Les associations féministes demandent que des lieux d’accueil d’urgence soient ouverts, en respect des consignes de l’Office fédéral de la santé publique. La Confédération assure que les cantons sont opérationnels
A l’heure où l’on se confine pour se protéger du Covid-19, pour certaines, le plus grand danger se trouve à la maison. Cette crise sanitaire inédite, qui peut engendrer stress, incertitude et tensions, mais surtout la limitation des contacts avec l’extérieur et l’obligation de cohabiter toute la journée avec son agresseur, font que les violences conjugales redoublent. Aux quatre coins du monde, les signalements de violences faites aux femmes explosent: en France, ceux-ci ont augmenté de 32% en quelques semaines, de 16% en Espagne et de 25% au Royaume-Uni. En Chine, berceau de l’épidémie, les violences conjugales ont triplé dans certaines régions, elles ont doublé en Inde et augmenté de 60% durant la quarantaine au Mexique. Une situation tellement critique que le secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a lancé un cri d’alerte début avril: «Je presse tous les gouvernements de faire de la prévention des violences domestiques une priorité dans leurs plans de lutte contre le Covid-19. Nous avons constaté une horrible montée des violences domestiques.»
Rester en alerte
Face à ce drame international, en Suisse, la coordination nationale des Collectifs pour la grève féministe et des femmes se montre préoccupée et demande des mesures d’urgence. Dans un communiqué du 17 mars, cette dernière exige notamment la mise en place de lieux d’accueil d’urgence, comme des hôtels ou des logements vides, pour les victimes de violences sexistes. «Un numéro ou un centre de contact doivent pouvoir être à disposition afin de savoir à qui s’adresser pour demander où trouver refuge.»
Unia, en contact étroit avec l’Union syndicale suisse à ce sujet, adopte une position similaire. «Nous demandons que les recommandations dictées par l’Office fédéral de la santé publique puissent être garanties dans les centres déjà en place et, si cela n’est pas possible, de mettre davantage de structures sur pied, souligne Aude Spang, secrétaire de Femmes et Jeunesse. Nous devons rester alertes sur la condition de ces femmes, mais également sur celle des personnes LGBTIQ, qui sont aussi potentiellement visées par un accroissement des violences.» La syndicaliste propose de suivre les exemples mis en place dans les autres pays, comme des applications ou des groupes Whatsapp pour dénoncer les violences subies, ou encore des messages codés en pharmacie pour appeler à l’aide. «De très bonnes choses se font un peu partout, il faudrait que cela suive en Suisse et, surtout, que les services de police et juridiques soient sensibles et réactifs à ces questions-là.»
Conseil fédéral prêt
De son côté, le Conseil fédéral se montre rassurant. Pour l’heure, aucune dégradation n’a été perçue dans les cantons, et la protection des victimes reste assurée malgré la pandémie. «Les centres cantonaux spécialisés dans l'aide aux victimes sont opérationnels, assure un communiqué de presse du 23 mars du Bureau fédéral de l'égalité entre femmes et hommes. Quant aux personnes qui ne se sentent pas en sécurité à la maison, elles continuent de bénéficier d'un hébergement, par exemple dans une maison d'accueil pour femmes.»
Du côté des poursuites pénales, la situation ne change pas non plus: «La protection des victimes reste la priorité de la police. Dans les cas de violences, celle-ci peut continuer à demander l'expulsion du domicile de l'auteur des violences et signaler une éventuelle mise en danger des enfants aux autorités compétentes. Il reste aussi possible d'ordonner une interdiction de contact et une interdiction de s'approcher. En outre, les autorités cantonales continuent de suivre les situations à haut risque.»
Et si la situation venait à changer, les autorités fédérales se disent prêtes à réagir: «La Confédération a mis sur pied une task force des autorités et des services responsables, placée sous la houlette du Bureau fédéral de l'égalité entre femmes et hommes. Il s'agit de pouvoir réévaluer régulièrement la situation et d'examiner les mesures à prendre en cas d'augmentation de la violence domestique.»