Le Conseil d’Etat a présenté son projet fiscal lié à la réforme fédérale. L’analyse d’un représentant de la CGAS
Le Conseil d’Etat genevois a présenté le 17 octobre sa nouvelle mouture de la réforme cantonale de la fiscalité des entreprises. La précédente était passée à l’as après le naufrage en votation de la RIE III en février 2017. La Réforme de la fiscalité et du financement de l’AVS (RFFA) est l’occasion pour le gouvernement de remettre le couvert, avec «un dispositif équilibré et équitable», «de nature à préserver l’emploi et à améliorer durablement les conditions-cadres, tout en garantissant la qualité des prestations publiques», à en croire sa communication.
Actuellement, les sociétés genevoises sont taxées à 24,2% de leurs bénéfices et les multinationales à 11,6%. Le Conseil d’Etat propose que le taux d’imposition unique qui s’appliquera avec la RFFA soit fixé à 13,79%, soit 0,3% de plus que dans le projet initial. Il s’agit de s’aligner sur le canton de Vaud, qui a déjà mis en œuvre sa propre réforme sous la houlette des conseillers d’Etat Broulis et Maillard et qui constitue un exemple au bout du lac. Sauf que les finances cantonales du voisin lémanique sont à l’équilibre et que de sérieuses compensations sociales ont été intégrées. Le budget genevois, de son côté, est déjà déficitaire et les pertes estimées sont évaluées à 434 millions de francs, contre 440 millions avec la RIE III; les compensations se sont évanouies, ne reste qu’une petite contribution des employeurs aux structures d’accueil de la petite enfance.
«On se retrouve dans le même cas de figure qu’avec la RFFA nationale. On nous présente un projet identique à la RIE III, qui a pourtant été refusée. Le Conseil d’Etat n’a pas du tout entendu le message, on a l’impression qu’il cherche à passer en force sans tenir compte de l’avis de la population», commente Jean-Luc Ferrière. Ce secrétaire syndical du SIT a été responsable du référendum sur la RIE III pour la Communauté genevoise d’action syndicale (CGAS).
Baisse massive d’imposition
«Les modifications ne portent que sur les marges. Quelques millions vont être grappillés sur l’imposition sur le capital, mais la mesure n’est que transitoire, dans cinq ans cet impôt sera annulé. Les compensations prévoyaient auparavant un prélèvement de 0,22% sur la masse salariale, une seule des trois mesures est conservée, soit 0,07% en faveur de la petite enfance. Ce n’est pas beaucoup et cela ne va pas suffire puisqu’il manque 4000 places de crèche à Genève. Les entreprises vont voir leur imposition baisser de presque 50% et ne vont s’acquitter que de 0,07% en plus de masse salariale! Avec la RFFA, il y aura certes une hausse des cotisations sociales pour l’AVS, mais d’un faible montant pour les sociétés et dont les salariés paieront la moitié. En tant que salarié, vous risquez d’être plus imposé qu’une entreprise. La réforme crée aussi des inégalités entre les sociétés, 60% d’entre elles sont trop petites pour payer des impôts, elles subiront une hausse des coûts tandis que les grosses, elles, bénéficieront d’une baisse massive d’imposition.»
Secrétaire syndical dans le secteur public et subventionné, Jean-Luc Ferrière ne croit pas que la réforme puisse garantir les prestations comme le prétend le Conseil d’Etat: «Il y a quasiment un demi-milliard de pertes par an. Et on sait que, dans ce genre de situation, elles sont massivement sous-estimées. C’est considérable! Les conséquences ne peuvent être que dramatiques pour la population.» Rappelons, pour mesurer l’impact de ces 434 millions perdus, que le budget genevois est de l’ordre de 8,4 milliards. «On est clairement dans une tendance néolibérale de diminution des recettes fiscales. La spirale vertueuse ou la théorie du ruissellement sont pourtant démenties par les faits, elles n’ont en tout cas pas été démontrées en matière de fiscalité des entreprises. On sait que d’autres facteurs que la fiscalité entrent en ligne de compte dans les choix des entreprises, mais leur poids n’a pas été pris en compte à sa juste valeur.»
La balle est maintenant dans le camp du Grand Conseil, où la gauche, minoritaire, cherchera à relever le taux d’imposition et à diminuer la facture pour les collectivités publiques. Le Conseil d’Etat propose d’activer la clause référendum pour que la votation puisse avoir lieu le 19 mai prochain, soit le même jour que le scrutin sur la RFFA. Cette fois, le gouvernement n’a pas jugé bon de convoquer une table ronde pour discuter de la réforme. «La CGAS n’a été approchée qu’une fois avant l’élaboration de ce nouveau projet, indique Jean-Luc Ferrière. Nos positions sont évidemment connues et cohérentes avec les besoins des travailleurs et des travailleuses et là, on est bien loin de l’initiative Zéro pertes que nous avons déposée.»