invisible n’est pas reconnu, ça suffit!».

Des militantes féministes genevoises ont rappelé les chiffres indécents des inégalités entre les sexes. Les hommes continuent de gagner 19,6% de plus que les femmes. Quant aux rentes, celles des femmes sont toujours en moyenne plus basses de 37%, taux qui monte à 63% si l’on prend en compte uniquement la LPP. «Les femmes n’ont toujours pas les mêmes chances que les hommes et, pour changer les choses, il faudrait baisser le temps de travail de chacun pour que les femmes, comme les hommes, puissent avoir du temps pour s’occuper des enfants et des aînés mais aussi avoir une vie sociale et associative plus riche.» Un coup de gueule a également été poussé sur la place contre la commercialisation du 8 mars: «J’en ai ras le bol que les magasins utilisent cette journée pour pousser les femmes à acheter. C’est un jour de luttes pour nos droits, pas de consommation!»

Au-delà des frontières

Points forts du rassemblement, des communications ont été établies en direct avec des militantes dans plusieurs métropoles européennes. A Bruxelles, malgré l’agressivité des forces de l’ordre, la mobilisation a commencé dès 9h et s’est terminée par une grande marche à 17h. En Italie, à Turin, elles étaient plus de 500 en début de journée, puis plusieurs milliers au départ de la manifestation. «Nous sommes allées bloquer une entreprise de fruits et légumes ce matin, raconte Valentina au téléphone. Nous sommes très contentes de cette journée, l’esprit est très combatif. C’est important de se battre contre notre gouvernement qui est réac’ et antiféministe.» Du côté de Berlin, qui a fait cette année du 8 mars un jour férié, des grèves ont eu lieu, notamment dans les médias et la culture. «Nous étions 20000 ce matin, rapporte Kirstin. C’est le début d’un grand mouvement féministe.» Enfin, en Espagne, une grève féministe a été proclamée pour la deuxième année consécutive, suivie par près de 6 millions de personnes. Plus de 1300 manifestations ont rassemblé des dizaines de milliers de personnes dans tout le pays. «A Madrid, nous avons mis en place depuis 8h une radio féministe du 8 mars, raconte Rocio. Ensemble, nous sommes capables de tout faire, rien n’est impossible!» Toutes ces porte-paroles partagent les mêmes revendications, notamment l’égalité salariale, la fin des violences envers les femmes, la liberté sexuelle, le droit d’avorter mais aussi le soutien aux femmes sans-papiers et la volonté de prendre en main le combat écologique. Pour ce faire, elles ont mené une grève du travail productif, une grève étudiante, une grève du travail reproductif, des soins aux autres et de la consommation. 

Retour à Genève, où l’action a pris fin dans une ambiance festive, au rythme du chant révolutionnaire de Bella Ciao...

Manon Todesco / photo Neil Labrador


Neuchâtel: «Le collectif donne du courage aux femmes»

Neuchâtel

A Neuchâtel, à l’appel du Collectif pour la grève féministe, plus de cent personnes se sont rassemblées devant la fontaine de la Justice. Autour d’un «goûter de l'égalité» constitué de pâtisseries maison, le public a pu assister à un petit spectacle de rue donné par une quinzaine de militantes habillées d’un tablier fuchsia. L’occasion de présenter sur des panneaux les revendications du collectif: «partager les tâches; travailler moins, vivre mieux; des sanctions pour qui ne respecte pas la Loi sur l’égalité; un plan national de lutte contre les violences sexistes; un droit d’asile pour toute personne victime de violences sexuelles; des postes et des prix attribués aux femmes autant qu’aux hommes; des profs formés à enseigner l’égalité»… Brandissant des tubes et des brosses d’aspirateur, elles ont martelé en chœur: «Nous voulons vivre dans une société so-li-daire!»

Parmi les militantes-comédiennes, Yvette Glardon, ancienne employée de bureau dans l’industrie mécanique et membre d’Unia. «Je suis là pour crier dans la rue tout ce qui ne va pas et il y a beaucoup de choses qui ne vont pas!» explique-t-elle à L’Evénement syndical en citant les factures à payer, «le personnel qui diminue sur les lieux de travail» ou encore «le temps et l’énergie pour accomplir le travail de care». «Il faut remettre l’église au milieu du village. Il faut que les jeunes se mobilisent. On n’obtiendra peut-être pas tout ce qu’on demande, mais on gagnera tout de même quelque chose.»

