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Recours contre le salaire minimum: la CGAS scandalisée

table avec documentation syndicale
© Olivier Vogelsang

Le 1er décembre, cinq associations patronales genevoises ont déposé un recours en justice contre les modalités d’application de l’initiative. Un mépris pour les travailleurs, selon la CGAS

Après avoir été avalisé par le peuple fin septembre, le salaire minimum de 23 francs de l’heure est entré en vigueur le 1er novembre dernier au bout du lac. Un mois tout pile plus tard, cinq associations patronales ont déposé un recours contre ses modalités d’application. Ce qui chiffonne l’Association genevoise des entreprises d’entretien des textiles (AGETEX), la Fédération du commerce genevois (FCG), la Fédération des entreprises romandes Genève (FER Genève), le Groupement professionnel des restaurateurs et hôteliers (GPRH) et la Nouvelle organisation des entrepreneurs (NODE)? Le fait que l’indexation du salaire minimum au coût de la vie soit uniquement à la hausse ainsi que son entrée en vigueur le 1er novembre. A en croire leur communiqué de presse commun, il ne s’agit pas de «remettre en question l’existence du salaire minimum», mais, selon ces faîtières, l’absence de possibilité légale d’indexation à la baisse aboutit à une évolution du salaire minimum «déconnectée du calcul de base», ce qui en ferait une mesure de politique économique «prohibée par la Constitution».

De même, elles jugent que son entrée en vigueur, deux mois avant la fin d’une année civile et deux jours après sa promulgation, est «disproportionnée». «Nous souhaitons faire prendre conscience que la période actuelle est totalement inappropriée pour faire peser cette charge administrative et financière sur des entreprises déjà fortement fragilisées par la crise économique liée au coronavirus, souligne Nathalie Bloch, directrice adjointe du département des associations professionnelles de la FER Genève. Ce d’autant plus à quelques semaines de l’adaptation annuelle des salaires et des cotisations sociales.»

Partant de ce constat, les cinq associations en question demandent un report de la mise en application de la modification législative au 1er février 2021, ainsi que la possibilité de l’indexation à la baisse.

Exaspération syndicale

Un scandale, selon la Communauté genevoise d’action syndicale (CGAS), qui a tout de suite réagi aux attaques patronales. «Ces deux modalités sont l’essence même de la loi, s’oppose Alejo Patiño, vice-président de la CGAS. Les deux revendications patronales vont clairement à l’encontre de la volonté populaire.» Pour le syndicaliste d’Unia, il s’agit d’un mépris total envers les travailleurs et notamment envers ceux concernés par ce salaire minimum. «Ce sont des travailleurs souvent précarisés, qui ont pu perdre leur emploi à cause de la crise sanitaire ou qui ont vu leur salaire baisser avec les RHT. Cette mesure représente une bouée de sauvetage pour eux en ces temps de crise. Les employeurs veulent le beurre et l’argent du beurre, à savoir des dizaines de millions de francs d’aides du Canton, tout en s’opposant au salaire minimum, c’est exaspérant.»

Pour la CGAS, ce recours est d’autant plus contestable que les employeurs n’ont pas fait mention de leur désaccord sur ces points lors des discussions du Conseil de surveillance du marché de l’emploi (CSME). «L’indexation n’a pas été contestée à ce moment-là, rapporte le syndicaliste. Quant à l’entrée en vigueur, ils ont demandé qu’elle soit repoussée, mais n’ont pas insisté ni menacé de déposer un recours. Ils n’ont pas été transparents, ni honnêtes.»

Les auteurs du recours ont demandé l’effet suspensif du salaire minimum, mais pour l’heure, difficile de savoir s’il sera accordé. «Cela donne le sentiment d’une gabegie, commente Alejo Patiño. Même pour les employeurs, c’est difficile à suivre.»

Rupture du dialogue social

A l’heure où nous mettions sous presse, un nouveau CSME devait se réunir le 8 décembre pour discuter des demandes de certaines branches d’activité d’être exclues de l’obligation de soumettre leurs employés au salaire minimum, notamment des mamans de jour, des jobs d’été et autre personnel associatif. «Jusqu’ici, nous étions disposés à négocier, mais au vu de l’attitude déloyale des représentants des employeurs, il est possible que nous refermions notre porte et que nous refusions toute autre exception», informe le vice-président de la CGAS, qui ajoute que l’association patronale des coiffeurs a, elle aussi, demandé à figurer parmi les exceptions, au même titre que les agriculteurs. «Encore un secteur à bas salaires qui a largement bénéficié des RHT et des aides étatiques, mais qui veut faire endosser le poids de la crise aux employés.»

Nous reviendrons sur les décisions prises lors de cette séance tripartite dans notre prochaine édition.

 

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