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Pour une augmentation des salaires de 5%

Des achats alimentaires bien maigres.
© Thierry Porchet

En raison de l’inflation, de l’explosion des prix des loyers et des primes d’assurance maladie et des rémunérations restées à la traîne, le pouvoir d’achat de la population a baissé.

Les syndicats réclament une majoration des salaires de 5% en 2024. Cette augmentation doit compenser la hausse du coût de la vie et la stagnation des rémunérations, rattraper des pertes du pouvoir d’achat, mais aussi permettre aux employés de profiter de la bonne conjoncture actuelle

A l’occasion de sa conférence de presse sur les salaires, l’Union syndicale suisse (USS) a appelé à des augmentations de salaires de l’ordre de 5% afin de pallier la baisse des salaires réels pour la troisième année consécutive, du jamais-vu depuis la Seconde Guerre mondiale... «Les salaires sont actuellement inférieurs de près de 3% à ceux de 2020», précise Daniel Lampart, économiste en chef de l’USS. «Pourtant l’économie se porte bien et le chômage est bas. Et les employeurs se plaignent de la “pénurie de main-d’œuvre qualifiée”. Jusqu’ici, les salariés n’ont pratiquement rien vu de la bonne conjoncture.»

Pour la faîtière syndicale, plus question que les travailleurs se contentent des miettes que les employeurs veulent bien leur laisser! «Nombre d’entreprises ont relevé leurs prix et élargi leurs marges en raison des débouchés favorables et des pénuries d’approvisionnement, poursuit l’économiste. Certaines grandes entreprises suisses se montrent carrément euphoriques dans leurs derniers rapports trimestriels, à l’image d’ABB, Novartis ou encore Nestlé.» Et le président de l’USS, Pierre-Yves Maillard, d’ajouter: «Mais dès qu’on parle des salaires, on nous dit que les caisses sont vides. On ne peut pas continuer comme cela: les salaires doivent maintenant augmenter.»

Véronique Polito, vice-présidente d’Unia, attire l’attention sur un autre aspect important: «Les salaires dans les branches où les femmes sont majoritaires ont connu une évolution inférieure à la moyenne, elles ressentent donc encore plus la baisse des salaires réels. Il faut que cela change. L’argent est là pour permettre enfin des améliorations: les entreprises se portent très bien et dans beaucoup de branches.»

Mieux répartir le capital

Ces dernières années, les employeurs ont gagné plus, au détriment des salariés, démontre Daniel Lampart. «Depuis 2015, les salaires nominaux ont augmenté d’environ 7,5%, tandis que le renchérissement et la productivité ont progressé – ensemble – de plus de 14%. Le tableau serait à peu près le même si l’on comparait la période de 2010 à 2023. Le retard salarial est de plus de 5%, la plupart du temps indépendamment de la période comparée. Si l’on veut que la répartition entre travail et capital reste la même, les salaires doivent augmenter autant que le renchérissement et la productivité du travail.»

Sur la même période, et sans surprise, la situation financière de la population s’est dégradée. En cause, l’inflation mais aussi l’explosion des prix des loyers et des primes d’assurance maladie qui pèsent lourd sur le pouvoir d’achat. A savoir qu’en 2024, les loyers et les primes devraient de nouveau fortement augmenter, sans oublier une hausse de la TVA de 0,4 point de pourcentage. «Sans augmentation de salaire, un couple avec deux enfants disposera de 3000 francs de moins l’année prochaine, et un retraité, l’équivalent d’une rente mensuelle», alerte Pierre-Yves Maillard.

Grosse mobilisation à l’automne

Les syndicats se montrent déterminés à obtenir ces hausses de 5% au cours des négociations salariales à venir dans les branches. «C’est absolument nécessaire, étant donné que les prix et la productivité ont augmenté, alors que les salaires stagnent depuis trop longtemps. Aujourd’hui, les améliorations doivent s’appliquer à tout le monde!» Si besoin, préviennent les syndicats, ils mettront en place des mesures de lutte. La grande manifestation nationale du 16 septembre à Berne lancera l’automne salarial.


Lire également Un automne chaud en perspective.

Relancer le pouvoir d’achat

Véronique Polito, vice-présidente d’Unia, a qualifié cette perte générale de pouvoir d’achat de «poison», pour la population mais aussi pour notre économie.

Tour d’horizon de la situation et des revendications dans les principales branches du syndicat.

Dans le commerce de détail, qui se porte bien mais où les salaires sont «à la traîne», Unia exige la compensation intégrale du renchérissement et le rattrapage des pertes de pouvoir d’achat, une augmentation conséquente des salaires minimums, ainsi que des hausses réelles de salaires pour tout le monde.

La syndicaliste déplore que, dans l’hôtellerie-restauration, les salaires effectifs n’ont pas été adaptés au renchérissement ces dernières années. «Il en résulte un exode du personnel qualifié ou non. C’est pourquoi Unia exige que les salaires réels soient adaptés au moins dans la même mesure que les salaires minimums ces deux dernières années, à savoir à hauteur de 6% au minimum.»

Dans la branche du travail temporaire, qui a presque doublé sa masse salariale depuis 2012, en partie grâce à la pandémie, les conditions restent très précaires. Voilà pourquoi les syndicats réclament un rattrapage complet du renchérissement, mais également une augmentation réelle des salaires minimums de 200 à 250 francs.

Du côté de la construction et de l’artisanat du bâtiment, deux branches florissantes, les rémunérations stagnent alors que les conditions de travail se dégradent et le personnel vient à manquer cruellement. Pour booster l’attractivité de ces métiers, Unia demande la compensation intégrale du renchérissement plus au moins 1% d’augmentation des salaires pour tous.

Enfin, dans l’industrie, la responsable syndicale rappelle que «les bonnes perspectives économiques doivent aussi profiter aux salariés». «Dans l’industrie horlogère conventionnée, tous les salaires ont été revalorisés au 1er janvier 2023 à hauteur de l’inflation constatée en 2022 (3,5%). Ce mécanisme reste valable pour cette année. Malgré cela, les salaires restent globalement à la traîne dans cette industrie du luxe qui bat des records de chiffre d’affaires ces dernières années.»

Enfin, la branche pharmaceutique et chimique est «emblématique de l’avidité et du manque de redistribution des revenus du travail, selon Véronique Polito. Alors que les dividendes et les rémunérations du management augmentent, les salariés ont vu leurs salaires baisser. Dès lors, nous nous acheminons vers une revendication salariale prenant en compte la compensation intégrale du renchérissement, la compensation des hausses d’assurance maladie et une augmentation des salaires réels, soit une augmentation autour des 5%.»

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