Les mères discriminées au menu du Grand Conseil fribourgeois
Deux députés socialistes proposent d’améliorer au niveau suisse la protection contre le licenciement pour cause de grossesse ou de maternité
Le Canton de Fribourg déposera-t-il une initiative auprès de l’Assemblée fédérale visant à mieux protéger les femmes contre le licenciement pour cause de grossesse ou de maternité?
En juin dernier, les députés socialistes Martine Fagherazzi et Elias Moussa avaient proposé dans une motion d’user de cet instrument parlementaire afin d’étendre la durée de la protection légale contre le licenciement de 16 à 32 semaines, d’inverser le fardeau de la preuve en cas de plainte, d’augmenter le nombre de mois d’indemnités de salaire pour un licenciement abusif, aujourd’hui limité à six, et de permettre une réintégration dans l’entreprise. «Lancée lors de la grève féministe du 14 juin, l’idée était de défendre les initiatives du Valaisan Mathias Reynard au Conseil national et de profiler aussi les cantons sur ce sujet. Il s’agissait également de concrétiser les promesses d’engagement de la part de certains élus de la droite patronale de prendre en considération les revendications posées lors de la grève du 14 juin, explique Martine Fagherazzi. Autre point important, en préparant le texte de l’initiative, en consultant des études, nous nous sommes rendu compte que le phénomène est en hausse et nous nous sommes dit qu’il fallait mettre en œuvre des mesures plus dissuasives et augmenter la durée de protection.» La motion cite ainsi une enquête de Travail.Suisse selon laquelle une femme sur dix serait licenciée à la suite de son congé maternité. Comme on le sait, celui-ci est de 14 semaines, mais la moitié des mères s’arrêtent au moins 22 semaines, soit au-delà du délai de protection de 16 semaines. «Quel que soit le motif, il faut absolument éviter de procéder au licenciement d’une maman durant la période délicate de l’arrivée d’un enfant», estime la députée.
Le 21 janvier, le Conseil d’Etat a livré son appréciation sur cette proposition, il invite le Grand Conseil à la rejeter au prétexte que deux motions et une initiative parlementaire de Mathias Reynard sont déjà pendantes et qu’il n’est pas opportun pour l’heure d’entreprendre d’autres démarches législatives. Le gouvernement a toutefois examiné la possibilité de fractionner la motion pour accepter l’extension du délai de protection, indique-t-il, mais y a renoncé «étant donné le peu de cas concernés par une plainte pour discrimination fondée sur la maternité dans le canton de Fribourg». «Le droit en vigueur permet déjà de protéger suffisamment les mères.» Et rien n’empêche les partenaires sociaux d’améliorer la protection dans le cadre des conventions collectives, juge-t-il.
Lueur d’espoir
«Notre Conseil d’Etat est majoritairement à droite, on sent qu’il n’a pas envie de prétériter les patrons et nous renvoie aux négociations entre partenaires sociaux. Mais on sait que les conventions collectives ne sont pas la panacée, qu’elles ne bénéficient qu’à une partie des salariées et qu’il est difficile sur le plan syndical d’obtenir des avancées concrètes. En légiférant directement au niveau du droit public, on impacte toutes les femmes au niveau Suisse, quels que soient leur situation et leur secteur de travail, réagit Martine Fagherazzi. Il y a quand même une lueur d’espoir dans la mesure où le gouvernement était prêt à éventuellement fractionner notre requête et à entrer en matière sur la durée de protection. Peu importe si, comme il le prétend, cela ne concerne que peu de personnes dans le canton de Fribourg, mais il est essentiel, même s’il ne s’agit que d’une minorité de femmes, qu’elles soient protégées au maximum. On ne fait que dissuader de manière plus drastique ceux qui pourraient avoir envie d’abuser d’un comportement peu scrupuleux.»
La motion sera débattue par le Parlement cantonal durant la session de mars. Pour la socialiste, cela laisse le temps de «discuter et de tenter de convaincre des députés de droite».
A l’automne dernier, Martine Fagherazzi et Elias Moussa ont réussi à faire passer une proposition de créer un prix distinguant l’application de la Loi sur l’égalité dans les entreprises privées et publiques du canton. «A la base, nous demandions aussi un label, les motions sont toujours fractionnées, il y a toujours un “mais”… Peu importe l’outil, ce que nous voulons, c’est une véritable prise de conscience des employeurs, qui se traduise par des améliorations tangibles pour toutes les femmes dans leurs conditions de travail.»