Uber laisse un goût amer
La multinationale a versé environ 3,8 millions de francs à 627 de ses anciens chauffeurs et plus de 10 millions pour les cotisations sociales. Des montants dérisoires, selon Unia
Uber avait jusqu’au 31 mars pour s’acquitter des montants exigés par le Service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (PCTN) du 16 novembre 2022, et il s’est exécuté. C’est ainsi qu’un communiqué de presse du Département de l’économie et de l’emploi (DEE) nous apprend que 627 chauffeurs ayant utilisé l’application entre le 29 octobre 2019 et le 17 juin 2022 ont été indemnisés à hauteur de 3,8 millions de francs, sur une enveloppe initialement prévue de 4,6 millions de francs; 21 autres sont encore en cours d’indemnisation pour cas de rigueur (maladie, accident ou maternité). Enfin, une minorité n’a pas sollicité la procédure simplifiée d’indemnisation individuelle. «La longueur des procédures a très clairement découragé les chauffeurs à aller de l’avant, mais certains vont tout de même faire valoir leurs droits devant le Tribunal des prud’hommes», indique Helena Verissimo de Freitas, secrétaire régionale adjointe d’Unia Genève, qui déplore une fois de plus les montants des indemnités qui ne respectent pas le droit du travail. «La plupart des chauffeurs ont pris ce qu’il y avait à prendre par lassitude ou résignation, mais la somme reçue ne couvre même pas les frais professionnels dépensés.»
Sur le volet des cotisations sociales, un acompte de 10,7 millions de francs relatif à la part «employés» a été versé à la Caisse de compensation de Zurich (SVA), qui procédera aux calculs précis pour les parts «employés» et «employeur», qui avaient été évaluées chacune à 15,4 millions de francs par le DDE.
Quelles bases pour le futur?
Le passif étant réglé, l’interdiction d’exercer est maintenant officiellement levée pour Uber à Genève. Pour autant, pas question de repartir sur les mêmes bases qu’avant. «Reste à réglementer la situation actuelle, car Uber prétend toujours ne pas être l’employeur, et les entreprises partenaires d’Uber prétendent toujours ne pas être soumises à la Loi sur la location de services», interpelle la syndicaliste, qui rappelle qu’Unia revendique cette soumission depuis des années et qu’elle a été confirmée par le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) en 2018.
Le DDE souligne dans son communiqué que ses services ont exigé la mise en conformité de plusieurs entreprises tierces utilisant l’application Uber et que les procédures sont en cours. «On a appris le même jour que MITC et les autres entreprises partenaires d’Uber ont eu gain de cause sur l’effet suspensif et peuvent continuer leurs activités jusqu’à ce que la Chambre administrative de la Cour de justice tranche sur le fond», s’indigne Helena Verissimo de Freitas.
Au niveau national, le Tribunal fédéral vient de débouter Uber dans son litige avec la SVA et confirme, une fois de plus, que les chauffeurs Uber sont bel et bien des salariés, et ce pour toute la Suisse. «Les syndicats demandent maintenant au Seco et aux gouvernements cantonaux d’agir pour faire respecter le droit du travail», conclut Helena Verissimo de Freitas.