Le personnel et la direction de la société d’assistance au sol se sont entendus sur une «CCT de crise», qui revient sur certaines dégradations des conditions de travail et d’engagement
Le conflit social qui agite Swissport depuis le début de l’année a connu un rebondissement le 21 juillet. Réuni en assemblée générale, le personnel de la société d’assistance au sol a accepté un compromis proposé par la direction et soutenu par Avenir syndical et le syndicat des transports SEV-GATA.
Pour mémoire, l’entreprise active à l’aéroport de Genève-Cointrin a imposé cet hiver à ses mille collaborateurs une modification des contrats de travail impliquant une dégradation des conditions de travail et d’engagement avec des baisses de salaires de l’ordre de 500 à 1500 francs par mois. Pour répondre à cette attaque sans précédent, les salariés ont engagé des actions publiques et des mesures de lutte. Faute de trafic aérien, celles-ci n’avaient pas eu beaucoup d’impact jusqu’au 14 juillet. Ce jour-là, des dizaines de travailleurs ont débrayé durant trois heures provoquant la perturbation d’une trentaine de vols – jusqu’à 2h30 de retard pour l’avion le plus touché. Le débrayage semble avoir porté ses fruits puisque la direction est revenue avec une nouvelle proposition.
Selon le communiqué commun d’Avenir syndical et du SEV, cet accord, présenté comme une «CCT de crise», restaure des «acquis supprimés dans les contrats individuels de Swissport (principalement la participation à la caisse maladie), établit des mesures de compensations pour le personnel (mécanismes d’amortissements sur les baisses de salaires), supprime des dispositifs qui pénalisaient les employés (horaires flexibles), amoindrit d’autres dispositifs déjà̀ mis en place (horaires coupés, annualisation des horaires), rétablit un cadre limitant le recours au personnel auxiliaire (plafond de 1400 heures par an, diminution des périodes de disponibilités obligatoires) et valorise de façon plus équitable la pénibilité liée soit au travail physique (prime de port de charge octroyée désormais aussi au personnel auxiliaire) soit aux tensions inhérentes à la période Covid (nouvelle prime saisonnière), notamment dans le contact avec la clientèle».
L’accord se révèle beaucoup plus favorable aux salariés que celui refusé en février, même si les deux syndicats reconnaissent qu’il «ne répond pas à l’entier des besoins légitimes exprimés par les employés». Mais il «s’inscrit dans un contexte de crise et prend en compte une partie des demandes du personnel» et constitue aussi un «gage de bonne foi de l’entreprise à rétablir un dialogue social». Il est valable sur neuf mois, soit rétroactivement du 1er juin 2021 au 28 février 2022, le temps de négocier une nouvelle CCT.
Le SSP voulait poursuivre la lutte
«Cet accord ne répond que très partiellement aux demandes du personnel», juge, pour sa part, Jamshid Pouranpir. Le secrétaire syndical du SSP Trafic aérien pense que les salariés ont «accepté d’avaler cette couleuvre dans l’espoir de retrouver des conditions de travail dignes dès la fin de la crise». Le troisième syndicat organisant le personnel de Swissport était partisan de poursuivre la lutte et de réclamer davantage, car les pertes de salaires se montent toujours à plusieurs centaines de francs par mois, alors que le temps de travail hebdomadaire, passé de 40h à 41h15, n’est pas diminué. De plus, les dizaines de salariés ayant refusé de signer le congé-modification de leur contrat de travail ne seront pas réintégrés et ne bénéficieront d’aucun plan social. Il n’est pas prévu non plus de payer les trois heures aux travailleurs ayant participé au débrayage alors que les non-grévistes se sont vu gratifier d’un bon Manor d’une valeur de 60 francs – «en guise de remerciement pour leur soutien», selon les mots de la direction.
On pourrait s’étonner de l’empressement à signer cet accord et avoir le sentiment que la direction obtient à bon compte la paix du travail pour plusieurs mois – jusqu’au 28 février, soit après les vacances de fin d’année et de février, périodes propices aux grèves à l’aéroport – et que le personnel aurait pu pousser son avantage en organisant de nouveaux arrêts de travail. Cela dit, il faut constater que le mouvement social n’était porté que par une minorité et que les salariés, précarisés, étaient pressés d’obtenir une amélioration de leurs conditions de travail et d’engagement.