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Très peu de cantons ont joué le jeu

Une auxiliaire de vie aide une dame âgée à se lever.
© Thierry Porchet

La prise en charge à domicile des seniors et des personnes vulnérables constitue une activité professionnelle comme une autre. Unia réclame davantage de protection pour les auxiliaires de vie.

Face à l’échec de la stratégie fédérale dans la protection des employées actives dans les ménages privés, Unia demande, une nouvelle fois, l’application de la Loi sur le travail

«Le contrat-type de travail (CTT) proposé par la Confédération n’est pas une solution pour protéger les employées actives dans la prise en charge, 24 heures sur 24 heures, de personnes dépendantes.» Responsable de l’Egalité pour le secteur des services ainsi que de la branche économie domestique à Unia, Yolande Peisl-Gaillet dénonce l’inefficacité du modèle de CTT introduit en juin 2018 par le Conseil fédéral. Les cantons étaient supposés intégrer, sur une base volontaire, les nouvelles dispositions dans leur propre CTT de l’économie domestique qui régit les conditions de travail du personnel de maison (voir encadré). Or, près d’un an et demi après, très peu d’entre eux ont joué le jeu. «Les inquiétudes d’Unia se sont confirmées. Seuls deux cantons, celui de Genève et du Tessin, remplissent les conditions du CTT de la Confédération. Les autres ne font pas face à leurs responsabilités», déplore la syndicaliste se basant sur une information du Secrétariat à l’économie. «Douze cantons prévoient l’entrée en vigueur de leur contrat révisé prochainement ou au début 2020, mais il est à craindre qu’ils n’intègrent que partiellement les mesures préconisées. Dix autres ne donnent, quant à eux, aucune indication sur une prochaine mise en œuvre», détaille Yolande Peisl-Gaillet, notant encore que deux cantons estiment pour leur part posséder déjà un instrument adapté quand bien même ce dernier ne répond pas aux prescriptions fédérales. Ce tableau n’étonne pas la collaboratrice d’Unia.

Interventionnisme tabou

«L’interventionnisme dans les ménages privés reste tabou. Pourtant, ceux-ci sont des employeurs comme les autres.» Le CTT, dénonce encore le syndicat, peut de surcroît être aisément contourné par des arrangements individuels. Et alors qu’il n’existe aucun mécanisme de contrôles des conditions de travail et que les salaires minimaux dans l’économie domestique – auxquels sont aussi soumis les auxiliaires de vie – sont plus bas que ceux en vigueur dans d’autres branches comparables.

Dans ce contexte, le syndicat demande une nouvelle fois que les salariées du domaine soient soumises à la Loi sur le travail. Pour celui-ci, il en va de la santé des employées qui assistent nuit et jour des personnes dépendantes. «Ces auxiliaires de vie travaillent souvent dans des conditions proches de l’esclavage moderne: travail sans pauses ni interruptions pendant plusieurs semaines, disponibilité permanente, salaire de misère. Les effets sur la santé sont considérables: épuisement, maladie, dépression. Une réglementation efficace et des contrôles sont indispensables.» Et Unia d’insister sur le fait que la prise en charge à domicile des seniors et des personnes vulnérables constitue une activité professionnelle comme une autre. «Ces travailleuses méritent le même niveau de protection que le personnel d’autres secteurs.»

Discrimination de genre

Estimé entre 10000 et 50000 personnes – des chiffres qui ne prennent pas en compte les employées au noir – le nombre de travailleuses du domaine, essentiellement des migrantes, tend à augmenter. Aussi via le développement d’agences de placement en ligne. «Cette croissance correspond à un réel besoin dans notre société. Nous devons absolument réfléchir à notre système de santé vieillesse et intégrer ce facteur dans notre politique des seniors. Les auxiliaires de vie représentent une part de la solution», poursuit Yolande Peisl-Gaillet, estimant impératif, à terme, de disposer pour cette catégorie de salariées d’une convention collective de travail de branche. «Ce job est le plus souvent accompli par des femmes. Leur refuser des conditions de travail correctes et clairement réglementées relèverait de nouveau d’une discrimination fondée sur le sexe. Les élus sont appelés à assumer leurs obligations pour garantir aux auxiliaires de vie une protection appropriée», conclut la syndicaliste misant aujourd’hui sur le nouveau Parlement pour changer la donne.

Pour une augmentation de 3% des salaires

Le Secrétariat à l’économie se penche actuellement sur la prorogation et la modification de l’ordonnance sur le CTT pour les travailleurs de l’économique domestique qui fixe les salaires minimaux impératifs, dont dépendent aussi les auxiliaires de vie. Consulté, Unia a manifesté son insatisfaction relative à l’augmentation envisagée de 1,6% des salaires pour la période 2020-2022. Ces derniers passeraient, pour une personne non qualifiée, de 18,90 à 19,20 francs, sans indemnités; pour un employé non qualifié mais avec quatre ans d’expérience ou une attestation de formation professionnelle, de 20,75 à 21,10 francs; et pour le titulaire d’un CFC de 22,85 à 23,20 francs. Unia réclame une hausse minimale de 3% afin de tenir compte du nécessaire réajustement salarial dans une branche à plus de 90% féminine et du fait que les salaires ne peuvent être adaptés que tous les trois ans. Il prend aussi en considération le point qu’une partie de ce personnel ne se limite pas à faire le ménage, mais est appelé à remplir une grande diversité de tâches... Unia réclame aussi une augmentation des contrôles dans un domaine où la main-d’œuvre immigrée est importante et les risques de dumping élevés. Il a également réitéré sa demande d’inclure les ménages privés dans le champ d’application de la Loi sur le travail estimant que des CTT cantonaux non impératifs, comme pratiqués actuellement, ne suffisent pas à garantir des conditions de travail décentes et représentent une discrimination crasse du personnel concerné, essentiellement des femmes.

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