Une vidéo réalisée par Olivier Vogelsang, Thierry Porchet et Virginie Zimmerli
La création d’Unia racontée par des militants
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Cette année, Unia célèbre deux décennies de combats !
Unia célèbre cette année son vingtième anniversaire. L'occasion d'évoquer des souvenirs, mais aussi les défis qui attendent le plus grand syndicat de Suisse. Parole à des militants...
«Le Congrès de Bâle a été une belle fête»
Gianna Marly, ancienne présidente du comité vaudois des métallos et membre de la commission de négociations de la Convention collective de travail (CCT) des machines.
«Mon père était syndicaliste et j’ai toujours suivi sa trace, confie Gianna Marly, aujourd’hui retraitée, qui a commencé à travailler à 16 ans, d’abord dans le textile, puis dans la métrologie. Même quand j’ai siégé durant deux législatures au Conseil communal de Lausanne, c’était pour défendre les travailleurs et non autre chose. Je disais: je représente d’abord Unia et après le Parti socialiste…
J’ai participé aux préparatifs en vue du lancement du nouveau syndicat. De nous unir aux maçons était, pour nous autres de la métallurgie, très important. Nous ne sommes pas bien défendus, alors l’existence d’Unia est absolument nécessaire, je pense que c’est le seul syndicat capable de défendre les travailleurs.
Le Congrès de fusion de Bâle était une belle fête. J’ai conservé un drapeau signé par de nombreux collègues et syndicalistes, j’y tiens beaucoup et je le porte parfois quand je vais à une manifestation.
Unia devrait se montrer plus visible. Mais il faut dire que beaucoup de gens ne se syndiquent plus. C’est un peu dommage, car l’union fait la force. D’après ce que je vois, la relève n’est pas aussi virulente que nous pouvions l’être à l’époque. Quand nous allions négocier la CCT, nous arrivions toujours à obtenir des augmentations salariales. Lorsqu’on a voulu nous supprimer notre 13e salaire, nous sommes allés à Berne manifester. Dans mon entreprise, j’avais fait en sorte que chaque collègue puisse s’exprimer. On se retrouvait au vestiaire pour discuter des problèmes de travail, des horaires ou des timbrages, avant que la commission du personnel ne rencontre la direction. Nous nous battions aussi pour garder des places de travail. Je regrette qu’aujourd’hui nous perdions Vetropack et de nombreux emplois.
Nous nous sommes toujours battus. Ces luttes étaient très souvent difficiles, mais quand on se bat, on obtient quelque chose. Si on ne bouge pas, on n’a rien.»
«Cela reste un défi de renouveler les effectifs»
Jean Tschopp, ancien coprésident suisse de la jeunesse Unia
«La force d’Unia aura été de rassembler des travailleurs de différents secteurs d’activité faisant face aux mêmes difficultés afin de défendre leurs salaires et leurs conditions de travail. Parmi les militants de la jeunesse Unia, nous avions des apprentis et des étudiants, souligne Jean Tschopp, qui était âgé de 22 ans lors de la fusion. Ceux-ci n’ont, en général, que peu de possibilités de se rencontrer. C’était notre volonté et notre force que de nous rassembler, chacun enrichissant le groupe de son expérience.»
Aujourd’hui secrétaire général de Cap-Contact, association romande de défense des droits des personnes en situation de handicap, et conseiller national vaudois, il rappelle qu’à l’époque, le chômage touchait 10% des jeunes de notre pays. «Il était alors difficile de trouver une activité professionnelle ou une place d’apprentissage. Il y avait aussi une forte pression sur les conditions de travail. En France, le Premier ministre Dominique de Villepin tentait d’imposer son contrat première embauche, qui aurait autorisé les employeurs à licencier des salariés de moins de 26 ans sans motif, provoquant une forte mobilisation de la jeunesse. En Suisse, nous devions, de notre côté, nous opposer à l’abaissement à 18 ans du travail de nuit et du dimanche. Nous mettions l’accent sur la nécessité de proposer des formations de qualité et une offre suffisante des places d’apprentissage. Nous avions aussi sorti une brochure avec toute une série de conseils pratiques pour les jeunes confrontés à des actes racistes. C’était une demande du terrain, car il y avait beaucoup de discrimination. Malheureusement, ce n’est pas allé en s’arrangeant vu le climat très décomplexé et outrancier imposé aujourd’hui par l’extrême droite. De plus, cela reste un défi de renouveler les effectifs et de trouver des personnes qui s’engagent, notamment des jeunes. Dans la plupart des conventions collectives de travail, les apprentis sont exclus du champ d’application, ce qui peut constituer un frein à leur intégration dans le syndicat.
