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Bâtir un monde nouveau

Michel Bühler et Nago Humbert lors de la présentation du Manifeste à la presse.
© Thierry Porchet

Michel Bühler et Nago Humbert sont à l’origine de ce «Manifeste 2020», dévoilé mercredi dernier à la presse en présence de plusieurs contributeurs.

Dix-huit personnalités lancent un manifeste pour une reprise verte et sociale

«Ce qui m’a frappé, c’est l’enthousiasme de tous ceux que l’on a contactés et la volonté commune d’un non-retour à l’a-normalité.» C’est ainsi que Michel Bühler, chanteur et militant, présente le «Manifeste 2020» qu’il a initié avec son camarade, ancien président de Médecins du Monde Suisse, Nago Humbert. Au cœur de cet appel (qui prend la forme au final d’un site regroupant la contribution de chacun*), cette question: «Quel type de société émergera de cette crise sanitaire majeure?» Et des pistes: «Le vieux monde a montré ses limites. Il est temps d’imaginer celui de demain, centré sur l’humain, solidaire et respectueux de l’environnement. Citoyennes et citoyens libres et conscients de nos responsabilités à l’égard des générations futures, nous présentons des propositions, chacune et chacun dans son domaine.»

Cora Antonioli, vice-présidente du syndicat SSP, met en exergue le sens du travail et la manière dont il est valorisé, «car celui qui est indispensable à la survie de la population n’est pas celui que l’on a placé sur un piédestal ces dernières décennies». Elle donne aussi des pistes «pour une école de l’égalité, émancipatrice et consciente des enjeux liés à la crise écologique». Le président de l’USS, Pierre-Yves Maillard, en appelle au droit à la formation professionnelle et à un premier emploi. Pendant que Philippe Roch, ancien directeur de l’Office fédéral de l’environnement, suggère de «privilégier l’éducation à l’émerveillement, au respect, à l’entraide, à l’écologie, plutôt que d’armer nos jeunes pour une compétition fratricide».

L’environnement est au cœur de plusieurs textes, dont celui du prix Nobel Jacques Dubochet ou celui très abouti d’Ana Ziegler pour la Grève du climat qui demande des conditions environnementales lors de l’octroi d’aides publiques, un fonds climatique géré démocratiquement, un office pour le travail vert, la réduction du temps de travail à 32 heures, un soutien à une agriculture responsable, le ralentissement de la production animale industrielle et la mise en place de «l’indice de développement durable» (IDD) au lieu du PIB...

«Le capitalisme tue!»

Le journaliste Sergio Ferrari en appelle à une véritable «solidarité sociale internationale» qui «décourage l’imposition et parie sur l’écoute entre acteurs égaux». Un nouveau modèle qui va ainsi à l’encontre, comme le dénonce Nago Humbert, de la coopération actuelle qui sert «d’abord les intérêts de la Suisse» et participe «au contrôle de l’immigration». Amanda Ioset, de Solidarité sans frontières, soutient, entre autres revendications, la régularisation des sans-papiers présents en Suisse depuis trois ans et l’évacuation des camps grecs.

L’économiste Sergio Rossi plaide pour une distribution de bons d’achat pour toute personne dont le revenu mensuel est inférieur à 4000 francs; «le prélèvement d’un impôt sur les gros patrimoines et les revenus élevés, qui ont profité presque de manière exclusive des politiques économiques néolibérales menées depuis les années 1980 et ont induit la crise financière globale éclatée en 2008 et la pandémie de Covid-19 en 2020»; et l’investissement de «l’argent public dans des activités économiques favorables à l’environnement et qui respectent la dignité des travailleurs». Comme le résume Jean Ziegler: «Le capitalisme tue!» Et le sociologue d’en appeler au rétablissement des droits et des devoirs régaliens de l’Etat dans les secteurs de la santé (et de l’alimentation)», entre autres mesures.

Selon tous les contributeurs à ce manifeste pluriel, nous n’avons finalement plus le choix: «Revenir à l’organisation de la société qui prévalait avant la pandémie serait reproduire les conditions qui favoriseront l’émergence de nouvelles crises. Ce serait irresponsable et suicidaire.» Et d’alerter: «Il semble pourtant que, toujours guidés par ceux-là mêmes qui nous ont conduits au désastre, qu’inspirent encore les idées anciennes, nous soyons sur ce chemin.» D’où l’urgence d’inverser la tendance.

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