Une start-up propose aux entreprises de se prêter des employés
A Neuchâtel, Human Hub a lancé une plate-forme d’échanges de collaborateurs
Pour faire face au ralentissement de la demande et aux réductions de commandes, une start-up neuchâteloise propose aux entreprises de «se prêter» entre elles leurs employés. Un article d’Arcinfo, paru la semaine dernière, présentait la plate-forme web développée par Human Hub, qui permet aux sociétés de «s'échanger des collaborateurs compétents à prix coûtant, tout en respectant des règles de confidentialité stricte». D’une part, l’idée est d’éviter lors des baisses de régime le recours au chômage partiel, voire à des licenciements, et donc une perte de collaborateurs et de compétences. Et, d’autre part, l’avantage pour les entreprises hôtes est de disposer rapidement de personnel qualifié sans passer par les coûteuses agences de placement. Les travailleurs «prêtés», eux, restent sous contrat avec leur employeur, conservent leurs taux horaire et leurs conditions salariales, leurs éventuels trajets supplémentaires sont remboursés et comptés comme du temps de travail, nous explique-t-on. Sur le plan légal, Human Hub assure avoir obtenu un feu vert du Secrétariat d’Etat à l’économie. Les entreprises hôtes doivent toutefois s’annoncer et obtenir l’accord du Service de l’emploi. L’outil a déjà été testé chez le fabricant de machines Ciposa, dont la direction a fait part de sa satisfaction au quotidien neuchâtelois.
«L’avantage indéniable est de maintenir les personnes en emploi et aux entreprises de disposer à moindres frais de personnel dont elles ont besoin temporairement. Mais il faut veiller à ce qu’il n’y ait pas d’explosion de nouvelles formes de travail qui seraient créées dans le seul but de détourner les règles de droit du travail. Il y a déjà trop de relations de travail ubérisées», tempère, pour sa part, la secrétaire régionale d’Unia Neuchâtel, Catherine Laubscher. De nombreux problèmes risquent en effet de se poser. Des employés d’une entreprise non signataire d’une convention collective pourraient être envoyés dans une société conventionnée sans bénéficier des avantages afférents, pointe, par exemple, la responsable syndicale. Les salariés concernés peuvent-ils au moins refuser de participer contre leur plein gré à cette Bourse d’échanges, s’opposer à une mission? «Oui, mais cela peut être un peu théorique vu la crainte d’être licencié en cas de refus», estime Catherine Laubscher.
Expériences dans le canton de Vaud
Unia, le Groupement suisse de l’industrie mécanique et le canton de Vaud ont déjà mené une expérience similaire dans le contexte de la crise de 2008. Sauf que là, le projet était géré par les partenaires sociaux. «La mesure avait été proposée par les commissions d’entreprises dans le contexte de la crise de 2008, se souvient le secrétaire régional d’Unia Vaud, Yves Defferrard. Il n’a pas été simple de convaincre les employeurs, qui craignaient la concurrence et la lourdeur de la procédure. Mais des sociétés comme Sapal, Tesa, Bombardier ou Bobst ont joué le jeu durant trois à quatre ans. Nous avions mis au point toute une série de règles sur les questions de volontariat, d’horaires ou de trajets. Si l’on veut éviter la dégradation des conditions de travail et d’embauche, l’exploitation des travailleurs, il faut définir un cadre précis. 150 emplois ont été préservés la première année, on a aussi utilisé cet outil lors de licenciements collectifs et, au final, plusieurs centaines de postes de travail ont pu être maintenus. L’objectif était aussi de favoriser la formation. Une vingtaine de chaudronniers, qui n’avaient plus d’activité chez Bombardier, ont été ainsi envoyés chez Bobst où ils ont appris à monter des tableaux électriques. Depuis lors, le dispositif n’a pas été réactivé. Ce serait plus compliqué aujourd’hui. Certaines entreprises ont été rachetées par de grands groupes et on a désormais souvent affaire à des managers qui changent tous les deux ans.»