Dans le cadre du rapprochement avec l’Union européenne et face à cette concurrence très rude que nous connaissons, un autre grand défi est, selon moi, de maintenir les protections salariales et antidumping et d’en obtenir de nouvelles. Il s’agit de défendre tous les salariés, qu’ils travaillent en Suisse ou soient détachés dans notre pays pour une mission. C’est au Parlement maintenant de faire son travail pour protéger nos salaires, c’est indispensable si on veut que ces nouveaux accords bilatéraux aient une chance.»
«Nous avons connu des réunions tendues»
Eric Rufi, ancien président d’Unia Transjurane de 2008 à 2016.
«Dans la région Transjurane, le rapprochement entre la FTMH et le SIB n’était pas évident. Ce n’était pas la même culture. Le SIB était dans une dynamique plus dure, tandis que les activités de la FTMH étaient plus feutrées, se souvient Eric Rufi, prototypiste chez un fabricant de boîtes de montre aujourd’hui retraité. A la FTMH, à laquelle j’appartenais, nous avions certes des discussions animées lors des renouvellements de conventions collectives de travail, mais nous ne menions pas d’autres actions dans les entreprises. Je me sentais pour ma part plus proche du SIB, qui correspondait davantage à mon engagement syndical. Au problème de cette culture différente se sont ajoutées des questions bassement matérielles. Les sections avaient des biens et il a fallu tout mettre dans un pot commun. Les deux, trois années avant le congrès de fondation, nous avons connu des réunions tendues. Ensuite, les deux premières années d’Unia furent peut-être un peu compliquées, mais Jean-Marc Rouvinez fut un excellent président, sa voix portait, il a eu le grand mérite de réunir les deux bords et de faire la part des choses. Se rassembler était la meilleure initiative, surtout pour une petite région comme la Transjurane.
On a parlé de fusion avec Bienne, mais Unia Transjurane a ses spécificités, elle doit garder son caractère et son authenticité et continuer à exister.
Je pense que le syndicat a bien évolué dans son organisation, mais ce qui m’inquiète, c’est de voir la nouvelle génération vivre sur les acquis. Les jeunes n’ont pas participé à la longue lutte du syndicat qui nous a permis d’obtenir des améliorations progressives. Ils ont du mal à s’impliquer, à adhérer. Je ne veux pas jouer les vieux cons, mais je trouve qu’ils sont plus individualistes que nous ne l’étions.»
«C’est un combat qui ne finira sans doute jamais»
Henri Vuilliomenet, ancien président régional de la FTMH et coprésident d’Unia Neuchâtel après la fusion.
«Dans la région, le débat n’a pas été évident au sein de la FTMH. Il y avait des réticences du côté de certains horlogers qui considéraient n’avoir rien à faire avec des ouvriers du bâtiment, raconte Henri Vuilliomenet, qui a travaillé dans l’industrie avant de prendre sa retraite. Mais une majorité s’est toutefois nettement dessinée pour la fusion et la dynamique a vite été très positive. Nous n’avons pas connu de trop gros conflits internes, un consensus a été trouvé sur l’organisation du syndicat. Evidemment, nous avons rencontré des difficultés, mais c’est propre au mouvement. Je dirais que globalement Unia ne s’en est pas trop mal sorti et qu’il n’y a aucun doute que la fusion a été positive pour tous les secteurs.
Je me souviens qu’au Congrès de fondation de Bâle, j’étais intervenu pour soutenir la libre circulation des personnes, qui me semblait la meilleure solution pour défendre les travailleurs migrants. C’est un débat dont nous ne sommes pas près de sortir, c’est toujours autour du contrôle des salaires que ça coince du point de vue syndical. Les difficultés restent les mêmes, le problème a toujours été d’ancrer le syndicat dans les entreprises, c’était l’un des objectifs de la fusion. Et la question de la protection des représentants du personnel se pose encore. Il s’agit donc de notre capacité de mener des luttes pour peser sur l’évolution de toute la société. C’est un combat qui ne finira sans doute jamais. Il faut essayer de faire au mieux dans ce sens.»
Voir aussi l'article des membres fondateurs