Réunis lors de l’assemblée des délégués d’Unia des Arts et métiers, les travailleurs ont accusé l’UDC de faire le jeu des patrons tricheurs. Ils réclament une meilleure protection de leurs salaires et de leurs conditions de travail
Le 20 avril dernier a eu lieu l’assemblée des délégués des Arts et métiers d’Unia à Berne, réunissant une septantaine de travailleurs de l’artisanat venus de toute la Suisse. Après avoir présenté une résolution sur les retraites et développé le rapport d’activité du secteur, la discussion a porté sur les enjeux de la libre circulation et, a fortiori, sur l’initiative populaire «pour une immigration modérée» lancée par l’UDC en janvier visant notamment à abroger l’accord sur la libre circulation de personnes. En plus de mettre en péril l’intégralité des accords bilatéraux avec l’Union européenne, cette initiative s’en prend violemment aux syndicats et aux Conventions collectives de travail (CCT). Pour rappel, le parti d’extrême droite avait entre autres déclaré que ces derniers avaient un pouvoir «disproportionné» et que les CCT étaient des «pompes à fric pour les caisses syndicales». L’objectif à terme est de renoncer aux mesures d’accompagnement, en affaiblissant la représentation syndicale et en limitant la déclaration de force obligatoire des CCT.
«C’est une attaque frontale contre les conditions de travail en Suisse, contre les salariés de Suisse et contre les entreprises, dénonce Aldo Ferrari, vice-président d’Unia et responsable du secteur des Arts et métiers. Les CCT de force obligatoire protègent les salariés, évidemment, mais aussi les entreprises honnêtes de celles qui ne le sont pas. En s’y attaquant, l’UDC défend les entreprises tricheuses irrespectueuses de lois et des CCT.» Et le syndicaliste d’insister: «La disparition de la libre circulation des personnes et des mesures d’accompagnement conduirait à l’engagement de salariés européens employés à des conditions non contrôlées et inférieures à celles pratiquées en Suisse comme à l’époque du statut de saisonnier.» Daniel Lampart, premier secrétaire de l’Union syndicale suisse va dans le même sens: «Il faut des salaires suisses en Suisse, c’est le principe des mesures d’accompagnement. Une remise en question de ce mécanisme provoquerait une hausse du chômage et une pression sur les salaires».
Etat des lieux
Deuxième secteur le plus important d’Unia, l’artisanat du bâtiment est celui qui recense le plus de CCT de force obligatoire. Il regroupe 50 000 membres actifs dans les métiers du bois, de la peinture, de la technique du bâtiment, de l’électricité et de la construction métallique. C’est un secteur très actif au niveau conventionnel, qui a aussi su gagner beaucoup de membres ces dernières années. «L’an passé, nous avons obtenu des hausses de salaire réelles dans presque toutes les branches, plusieurs CCT ont été renouvelées et nous avons réussi à introduire la retraite anticipée pour les plâtriers peintres», se réjouit Aldo Ferrari. La campagne pour le renouvellement de la CCT des électriciens vient d’être lancée. «Mises à part quelques petites exceptions, toutes les branches du secteur sont couvertes par une CCT de force obligatoire.»
L’autre côté de la médaille est plus sombre. L’artisanat est aussi un secteur sujet à de fortes pressions, à la concurrence, à la sous-traitance et à la guerre des prix mettant les conditions de travail à rude épreuve. Dépendant fortement de l’industrie d’exportation et du tourisme, il a par ailleurs subi les conséquences du franc fort. Dans ce contexte de tensions, la fin des CCT de force obligatoire serait une «catastrophe» pour le secteur, assure son responsable.
Pour plus de protection
A l’inverse, Unia appelle à un renforcement de la protection des salariés. Cela passe par l’extension des CCT de force obligatoire, par la hausse des salaires et des salaires minimaux, par un renforcement des contrôles ainsi que de la protection contre les licenciements. Un travail de longue haleine. Dans la CCT du second œuvre romand (SOR), certaines avancées ont déjà eu lieu pour lutter contre la précarisation et la sous-enchère salariale, à l’image de la limitation des travailleurs non qualifiés sur les chantiers et la reconnaissance de la formation et des diplômes européens. «Même si beaucoup de travail reste à faire, nous pouvons être fiers des acquis obtenus grâce aux CCT du secteur, affirme Aldo Ferrari. L’enjeu majeur c’est le maintien de notre présence sur les lieux de travail.»