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La réforme pénale du viol fâche

Une femme en costume de "servante écarlate" avec une pancarte "Révisons le code pénal sur le viol".
© Olivier Vogelsang

Quand c’est non, c’est non. Le 25 novembre dernier, lors de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, la Grève féministe s’était mobilisée pour exiger l’intégration de la notion de consentement dans la définition du viol.

La Commission juridique du Conseil des Etats a proposé de réformer la conception juridique du viol. Cette définition est décriée au sein des milieux féministes, qui la jugent rétrograde

Le consentement ne semble pas déterminant lors d’un viol. Chargée de réviser la notion pénale du viol, la Commission juridique du Conseil des Etat a lancé en consultation lundi passé un projet de loi controversé. Elle reste sur le statu quo en estimant que les actes sexuels non consentis doivent s’accompagner de violences ou de menaces pour être considérés comme des crimes, faute de quoi ils seront classés sous la catégorie d’«atteintes sexuelles», qui prévoit des peines plus légères. Assimiler un viol à un «délit» et non pas à un «crime» implique en effet une réduction de la peine maximale de dix à trois ans. «Les arguments sont irrecevables, regrette Lisa Mazzone, élue Verte et membre de la commission. C’est extrêmement problématique de différencier les viols avec ou sans contraintes. Ces derniers seraient vus comme moins graves et considérés comme des “faux violsˮ. Or, le poids des mots est crucial et un viol doit être reconnu comme tel.»

Si le texte n’est pas encore définitif, il fait déjà du bruit dans le milieu associatif. Pour Cyrielle Huguenot, responsable droits des femmes chez Amnesty International Suisse, la Suisse ne répond pas aux standards des droits humains en excluant le consentement de la définition du viol, comme prévu par la Convention d’Istanbul. «Sanctionner certains rapports sexuels non consentis en tant qu’atteintes sexuelles ne rend pas justice aux victimes. La gravité de la peine dépendrait alors dans certains cas de la réaction de la victime, ce qui contribue à la culpabiliser», ajoute-t-elle. Côté Grève féministe, c’est l’incompréhension. «Ce qui est problématique avec le viol, c’est le fait qu’il constitue une grave atteinte à l’autodétermination sexuelle. Cet élément est fortement aggravé en cas de violence physique mais cela ne doit pas constituer la condition absolue pour définir le viol», avance Kaya Pawlowska, membre du groupe sur les violences sexistes et sexuelles de la Coordination romande pour la Grève féministe.

Une méconnaissance de la réalité

Pour rappel, le Code pénal suisse distingue le viol de la contrainte sexuelle. Si chaque infraction dépend de l’acte sexuel commis (pénétration vaginale ou non), toutes deux impliquent l’usage de la «menace» ou de la «violence». Une définition qui ne correspondrait pas à la réalité. «La majorité des viols est commise par des personnes connues ou des proches. La menace ou la violence ne sont pas forcément mobilisées, puisqu’il existe un lien de confiance», affirme Kaya Pawlowska.
Par ailleurs, Cyrielle Huguenot explique qu’il arrive souvent que les victimes se retrouvent dans un état de surprise ou de choc, les rendant incapables de se défendre. Un constat appuyé par Lisa Mazzone: «Le projet est en décalage avec les connaissances. Il existe toujours cette conception stéréotypée du viol, où un inconnu surgirait soudainement dans la rue. C’est une minorité des cas.»

Douze pays européens ont adapté leur législation sur le viol, comme l’Allemagne, la Suède ou la Croatie, tandis que le pas est à deux doigts d’être franchi en Espagne. La Suisse, elle, est à la traîne. Un phénomène qui s’expliquerait notamment par le fait que le viol est encore individualisé, selon Kaya Pawlowska. «On entend souvent que c’est dû à la personnalité déviante de l’auteur. Ce n’est pas considéré comme une problématique globale de société, ce qui se répercute au niveau institutionnel.» Plusieurs cantons ne disposent en effet pas de structure consacrée aux questions d’égalité et plus de 55% des femmes disent ignorer l’existence de centres de conseil pour les victimes de violences dans leur région, d’après un sondage de l’institut gfs.bern réalisé en 2019.

Une libération de la parole

Inclure le consentement permettrait donc une meilleure légitimation de la victime et une libération de la parole. En Suisse, seules 8% des victimes portent plainte (gfs.bern). Les raisons principales: la honte et la peur de ne pas être crue. «Ce sont des situations difficiles à prouver. Des professionnels dissuadent la victime de porter plainte, car elle n’a pas de traces de contraintes. En intégrant le consentement, on abroge cette barrière et on donne un signal clair sur ce qui est toléré ou non», explique Lisa Mazzone. On observe par exemple une augmentation de plaintes en Allemagne et davantage de poursuites en Suède après le changement de loi.

Sanctionner les rapports sexuels non consentis en tant que viols ne remettrait pas en cause la présomption d’innocence, contrairement à ce que craignent certains élus. «La difficulté du processus ne change pas. Le bénéfice du doute profitera toujours à l’accusé, mais le procès se focalisera sur l’accusé et non plus sur la victime», affirme la Verte. Cyrielle Huguenot insiste aussi sur le fait qu’il existe des techniques d’entretien pour déterminer la crédibilité des témoignages, ainsi que des preuves tangibles, comme des témoins, un état dépressif de la victime ou des consultations thérapeutiques.

La phase de consultation prendra fin le 10 mai prochain. Jusque-là, les milieux féministes promettent une forte mobilisation pour faire déferler la vague violette sous la Coupole fédérale.

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