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Travailler ou mourir de faim

Pancartes: "Leurs dividendes contre nos emplois", "Nos emplois contre leurs dividendes".
© Neil Labrador/Archives

Perdre son emploi, c’est pour la grande majorité des travailleurs dans le monde la perte d’un revenu permettant d’avoir une vie digne ou même pour beaucoup de se nourrir. Le sondage réalisé par la CSI montre que la forte précarisation du travail avait déjà débuté avant la crise du coronavirus.

Les résultats du Sondage d’opinion mondial 2020 de la Confédération syndicale internationale ont été présentés lors d’un webinaire le mois dernier. Face à la précarité grandissante, les travailleurs réclament un vrai contrat social

Consultés peu avant la crise sanitaire, 75% des travailleurs interrogés ont vu leurs revenus stagner ou baisser. Voici le chiffre clé qui ressort du Sondage d’opinion mondial 2020 de la Confédération syndicale internationale (CSI), réalisé dans seize pays du monde représentant 56% de la population adulte mondiale, entre le 12 février et le 9 mars derniers. Covid-19 oblige, les résultats de l’enquête ont été présentés lors d’un webinaire le 13 septembre.

Mené pourtant juste avant la pandémie, le sondage montre déjà un monde fortement précarisé où règne une grande anxiété relative à l’emploi et une perte de confiance en les gouvernements, mais aussi une envie claire que les choses changent.

«Les effets économiques du coronavirus viennent s’ajouter à une crise déjà présente où de piètres salaires côtoient des emplois précaires, introduit Sharan Burrow, secrétaire générale de la CSI. Une personne sur deux n’a pas la possibilité d’épargner en cas de difficultés à venir et compte sur chaque salaire pour survivre. Alors que le coronavirus se propageait, ne disposant d’aucune économie ni d’aucun filet de sécurité, des millions de personnes n’ont eu d’autre choix que de travailler ou de mourir de faim.»

Les angoisses sont nombreuses pour la population active aux quatre coins du monde. «Plus de deux tiers des sondés se disent notamment préoccupés par le changement climatique et les licenciements», poursuit la syndicaliste, qui ajoute qu’une personne sur deux estime que la situation économique de son pays est mauvaise.

Agir ensemble

Dans ce contexte, les travailleurs se sentent impuissants et estiment à plus de 60% avoir trop peu d’influence sur l’économie mondiale. A l’inverse, ils sont une majorité à penser que le système est favorable aux riches et aux intérêts des entreprises. «La colère est vive, car le contrat social a été brisé sur tous les continents», observe Sharan Burrow.

Comment faire pour changer les choses? Pour la CSI, les résultats de cette enquête indiquent clairement aux gouvernements qu’ils doivent collaborer avec les syndicats et la société civile pour garantir des plans de relance qui restaurent la confiance et encouragent la résilience. «Pour une transition juste et une décarbonisation de l’économie, nous devons travailler tous ensemble pour promouvoir la paix et les emplois, complète la secrétaire générale. Et la bonne nouvelle, c’est que deux tiers des personnes interrogées pensent que les syndicats ont un rôle important à jouer là-dedans.»

Chacun doit aussi prendre ses responsabilités. «Pendant la pandémie, les grandes entreprises internationales de technologie n’ont fait que renforcer leur puissance et leur suprématie. La population plébiscite des actions gouvernementales: plus de deux tiers des personnes veulent que leur gouvernement agisse et augmente les impôts payés par ces entreprises, et autant (66%) déclarent qu’elles soutiendraient une hausse du nombre de réglementations auxquelles elles sont soumises. Les citoyens et les gouvernements ne doivent pas se laisser berner par le pouvoir des entreprises. Les conséquences pour les droits et la démocratie sont trop graves pour être ignorées», a conclu Sharan Burrow.

Le sondage en chiffres

  • 76% des répondants s’accordent sur l’insuffisance du salaire minimum pour vivre.
  • Près de la moitié des personnes pensent qu’il est peu probable que la génération future trouve un emploi décent.
  • Plus d’un tiers des personnes interrogées ont été directement ou indirectement touchées par le chômage ou une réduction du temps de travail.
  • 70% souhaitent que les gouvernements agissent plus pour augmenter les salaires des travailleurs.
  • 73% pensent que les gouvernements devraient en faire davantage pour veiller à ce que les entreprises paient équitablement leur part d’impôts.
  • 74% estiment que les autorités devraient créer des emplois en investissant dans les soins pour les personnes âgées, les personnes handicapées et les enfants d’âge préscolaire.

Des exemples de gestion de crise

Le webinaire s’est poursuivi par des témoignages de syndicalistes d’Autriche, d’Argentine et du Nigeria, exposant l’approche des différents gouvernements pour faire face au Covid-19. Tous se sont accordés sur le fait que seules l’organisation des travailleurs et la solidarité syndicale internationale contraindront les gouvernements à dialoguer et à protéger les travailleurs.

Ayuba Wabba, président du syndicat Congrès du Travail du Nigeria
«Au Nigeria, 70% des travailleurs n’ont pas de protection sociale et la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté. Avec la crise sanitaire, beaucoup d’emplois ont été mis sous pression, il y a aussi eu des gros problèmes en matière d’équipements de protection individuelle qui manquaient pour protéger les travailleurs. Sans parler du désastre économique et de l’inflation qui ont suivi. Nous avons demandé au gouvernement qu’il investisse massivement dans les secteurs de l’éducation et de la santé. Et nous demandons un dialogue social tripartite, comme le prône l’OIT, afin de mettre en place un nouveau contrat social qui protège nos travailleurs.»

Gerardo Martínez, secrétaire général de l’Union ouvrière de la construction de la république argentine (UOCRA)
«Ici, la population n’a pas été égale face au virus, notre société est très inégalitaire, partagée entre des gens très pauvres et des gens très riches. La moitié de notre population active se retrouve plongée dans la précarité. Si nous ne l’avons pas tous vécu de la même manière, nous en avons tous souffert. En Argentine, nous avons la chance d’avoir un gouvernement progressiste et social, qui a ouvert le dialogue tripartite. Une série de mesures positives ont été mises en place, comme le revenu familial d’urgence dont 9 millions de personnes ont bénéficié. Les travailleurs se sentent écoutés. Pour s’en sortir, les Etats vont devoir institutionnaliser ce dialogue social.»

Wolfgang Katzian, président de la Confédération autrichienne des syndicats
«Le marché du travail autrichien s’est détérioré à cause de cette crise. Le chômage est à son plus haut niveau depuis l’après-guerre, à savoir 400000 personnes soit 5,5% de la population active. Notre partenariat social, qui était jugé dépassé, a connu une résurrection. Nous avons réussi a trouver des accords, sous les applaudissements du gouvernement et des médias, en évitant notamment à 1,3 million de personnes de perdre leur emploi et en obtenant du gouvernement qu’il étende le travail à court terme indemnisé entre 80% et 100% (sorte de chômage partiel, ndlr). Nous avons également réussi à protéger les travailleurs à hauts risques en mettant en place un congé payé.
Les négociations sont encore en cours, car toutes nos revendications n’ont pas été entendues, comme le versement d’une prime unique de 1000 euros pour ceux qui ont été au front ou encore l’augmentation de l’indemnité chômage (75% au lieu des 55% actuels). Nous avons encore beaucoup de choses à résoudre. Nous devons être solidaires et nous assurer, partout, que ce ne sera pas aux travailleurs de payer la crise!»

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