Des ONG lancent une pétition pour demander à la BNS de cesser d’investir dans les entreprises actives dans les énergies fossiles. Pour davantage de justice climatique
«Chère BNS, respectez vos propres directives et évitez les investissements qui alimentent le changement climatique.» Une fois de plus, la Banque nationale suisse (BNS) est priée de cesser d’investir dans les énergies fossiles. Le message, cette fois-ci, ne vient pas des milieux écologistes mais d’ONG liées aux Eglises dans le cadre de leur campagne œcuménique intitulée «Justice climatique, maintenant!». Pain pour le prochain, Action de Carême avec la collaboration d’Etre Partenaires, lancent une pétition qui commence par la formule susmentionnée et continue ainsi: «Dans ses directives de placement, la BNS stipule qu’elle “n’investira pas dans des entreprises (…) qui violent massivement des droits humains fondamentaux ou qui causent de manière systématique de graves dommages à l’environnement.ˮ» Autrement dit, la pétition demande à la BNS – qui est l’un des principaux investisseurs institutionnels mondiaux – de respecter ses engagements. Et de montrer l’exemple en cédant toutes les actions des entreprises actives dans l’extraction, le commerce et la transformation des combustibles fossiles (pétrole, gaz, charbon). Ce portefeuille représentait quelque 6 milliards de dollars fin 2019, avec pour conséquence le rejet de 43 millions de tonnes d’équivalent en dioxyde de carbone par an; ce qui correspond à un volume presque aussi important que les émissions intérieures de toute la Suisse.
Risques climatique et financier
«La stratégie d’investissement mise en œuvre par la BNS favorise une trajectoire de réchauffement de 4 à 6 degrés», alerte Miges Baumann, responsable de la politique de développement à Pain pour le prochain, dans un communiqué. En décembre dernier, si la BNS a annoncé vouloir exclure de son portefeuille les entreprises dont les activités sont axées sur l’exploitation de mines de charbon, cela ne change rien, ou presque. Comme le souligne Miges Baumann, lors d’une conférence en ligne organisée le 17 février, l’institution détient des actions dans 148 compagnies actives dans le domaine des énergies fossiles, dont cinq exclusivement dans le secteur du charbon – pour une valeur de moins de 5 millions de dollars. Les ONG demandent donc à la BNS de mettre fin à ses placements également dans les sociétés dont seule une partie de leurs activités est consacrée à l’exploitation du charbon, tel Glencore, entre autres exemples. «Investir dans les compagnies pétrolières et gazières est un risque non seulement climatique mais aussi financier», indique encore Miges Baumann, rappelant que la Banque de France a annoncé vouloir réduire drastiquement ses investissements dans les combustibles fossiles.
Déjà des conséquences dramatiques
Plusieurs acteurs des pays du Sud ont témoigné des dérèglements climatiques qui les frappent déjà: typhons, inondations, tsunamis, érosion côtière, glissements de terrain, écosystèmes en danger (tels les mangroves, les herbiers marins, les récifs coralliens), réchauffement de la température des océans. Yuyun Harmono, responsable climat de l’organisation Walhi, en Indonésie, a expliqué que l’élévation du niveau des mers met en danger quelque 23 millions de personnes. De nombreux raz-de-marée touchent déjà les îles. Deux d’entre elles (Betet et Gundul), inhabitées, ont été englouties.
Marieta Llanera, responsable de programme au CERD (Centre pour l’autonomisation et le développement des ressources) aux Philippines, a elle souligné que son pays essuie une forte augmentation de la fréquence et de l’intensité des typhons: «Les personnes vivant dans les communautés côtières sont les plus vulnérables, (…) la pêche et la production agricole déclinent.» En Indonésie comme aux Philippines, la sécurité alimentaire des populations les plus précaires n’est plus assurée.
Injustice sociale
Alors que les 50% les plus pauvres de la population mondiale ne génèrent que 10% des émissions de gaz à effet de serre liées à la consommation, les 10% les plus riches en produisent plus de 50%. Stefan Salzmann, responsable Climat et politique énergétique chez Action de Carême, donne pour image un voisin très fortuné (les pays riches) qui déverserait ses déchets dans votre petit potager nécessaire à votre survie (les pays pauvres). Le Suisse moyen n’est pas un modèle puisque ses émissions intérieures et importées se chiffrent à plus de 14 tonnes de CO2 par an, le plaçant au 3e rang du classement européen en termes de pollution. «En se procurant des biens de consommation à l’étranger, notre pays importe un volume d’émissions plus de deux fois supérieur à celui généré sur le territoire national», précise Stefan Salzmann. Ces chiffres ne tiennent, de surcroît, pas compte des émissions imputables à la place financière suisse vingt fois supérieures à celles produites sur le territoire national.