Des salariées s'expriment sur la nécessité d'augmenter les rémunérations
Un salaire d’homme réclamé
Virginie, militante au comité industrie et au groupe d’intérêts femmes d’Unia Neuchâtel, employée dans l’industrie horlogère: «Dans mon ancien emploi au sein d’un grand groupe horloger, je me suis rendu compte que mon salaire était inférieur de 1500 francs à ce qu’il devait être. En effet, à la suite d’un changement de poste pour lequel une augmentation de salaire m’avait été promise, on m’a baladée pendant quelques années avec des excuses économiques pour ne pas me l’octroyer. Je suis finalement remontée jusqu’à la direction, j’ai obtenu quelque chose, mais de loin pas suffisant. Certains collègues de production se sont carrément entendu dire qu’ils avaient été engagés à tel salaire et que celui-ci ne changerait pas. Heureusement, j’ai maintenant trouvé un autre poste dans une entreprise qui paie plutôt bien. Et j’ai demandé clairement le salaire d’un homme! Rappelons que, dans l’horlogerie, le salaire moyen des hommes est de plus de 1300 francs supérieur à celui des femmes. Il y a quand même quelques entreprises correctes. Certes, pour une personne travaillant dans les bureaux, comme moi, c’est un peu plus facile. Dans la production, souvent les salaires n’évoluent pas, ils restent les mêmes du début à la fin de la carrière. Alors, comme les indexations ne couvrent pas toutes les augmentations du coût de la vie, les revenus disponibles diminuent. Si je participe à la manifestation salariale, ce n’est pas pour moi, c’est parce que je trouve inacceptable que l’horlogerie verse des salaires aussi bas alors que c’est une industrie du luxe qui dégage de plus en plus de bénéfices reversés aux actionnaires. Je ne trouve pas normal que les riches soient de plus en plus gourmands au détriment des ouvriers et des ouvrières qui bossent comme des fous et se dévouent pour leur entreprise. Les fruits du travail doivent être mieux redistribués.»
Propos recueillis par Jérôme Béguin
Les loisirs passent à l’as
Emma (prénom d’emprunt), gérante de boutique de mode en Valais: «En Valais, il n’y a pas de convention collective dans la vente, alors chacun fait ce qu’il veut. En quinze ans, j’ai peut-être eu deux fois une augmentation de 100 francs, mais aucune depuis la crise du Covid, confie cette mère célibataire quadragénaire. Et en ce moment, aller voir mon employeur pour lui demander une augmentation, c’est peine perdue. Ça va très mal dans le textile, la vente en ligne est en train de nous tuer à petit feu. Beaucoup de boutiques ferment. Comme c’était le seul moyen de gagner un petit peu plus, il y a quelques années, j’ai accepté de nouvelles responsabilités. Mais bien que j’aie un statut de cadre, je ne touche que 4900 francs brut par mois, alors que ma charge de travail a énormément augmenté, avec des semaines à plus de cinquante heures. C’est difficile de joindre les deux bouts. Je vis seule avec deux enfants qui ne sont pas encore indépendants financièrement. Et comme ils sont majeurs, leur père ne me verse plus de pension alimentaire. Les allocations familiales ne suffisent pas, et en plus, je suis dans une tranche salariale qui ne me donne pas le droit à des aides. Une fois que j’ai payé le loyer, l’assurance maladie et toutes les factures, il me reste 400 francs pour tenir le mois. Je ne fais plus rien, je n’ai plus de loisirs, je ne sors plus boire des verres avec des amis. Ça fait déjà longtemps que je ne pars plus en vacances. Je reste chez moi. Ma vie, c’est maison-travail, maison-travail.»
Propos recueillis par Antoine Grosjean
Impossible de subvenir seule à ses besoins
Une coiffeuse à Lausanne, 26 ans: «J’ai fait mon apprentissage en 2015. Depuis, malgré l’augmentation salariale dans la Convention collective de travail (CCT) de la coiffure, notre pouvoir d’achat a reculé. Mes collègues et moi, nous touchons, selon nos formations, entre 3800 et 4400 francs brut par mois environ pour des semaines à 43 heures et en travaillant tous les samedis. Avec le coût de la vie actuel, une coiffeuse ne peut pas subvenir seule à ses besoins. Soit on vit chez ses parents, en colocation ou avec son chéri. Depuis quelques années, nous n’avons quasi plus de bonne-main. Avant, je me souviens qu’une collègue gardait tous ses pourboires pour payer ses impôts ou partir en vacances. C’était comme un 13e salaire. Depuis quatre ans (soit depuis le Covid, ndlr), ce n’est plus le cas. Ce qu’il nous faudrait en fait, c’est un 13e salaire. Je confie que j’ai adoré mon métier. Je l’ai choisi par passion. Ma mère m’avait mise en garde sur le fait que le salaire était petit, mais je n’y pensais pas à l’époque. Au fil des ans, on se rend compte des inconvénients du métier: le stress de faire du chiffre, notre rôle social qui fait qu’on entend des plaintes du matin au soir, la pression de la clientèle de plus en plus exigeante qui veut telle ou telle coupe sans permettre à la coiffeuse de développer sa créativité – et je comprends ces exigences, car je fais pareil – ou encore le peu de possibilités d’évolution. Résultat: beaucoup de coiffeuses, comme moi, se reconvertissent après dix ou quinze ans de métier. Il n’y a plus que des jeunettes dans les salons. Je n’irai pas manifester le 21 septembre, car je travaille et que je n’ai pas l’énergie. Mais tant que je ferai ce métier, je resterai membre d’Unia, car c’est important de contribuer à ma petite échelle.»
Propos recueillis par Aline Andrey