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Un agenda éminemment social

Banderole "Qui va payer l'addition?"
© Olivier Vogelsang

Les syndicats ont brossé un tableau sombre de la situation sur le front de l’emploi dans nombre de secteurs comme celui de l’hôtellerie-restauration et s’engagent pour une série de mesures sociales. Photo: action des cafetiers et restaurateurs organisée en novembre dernier à Lausanne.

Pas question d’abandonner les victimes de la crise! Le maintien des emplois et des salaires et la compensation des pertes de pouvoir d’achat relatives aux effets de la pandémie figurent au cœur des priorités de l’Union syndicale suisse. Lors de sa conférence annuelle, l’organisation faîtière a présenté son agenda 2021

Le maintien des emplois et des salaires, la compensation des pertes de pouvoir d’achat liées à la crise du coronavirus, la consolidation des retraites et le renforcement du secteur de la santé publique: telles sont les priorités que l’Union syndicale suisse (USS) a inscrites dans son agenda 2021. Elles ont été présentées jeudi dernier au cours d’une conférence de presse.

Président de la faîtière syndicale, Pierre-Yves Maillard a dressé un sombre tableau de la situation économique et sociale de notre pays: «De très nombreux ménages ont subi des pertes de revenus très importantes et abordent donc 2021 dans une situation moins bonne que 2020. La sous-occupation atteint des sommets: en fait, le manque d’activité, en additionnant chômage, sous-emploi et chômage partiel, atteint un record de 10%. Et les perspectives économiques restent incertaines, nourrissant une peur justifiée de la précarité pour de nombreuses catégories, des plus jeunes qui entrent sur le marché du travail aux travailleurs en fin de carrière.» Il est en effet illusoire aujourd’hui de trouver un emploi dans des branches comme le tourisme, l’hôtellerie-restauration, les loisirs, les sports et la culture. «Ce sont des centaines de milliers de personnes qui travaillent dans ces secteurs, avec leur famille, leur nombre dépasse sans doute le million de personnes précarisées», s’inquiète le socialiste.

Les syndicats ont heureusement pu éviter le pire à certains salariés en 2020 en obtenant l’extension du chômage partiel aux contrats à durée limitée et sa compensation à 100% pour les revenus les plus modestes, ainsi que des allocations pertes de gain pour les parents empêchés de travailler. En 2021, l’USS veut augmenter le nombre des indemnités journalières et les délais-cadres de l’assurance chômage, ce qui permettrait en particulier aux chômeurs âgés des branches et des professions fermées d’éviter d’arriver en fin de droit.

L’efficacité des solutions prévues pour cas de rigueur n’est que partielle, constatent les syndicats, qui demandent que de nouvelles mesures soient engagées pour éviter les faillites et les licenciements. En ce sens, l’USS soutient la revendication de Gastrosuisse d’une contribution à fonds perdu couvrant 30% du chiffre d’affaires. «Sans quoi nous allons perdre des dizaines de milliers d’emplois», prévient Pierre-Yves Maillard.

Un carnet d’épargne chez son assureur

Pour soutenir le pouvoir d’achat, les syndicats proposent de redistribuer à hauteur de 500 francs par personne les réserves excédentaires des caisses maladie. «Chaque ménage suisse de quatre personnes dispose d’un carnet d’épargne d’environ 2000 francs stocké pour lui par son assureur maladie», indique l’ancien conseiller d’Etat vaudois en charge de la Santé. «Il n’y a pas de meilleur moment pour redistribuer cet argent aux assurés. D’une part, cela permettrait de combler une partie des pertes de pouvoir d’achat des ménages touchés par la crise. D’autre part, nous savons désormais que l’un des buts de ces réserves, soit financer le système de santé en cas de pandémie, n’a pas lieu d’être. La pandémie, nous l’avons eue et tout indique qu’elle n’aura pas nécessité le prélèvement massif sur les réserves craint par les assureurs.»

Tirant les leçons de la crise, les syndicats estiment nécessaire de renforcer le financement de la santé publique. «L’organisation du système de santé comme un marché et l’incitation aux prestataires de rechercher la rentabilité maximale a démontré son inadaptation pour faire face à des événements extraordinaires», note le Vaudois. Le personnel a fait les frais de ces insuffisances et une reconnaissance de cet engagement sous la forme d’une prime Covid s’impose. Et il faut des renforts en personnel en 2021, notamment dans les EMS où les quarantaines restent impossibles faute d’effectifs suffisants. «Inacceptable», dénonce Pierre-Yves Maillard.

Sur le plan économique, la lutte contre le franc fort reste à l’ordre du jour de l’USS, surtout que les exportations de l’industrie des machines sont tombées au niveau de 1988. L’économiste en chef de l’USS, Daniel Lampart, estime qu’«il y a encore du potentiel d’amélioration en la matière», il appelle la Banque nationale à se donner des «objectifs conséquents».

«Le coiffeur devient un luxe pour nombre de retraités»

En plus de la crise du coronavirus, la prévoyance vieillesse sera l’un des thèmes prioritaires de l’USS en 2021. C’est en effet cette année que le Parlement doit fixer le sort d’AVS 21, le projet du Conseil fédéral prévoyant un relèvement à 65 ans de l’âge de départ des femmes. Les Chambres doivent aussi se prononcer sur le compromis des partenaires sociaux sur le 2e pilier, qui introduira une composante de répartition dans la LPP. Enfin, la faîtière syndicale déposera son initiative pour l’introduction d’une treizième rente AVS.

«Les problèmes de pouvoir d’achat dont il s’agit de protéger les personnes à très bas revenus dans le cadre de la lutte contre la pandémie sont déjà une réalité pour la moitié des retraités», explique Gabriela Medici, première secrétaire adjointe de l’USS. La rente médiane (AVS et 2e pilier) des personnes partant à la retraite ne s’élève qu’à 3449 francs par mois (données de 2018). Et pour une majorité des femmes, c’est encore moins, un tiers d’entre elles ne touchent aucune rente LPP. «Il ne reste plus grand-chose pour vivre une fois payés les impôts, les primes maladie et le loyer, aller au restaurant ou chez le coiffeur devient un luxe que beaucoup de retraités ne peuvent que rarement s’offrir. Même si ces personnes ont travaillé toute leur vie», explique la responsable des assurances sociales de l’USS.

Tous les projets de réforme seront jugés à l’aune du niveau des rentes, promet la faîtière syndicale. Ainsi, si l’on se base sur la rente AVS médiane, travailler une année de plus pour les femmes, soit jusqu’à 65 ans, est synonyme d’une baisse de prestations d’environ 1200 francs par année, selon les calculs de Gabriela Medici: «Pour autant qu’elles puissent travailler et cotiser jusqu’à 64 ans, car les perspectives sur le marché du travail sont encore moins bonnes pour les travailleuses âgées que pour leurs collègues masculins…»

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