VOI Migros Partenaire, une évolution dangereuse du géant orange
La nouvelle enseigne du grand distributeur ouvre ses portes à Genève, risque de précarisation à la clé
VOI Migros Partenaire débarque en Suisse romande. Sous cette appellation, deux magasins ont ouvert leurs portes sur le canton de Genève au mois de septembre. De l’autre côté de la Sarine, l’enseigne dénombre déjà une cinquantaine de points de vente.
Le concept? Proposer un assortiment du géant orange accompagné d’articles bannis des supermarchés Migros: alcool, tabac, billets de loterie… Ce n’est certes pas la première entorse à l’éthique du fondateur de la coopérative, Gottlieb Duttweiler. Leshop commercialise déjà de tels produits, de même que d’autres entreprises du groupe, comme Denner et Globus. Ce qui est plus problématique, c’est lorsque VOI remplace de bonnes vieilles Migros. A Genève, l’un des deux nouveaux magasins s’est ainsi installé dans les murs de la Migros de la place du Cirque inaugurée en 1957.
Or, la particularité des établissements VOI est d’être gérés par des entrepreneurs indépendants sous franchise. Si Migros reste propriétaire des murs et offre l’agencement et les services de marketing et de promotion, les gérants ont notamment pour tâche d’embaucher le personnel. «A la place du Cirque, c’est le chef du secteur fruits et légumes du magasin et son frère qui ont repris la franchise en tant qu’indépendants», indique Isabelle Vidon. Selon la responsable des relations publiques de Migros Genève, les six postes équivalents plein temps ont été maintenus. «Outre l’ancien chef de secteur, le plus âgé des collaborateurs est parti à la retraite et les quatre autres ont retrouvé un emploi dans le réseau de vente de Migros Genève.»
Plus de CCT
Le personnel de VOI bénéficie-t-il de la Convention collective nationale de travail (CCNT) de Migros? «Les collaborateurs de VOI ne sont pas affiliés à la CCNT ou à une autre CCT», répond la porte-parole, en ajoutant qu’il s’agit de «commerces indépendants gérés par des franchisés autonomes qui travaillent majoritairement en famille». Reste que, sur la bourse d’emplois Migros, les offres pour travailler dans les VOI de Suisse alémanique sont nombreuses.
Avec quelle rémunération? Zeitgemässes Salär, peut-on lire dans les annonces, terme que l’on peut traduire par «salaire conforme à la branche», ce qui laisse la porte ouverte aux interprétations. «A Genève, il existe toutefois un contrat type de travail pour le commerce de détail avec un salaire minimum de 3940 francs et de 4200 francs avec un CFC et cinq ans d’expérience», explique Pablo Guscetti, secrétaire syndical d’Unia Genève. On est grosso modo dans les barèmes salariaux de Migros, mais la CCNT offre toutefois un treizième salaire et d’autres avantages. «Le problème, c’est que le contrôle du respect du contrat type est difficile.»
«Avec ce système, Migros va sortir des emplois de la convention collective et ne prend plus de responsabilité sur les conditions de travail de ses employés. Si des congés-modifications de contrats de travail sont opérés, c’est inacceptable, juge Anne Rubin, membre de la direction du secteur tertiaire d’Unia. En outre, la proscription des ventes d’alcool et de cigarettes est détournée. Que reste-t-il de la philosophie et de l’esprit Migros? Cette évolution me semble très dangereuse et montre, en particulier à Genève, la nécessité de disposer d’une convention collective du commerce de détail. Plus il y aura de franchises, plus on aura besoin de CCT régionales et cantonales, c’est le seul moyen de s’opposer à la dégradation des conditions de travail.»
A la conquête de la Suisse
Le système de franchising est en effet de plus en plus courant dans le commerce de détail suisse. Le groupe Migros compte déjà 312 Migrolino, ainsi que 289 satellites et franchisés Denner, selon les derniers chiffres à disposition. Son principal concurrent, de son côté, dénombre 302 Coop Pronto. Heureusement, les salariés des magasins situés dans des stations-service bénéficient, depuis février dernier, de la CCT étendue des shops. Mais pas les VOI. En lançant un appel aux gérants volontaires et aux locaux disponibles, le site de la franchise annonce la couleur: «VOI part à la conquête de la Suisse.»...
«Nous allons nous rendre sur place pour discuter avec le personnel de VOI et, si nous avons des doutes, nous pourrons demander l’intervention de l’Office cantonal de l'inspection et des relations du travail», prévient Audrey Schmid, responsable du secteur tertiaire d’Unia Genève. «Je crois que la population est attentive à cette problématique. Si on est d’accord de payer plus cher qu’en France, il faut que les conditions d’embauche et de travail soient correctes.»