Une vidéo de Virginie Zimmerli et Manon Todesco.
Les apprentis ont besoin de repos

Les syndicats demandent huit semaines de vacances pour les apprentis afin qu’ils puissent mieux concilier travail, école et vie privée, mais aussi pour qu’ils soient moins fatigués et stressés.
Dans le cadre d’actions syndicales en faveur des apprentis, Unia réclame huit semaines de vacances contre les cinq actuelles, afin de diminuer le stress et l’épuisement chez ces jeunes.
Depuis le 31 mars, et jusqu’au 6 avril, a lieu dans toute la Suisse une semaine de sensibilisation des apprentis sur la question des vacances. Une initiative amenée par la commission jeunesse de l’Union syndicale suisse (USS) lors de la dernière assemblée des délégués. Leur demande: obtenir huit semaines de vacances afin de pouvoir mieux concilier travail, école et vie privée, mais aussi de réduire la fatigue et le stress chez ces jeunes travailleurs, qui sont la relève de demain. A Zurich et à Neuchâtel, par exemple, Unia s’est rendu dans les écoles professionnelles pour distribuer des flyers de sensibilisation sur ces questions, mais aussi amener les apprentis à rejoindre le syndicat dans cette lutte. Trois questions à Felicia Fasel, secrétaire nationale pour la Jeunesse à Unia.
En quoi est-ce fondamental de revendiquer plus de vacances pour les apprentis?
Voici le contexte: en 2023, la conférence jeunesse annonçait un plan de campagne pour mieux connaître les revendications, les besoins et les problématiques des apprentis au niveau national. En juillet 2024, un rapport rédigé sur la base des réponses à un questionnaire largement diffusé révélait que les apprentis étaient stressés et épuisés. Précisément, plus de la moitié des apprentis se disaient stressés sur leur place de travail et deux tiers épuisés en dehors du travail.
D’où viennent ce stress et cet épuisement? Clairement d’un manque de repos, avec des journées de travail de neuf heures, voire plus, mais aussi d’une obligation d’être productifs tout en devant apprendre, faire leurs devoirs, aller en cours et passer des examens. C’est une charge immense! Ils passent de l’école secondaire avec douze semaines de vacances à l’apprentissage avec 5 semaines, voire seulement 4 semaines de congés annuels, c’est difficile.
Voilà pourquoi la revendication de la réduction du temps de travail ressortait fortement, afin de permettre davantage de repos. Nous avons opté pour la revendication des huit semaines de vacances, car l’apprentissage est régi au niveau cantonal donc nous avons peu de marge de manœuvre, hormis la question des vacances qui est nationale.
Ça ne réglera pas tous les problèmes, mais cela permettra déjà aux apprentis d’avoir plus de temps pour récupérer. De même, ça pourra relancer l’attractivité de l’apprentissage en Suisse, qui souffre. En effet, les jeunes choisissent des filières généralistes, car elles proposent plus de vacances, donc si nous voulons continuer à renforcer la formation professionnelle, il faut qu’elle corresponde aux attentes des jeunes, à savoir proposer davantage de temps libre pour vivre.
Quelles sont les autres problématiques rencontrées par les apprentis?
Ils souffrent beaucoup de discriminations telles que le racisme, le mobbing et les violences sexistes et sexuelles, voire plusieurs en même temps. C’est ce qu’on appelle la discrimination intersectionnelle. Un tiers des apprentis déclarent subir des discriminations. Et plus ils y sont confrontés, plus leur indice de vulnérabilité augmente, donc plus ils sont stressés et donc épuisés. Tout est lié.
Par ailleurs, les jeunes de moins de 25 ans sont deux fois plus victimes d’accidents professionnels. Une fois encore, le stress et la fatigue ne peuvent pas être écartés. Il y a donc clairement un enjeu de santé et de sécurité au travail.
Enfin, nous exigeons de meilleures conditions de formation, que le droit du travail et le droit de la formation professionnelle soient respectés et qu’ils soient inclus dans les conventions collectives de travail. Nous demandons en outre des salaires décents et le droit à une vraie formation, avec un suivi et un accompagnement. Car souvent, les apprentis sont utilisés comme de la main-d’œuvre bon marché. Afin de redonner de l’attractivité à la filière, il faut entendre les besoins des apprentis et que ces derniers soient en bonne santé et le restent, car ils sont la relève de demain.
Pour toutes ces raisons, il est aussi important que les autres travailleurs et les formateurs soient solidaires des apprentis. Le mouvement doit être plus large et encouragé par les collègues. Les formateurs, dont le travail est peu valorisé et pourtant si important, doivent continuer à produire mais aussi produire moins pour former mieux!
Comment évolue la mobilisation des jeunes au sein du syndicat?
Nous sommes encore en pleine construction syndicale, mais nous avons aujourd’hui de plus en plus de militants romands, et de plus en plus de membres en général.
Les jeunes sont très actifs au sein d’Unia, et c’est une bonne chose. A Bâle, le 22 mars dernier, il y a eu une manifestation des apprentis, ce qui est historique, car ils ne s’étaient pas mobilisés depuis des années.
Pourquoi c’est si difficile? Parce qu’on s’organise de manière collective, et que les apprentis sont souvent isolés dans les entreprises. Sans oublier le fait qu’ils sont tout en bas de la hiérarchie professionnelle, donc vulnérables. De plus, un apprentissage a une durée limitée de 3 ou 5 ans maximum, donc quand ils rencontrent des difficultés, ils serrent les dents en se disant que ce sera bientôt terminé. On ajoute à cela l’épuisement et le manque de temps pour participer à des assemblées syndicales...
Quant aux cantons, ils sont dépassés. Dans le Jura, il y a une ou deux personnes seulement de l’Office de la formation professionnelle pour s’occuper des 2000 apprentis du canton et, à Neuchâtel, une personne pour 40 apprentis: c’est impossible de régler tous les problèmes.
Voilà pourquoi de meilleures conditions de formation sont urgentes!