Les Jeunes socialistes neuchâtelois, eux, sont déjà mobilisés. Ils ont affublé la statue de David de Pury d’un tablier portant la mention «Le travail ménager, c’est aussi du travail». «Aujourd’hui encore, selon l’Office fédéral de la statistique, les femmes s’occupent seules des tâches ménagères dans 70% des couples», soulignent-ils dans un communiqué. «Cette situation est intolérable, d’autant plus qu’elle va de pair avec bien d’autres inégalités: les femmes occupent plus souvent des postes à temps partiel, moins bien rémunérés et précaires», précise Pauline Schneider, coprésidente des JS neuchâteloises.

«Les femmes gagnent moins que les hommes alors qu’elles travaillent plus», résume Martine Docourt, coprésidente des Femmes socialistes suisses et, par ailleurs, candidate au Conseil des Etat, qui estime que le mouvement féministe doit se montrer «actif sur le travail non rémunéré».

«Le Parlement se fiche de nous»

«Nous avons essayé d’obtenir une modification de la Loi fédérale sur l’égalité et c’est du pipi de chat qui est sorti du Parlement, qui se fiche de nous», avait lancé pour ouvrir la manifestation la secrétaire régionale d’Unia Neuchâtel, Catherine Laubscher.

«La nouvelle loi va tout de même permettre de sensibiliser les entreprises aux inégalités, mais elle ne concernera que les entreprises de plus de cent employés, ce n’est pas suffisant puisque les dernières statistiques montrent qu’il y a plus d’infractions dans les petites sociétés. Et il faut aussi prévoir des sanctions», relève Martine Docourt.

«C’est fou de devoir faire pression sur le Parlement, qui s’assoit sur la Constitution fédérale. Mais on sent que les femmes ne lâcheront pas. Le 14 juin sera une journée d’action et de luttes. Celles qui pourront débrayer, débraieront. Le but est que chacune trouve la créativité de faire quelque chose sur sa place de travail», indique Catherine Laubscher. La syndicaliste se dit touchée par ces jeunes féministes, «qui sont fières de ce qualificatif», et qui portent le collectif neuchâtelois. «Le collectif donne du courage aux femmes. C’est un mouvement qui fait du bien à tous les autres, notamment au mouvement syndical, parce qu’il incarne la persévérance et la créativité.»

Le 8 mars neuchâtelois s’est poursuivi à La Chaux-de-Fonds avec un apéro sur la place de la Gare puis une soirée au Bikini Test.

Jérôme Béguin / photo Thierry Porchet


Delémont: «On va réserver la date du 14 juin»

Delémont

La journée du 8 mars a commencé tôt pour Marie-Hélène Thies, responsable du groupe d’intérêt femmes d’Unia Transjurane, avec une distribution du journal 08 Minutes dès 6h30 à la gare de Delémont. Après quoi, avec d’autres syndicalistes, elle a fait la tournée des magasins pour distribuer des tracts sur la grève du 14 juin aux vendeuses. Accompagnée de Rébecca Lena, responsable RH et formation d’Unia Transjurane, nous l’avons suivie chez Manor, où nous avons pu constater le bon accueil offert par les travailleuses à la démarche. Peu de salariées étaient au courant qu’une grève se prépare. «On va réserver la date du 14 juin», a promis l’une des employées. «Il reste beaucoup de travail à faire», admet Marie-Hélène Thies. 

Unia Transjurane avait déposé le 8 mars 2018 son initiative cantonale «Egalité salariale? Concrétisons!» visant à matérialiser la parité des rémunérations. L’initiative est rédigée en termes généraux et le Parlement jurassien a pour tâche d’élaborer le texte. Le canton atteint un haut niveau de différences salariales, 23%, soit cinq points de plus que la moyenne nationale. «Dans le Jura, l’écart des salaires entre les hommes et les femmes est de 1000 francs», souligne la secrétaire syndicale.

«Devons-nous arrêter de faire des bébés pour avoir l’égalité?» La banderole ornant un stand d’Unia installé par la suite sur la place de la Gare avait de quoi interloquer. Malheureusement, il n’y avait pas grand-monde dans les rues de Delémont et le vent soufflant de la vallée de la Sorne n’invitait pas à s’attarder. Jusqu’à ce qu’une bourrasque finisse par avoir raison de la tente syndicale, renversée. Mais pas de la détermination des syndicalistes. Le soir même, le Collectif jurassien pour la grève s’est constitué en association. «Nous sommes 200, dont de nombreux jeunes», se félicite Marie-Hélène Thies. Le 14 juin, les grévistes se retrouveront sur cette place de la Gare pour le départ de la manifestation.

JB / photo Thierry Porchet

Plus d’informations:

Appel national: grevefeministe2019.ch

USS: 14juin.ch

Unia: greve-des-femmes.ch

SSP: #encolèretantqu'ilfaudra

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