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Grève féministe: c’est reparti!

La Grève féministe du 14 juin 2019.
© Eric Roset

Les deux vice-présidentes de l’Union syndicale suisse et sept travailleuses ont donné le coup d’envoi de la nouvelle Grève des femmes qui aura lieu le 14 juin prochain. Plutôt que de gagner du terrain, l’égalité régresse, tant au niveau du salaire et des rentes que de la répartition du travail. La mobilisation est nécessaire pour contrer ce mouvement et obtenir des progrès réels

 Coup d’envoi de la Grève féministe du 14 juin. Lors d’une conférence de presse organisée le 14 février à Berne, Vania Alleva et Natascha Wey, vice-présidentes de l’Union syndicale suisse (USS), ont expliqué pour quelles raisons cette prochaine mobilisation, troisième du genre après les rassemblements de 1991 et de 2019, s’avérait une fois de plus nécessaire. «Au lieu de gagner du terrain, l’égalité régresse au niveau des salaires, des rentes et de la répartition du travail de care. Le revenu des femmes reste plus faible que celui des hommes de 43,2% en moyenne. Ça ne peut pas continuer comme ça», s’est indignée Vania Alleva. La présidente d’Unia a mentionné différentes branches à bas salaires comme l’hôtellerie-restauration qui emploie un grand nombre de femmes et où les rémunérations mensuelles s’élèvent à moins de 3100 francs (salaire médian). Les vendeuses, les éducatrices de la petite enfance, les coiffeuses gagnent après leur apprentissage entre 3500 francs et 5000 francs. Depuis 2016, les faibles rémunérations ont par ailleurs baissé en valeur réelle. Un déficit de revenus aussi particulièrement problématique à la retraite, avec un écart entre les rentes des hommes et celles des femmes atteignant 34,6%, et cela alors que les travailleuses doivent désormais trimer un an de plus. La réforme de la LPP en l’état a également fait l’objet de critiques, considérée comme une «opération de démantèlement unilatérale, un projet de casse sociale au détriment des femmes».

Durant la conférence de presse.
Entourées de sept travailleuses, les vice-présidentes de l’Union syndicale suisse, Vania Alleva, debout, et Natascha Wey, deuxième depuis la droite, ont lancé officiellement à la mi-février la Grève des femmes de 2023. © Thierry Porchet

 

Au-delà de la Grève

«Nous voulons enfin voir des progrès. Manifestement pourtant, sans la pression de la rue, ce n’est pas près d’arriver. Voilà pourquoi la Grève des femmes est indispensable. Ces sujets ont de tout temps occupé les syndicats... Mais la pression doit aussi s’exercer dans les entreprises.» Dans ce contexte, les représentantes de l’USS ont insisté sur la nécessité pour les syndicats de recruter des membres dans les secteurs essentiellement féminins afin de faire avancer l’égalité. «Les conditions de travail s’améliorent là où les syndicats sont forts, et moyennant une mobilisation collective. Le taux de couverture des Conventions collectives de travail (CCT) doit progresser dans les branches majoritairement féminines, et l’heure est à des hausses massives de salaires», a déclaré Natascha Wey, qui occupe également la fonction de secrétaire générale du SSP, estimant inacceptable la situation prévalant dans les secteurs de la santé, du social ou encore dans celui de l’accueil des enfants. «La Grève féministe est pour nous l’occasion de renforcer la mobilisation sur les lieux de travail. Certaines branches où travaillent une majorité d’hommes, comme le secteur de la construction, ont réussi à faire adopter un départ à la retraite à 60 ans. Le SSP demande que d’autres domaines puissent en bénéficier, comme celui des soins. Mais pour atteindre cet objectif, il faut augmenter nettement le taux de syndicalisation.»

Dessin de la Grève féministe avec le slogan "du respect, du temps, de l'argent".

Les salaires en ligne de mire

Sept travailleuses issues de différents milieux professionnels et provenant des quatre coins du pays ont témoigné à tour de rôle de leur situation, ancrant dans la réalité de leur quotidien les constats des syndicats. A l’image de Pamela Silva Barrientos, assistante en pharmacie. La jeune femme, œuvrant depuis six ans dans la branche, a dénoncé les bas salaires, le manque de perspectives d’évolution et l’exigence d’information et de formation à charge des employés. Elle a insisté sur les connaissances et les responsabilités inhérentes à ses multiples tâches et précisé se battre aujourd’hui pour une CCT. Une lutte jugée d’autant plus nécessaire que les mauvaises conditions de travail expliquent, selon elle, la pénurie de personnel dans ce secteur. La question des basses rémunérations a également été mise en avant par Kerstin Maurhofer-Späh, une vendeuse comptabilisant trente années de service. Cette dernière a encore souligné la pénibilité de la fonction et une flexibilité nuisant à la conciliation entre activité professionnelle et vie privée. Sarah-Julia Mois, employée de la Compagnie générale de navigation a défendu de son côté la nécessité de procéder à des contrôles de salaires pour favoriser l’égalité. «Des outils gratuits et efficaces existent, pourquoi ne sont-ils pas utilisés?» s’est-elle interrogée tout en réclamant l’accessibilité à des formations continues pour tous et le renforcement de la sécurité du personnel, notamment contre le harcèlement au travail. Une problématique aussi soulevée par Muriel Noble, musicienne au sein de l’Orchestre de la Suisse romande et coprésidente centrale de l’Union suisse des artistes musiciens.

Durant la conférence de presse.
Tour à tour, les salariées présentes ont dénoncé les bas salaires et les mauvaises conditions de travail dans leurs domaines. © Thierry Porchet

 

La nécessité de chartes éthiques

La violoniste a dénoncé les jeux de pouvoir s’exerçant dans le milieu caractérisé par la précarité de l’emploi et propres à favoriser une carrière ou à lui faire barrage. Elle a condamné «les propos sexistes, racistes, les femmes scrutées sur la longueur de leur jupe» et revendiqué l’affichage de chartes éthiques dans tous les lieux de travail, fixant clairement les limites. L’artiste milite pour une CCT et un respect du métier qui doit aussi être concrétisé par un salaire juste pour les intermittents. «On ne peut accepter qu’une répétition de trois heures soit rémunérée 50 francs.»

Educatrice de l’enfance en formation, Antonia Undurraga a fustigé de son côté les sous-dotations en moyens et en places dans son domaine. La jeune femme s’occupe seule de «sept trotteurs», soit des petits de 18 mois à 3 ans. «Nourriture, hygiène, sécurité y compris affective... C’est parfois un tel stress que je n’ai même pas le temps de me rendre aux toilettes.» La jeune femme qualifie son métier «d’épuisant et d’usant, très physique, émotionnel, bruyant». Une profession «souvent méconnue et dévalorisée», loin de la représentation idéale répandue... «On croit souvent que c’est juste sympa de bosser avec des enfants», témoigne encore Antonia Undurraga réclamant une réduction du nombre d’enfants par groupe, une diminution du temps de travail effectif sans changement de salaire et un abaissement de l’âge de la retraite. «Les personnes restent rarement longtemps dans la profession. Il y a beaucoup d’absences», a-t-elle plaidé, avant de conclure par un appel à la grève le 14 juin.

Plus d’informations sur le site de campagne de l’USS sur: 14juin.ch

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