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«Nous ne nous opposons pas à une CCT chez Smood»

Roman Künzler lors de la mobilisation "Smood" en décembre 2021.
© Thierry Porchet

Roman Künzler, responsable de la branche transport et logistique chez Unia.

Unia répond aux contrevérités émises dans la presse par le patron de la société de livraison, Marc Aeschlimann

Alors qu’il n’était pas intervenu publiquement durant la grève, le patron de Smood, Marc Aeschlimann, est sorti de l’ombre au mois de février. Le Temps et 24 heures lui ayant offert de pleines pages pour s’exprimer, il en a profité pour s’en prendre vertement à Unia, accusant notamment le syndicat de saboter la création d’une convention collective de travail (CCT) d’entreprise. Responsable de la branche transport et logistique chez Unia, Roman Künzler met les points sur les i. Interview.


Marc Aeschlimann prétend avoir été en négociation avec Syndicom depuis janvier 2021 pour la conclusion d’une convention collective de travail. «Sans l’intervention d’Unia, la CCT serait en force depuis octobre 2021», affirme-t-il. Est-ce que, selon vos informations, une CCT était sur le point de voir le jour?

C’est de la pure propagande. Il y a certes eu des discussions préliminaires, reconnaît Syndicom, mais pas de négociations. Aucun syndicat ne signerait une CCT qui admettrait que le travail soit payé à la minute et que les outils de travail, comme les véhicules, ne soient pas entièrement défrayés. Aujourd’hui, Smood n’est pas prêt à mettre en œuvre les recommandations minimales de la Chambre genevoise des relations collectives de travail et à respecter les lois, on est donc bien loin d’une CCT, malheureusement.

Unia s’oppose-t-il à une CCT comme le prétend le patron de Smood?

C’est faux. Une option pour les travailleurs pourrait être de négocier une CCT d’entreprise qui règle des points spécifiques, mais ce n’est pas la première priorité, car il faut savoir qu’une CCT de branche étendue existe déjà à laquelle est soumise Smood, c’est la Convention nationale de l’hôtellerie-restauration. Selon la commission paritaire de la branche, l’entreprise doit s’y soumettre. Nous ne nous opposons donc pas à une CCT puisqu’il y a une CCT qui existe et nous demandons qu’elle soit respectée.

Marc Aeschlimann réduit la grève à «deux mécontents», qui ont «trouvé un mégaphone avec Unia»… Votre commentaire?

Cette affirmation est ridicule. Aucun travailleur ne peut accepter de n’être payé que pour une partie de son travail et de subventionner l’entreprise par son véhicule. Les livreurs sont venus nous voir, il y a un soutien immense parmi eux pour les démarches que nous avons entreprises, même si tout le monde ne s’est pas affiché. Il faut rappeler que nous avons plus de 130 mandats signés et que plus de 80 personnes ont participé aux piquets de grève dans onze villes.

L’employeur évoque aussi une «orchestration» et un «syndicat plus intéressé par la politique que la défense des salariés». Est-ce qu’Unia poursuit des buts politiques et manipule des salariés à cette fin?

Unia est une organisation de salariés, notre objectif est de garantir des emplois dignes et du respect pour les travailleurs, nous ne poursuivons pas d’autres intérêts. Tout ce qui a été entrepris dans ce conflit a été décidé par les travailleurs eux-mêmes. Il y a eu ces derniers mois des centaines de réunions organisées dans le cadre des comités de travailleurs des villes et du comité national de grève.

Il assure ne pas pouvoir renoncer au paiement à la minute en raison de la concurrence. Que répondez-vous à cela?

Qu’Uber Eats continue de fonctionner avec de faux indépendants et du travail au noir est un scandale. Les autorités devraient l’empêcher. Il n’en reste pas moins que Smood est un employeur et doit, à ce titre, respecter les lois. Il y a d’ailleurs des sociétés qui font clairement mieux dans la même branche que Smood. L’entreprise pourrait se positionner comme un contre-exemple d’Uber Eats, pour le moment ce n’est pas le cas, Smood reste dans la logique de l’ubérisation. Au point que des livreurs à Genève ou à Lausanne disent que les conditions sont meilleures avec Uber Eats. A Genève, il faut noter qu’Uber Eats paie le salaire minimum cantonal.

Uber Eats ne ferait, d’après lui, l’objet «d’aucune protestation syndicale».

C’est faux. Unia a organisé nombre d’actions de protestations et médiatiques et maintient la pression sur les autorités. Cela depuis son entrée sur le marché en 2018.

Comment envisagez-vous la suite? Est-ce qu’Unia est prêt à discuter avec la direction de Smood?

Oui, nous sommes ouverts au dialogue, toutes les améliorations que nous pouvons obtenir ainsi sont bienvenues. Malheureusement, en refusant d’accepter les recommandations de l’Etat, Smood a fermé la porte à des négociations et à une solution pour le moment. Le conflit continue.

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