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Une vie d’engagement féministe

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© Editions Alphil

Guite Theurillat marche sur les pas de Simone de Beauvoir et de Gisèle Halimi, mais son féminisme est celui de toutes les exploitées au quotidien

«Nos problèmes personnels sont des problèmes politiques.» Ce slogan du Mouvement de libération des femmes (MLF) résume à merveille la démarche de Guite Theurillat, qui vient de publier un témoignage aussi intimiste que militant et historiquement enrichissant, Le MLF du Jura, un processus d’émancipation*.

Féminisme ancré à gauche

En poussant le trait, on pourrait dire que Guite Theurillat est la Simone de Beauvoir («On ne naît pas femme, on le devient») ou la Gisèle Halimi (signataire du Manifeste des 343 de 1971 réunissant des femmes qui déclarent avoir déjà avorté) du Jura. Ce ne serait pas totalement faux. La différence, c’est que Guite Theurillat n’est pas issue de l’intelligentsia parisienne; elle a construit son engagement à partir de pratiques concrètes: épouse d’un mari qui connaît le chômage, mère de deux enfants, titulaire de petits boulots au début de son parcours professionnel. Son féminisme est clairement ancré à gauche, puisqu’elle deviendra une militante du POP et secrétaire de la Fédération jurassienne des syndicats chrétiens.

Libérer la parole

Son aventure féministe commence en 1974, au moment de la création du canton du Jura. La région est en ébullition; ce n’est donc pas un hasard si le Groupe femmes de Delémont (MLF jurassien) voit le jour à ce moment-là. Le Groupe s’inscrit dans une mouvance plus large, celui de Mai 68, de la guerre au Vietnam, du soutien au peuple chilien et aux Mères de la place de Mai en Argentine. Le Groupe a un caractère formateur et permet de «libérer la parole», sur des thèmes souvent tabous à l’époque, comme l’avortement et la contraception.

Le tournant du BCF

Fondé sur une riche documentation, le livre raconte la création du Bureau de la condition féminine (BCF), premier bureau suisse de l’égalité instauré par la Constitution jurassienne de 1977. Le Groupe femmes n’était pas favorable au BCF, estimant que cet organisme financé par l’Etat n’aurait aucune indépendance. Cela n’empêchera pas Guite Theurillat de devenir... la collaboratrice de la responsable du BCF, Marie-Josèphe Lachat! Une contradiction qu’elle assume toutefois pleinement.

1981, année magique

Parmi toutes les batailles menées par Guite Theurillat et ses compagnes de lutte, on citera les initiatives pour la semaine de 40 heures et pour la solution des délais, et l’inscription de l’égalité entre hommes et femmes dans la Constitution fédérale le 14 juin 1981 (60,3% de Oui sur le plan suisse, 76,5% dans le Jura, deuxième meilleur résultat après Genève). Une année magique selon elle, car c’est aussi celle de la naissance de sa fille Camille et de l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République française. Le 14 juin 1981, c’est en outre le succès de l’initiative de la FRC pour la protection des consommateurs. Un succès que l’ancien conseiller fédéral «socialiste» Willi Ritschard assimile au manque de maturité et à l’inexpérience des femmes en politique! Dix ans plus tard, elles lui prouveront le contraire, puisque la première grève des femmes organisée par l’Union syndicale suisse mobilisera 500000 personnes!

Guite Theurillat, Le MLF du Jura, un processus d’émancipation. Le Groupe femmes Delémont. Témoignage d’une militante, Editions Alphil, 2023

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La politique, c’est aussi des sentiments

Philosophe, enseignant, militant et candidat aux élections fédérales sur la liste du POP valaisan, Jean-Marie Meilland a publié, à compte d’auteur, un ouvrage étonnant, La politique des sentiments. Plaidoyer pour un vrai populisme de gauche. L’auteur y soutient l’idée que, contrairement à ce que croit une gauche bien-pensante, la politique ne peut pas négliger les sentiments, car ceux-ci expriment des aspirations légitimes. Tout centrer sur l’économie revient à mépriser une partie de la population, qui se tourne alors vers le populisme de droite. Lequel sait bien prendre en compte… les sentiments.

Passant de la théorie à la pratique, Jean-Marie Meilland considère que, durant 50 ans, le Parti communiste français (PCF) «rassembla les classes populaires du pays pour l’amélioration de leur situation matérielle, mais aussi pour la conquête de leur identité et de leur dignité». Dans le même esprit, le président américain Franklin Roosevelt fut «un politicien en phase avec les citoyens», notamment en faisant adopter, en 1938, une loi qui abaissait la durée hebdomadaire du travail à 44 heures, puis à 40 heures dans une deuxième phase. Ce qui montre que la libération du temps est un élément important de la politique des sentiments. JCR

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