Créateur du jeu vidéo Opticale mais aussi premier dan de jujitsu, Soufian Mahlouly nourrit des passions plurielles. En équilibre entre corps et esprit
Quand la porte de son studio lausannois s’ouvre, un univers peuplé de créatures magiques apparaît. Bienvenue dans le monde fantastique de leur créateur, Soufian Mahlouly. Chaleureux et dynamique, l’homme, 33 ans, raconte, avec le sourire, les origines de son jeu mobile Opticale: «Il y a presque dix ans, je testais des applications de géolocalisation en attendant un avion quand j’ai eu l’idée de mon script.» C’est pendant le vol qu’il écrit la genèse du jeu. Une histoire prenante dans laquelle des scientifiques auraient, à l’aide de la technologie, trouvé l’accès au monde astral, un univers parallèle au nôtre habité par des êtres extraordinaires. Son exploration serait rendue possible grâce à l’Opticale, un dispositif permettant un point de relai entre le monde réel et l’astral. Curieux dans l’âme, le trentenaire décrit: «Le but central du jeu est de détecter des animaux fantastiques. Plus que l’aspect ludique seulement, il vise à pousser les utilisateurs, adultes comme enfants, à se questionner sur leur propre environnement. Nous essayons toujours de mettre en lien nos créatures avec les contes et les mythologies présents dans le folklore de différentes civilisations.» Avec les revenus de sa société, lancée en 2016, Soufian Mahlouly ne se verse pour le moment pas de salaire: «Je préfère payer mes collaborateurs et me concentrer sur notre développement. En attendant, je suis également coach et expert start-up et innovation, et suis engagé à un faible pourcentage pour m’occuper de la communication digitale d’une autre société. Quand on lance une start-up, il faut être prêt à faire des sacrifices.» Ce jeune patron aime le travail bien fait mais recherche avant tout l’implication et la passion chez ses employés. Heureux de son parcours, il essaie de profiter de chaque bonne nouvelle. Comme son partenariat avec Google qui lui permettra bientôt de sortir son jeu à l’international.
Un engagement circulaire
Même si la technologie côtoie son quotidien, Soufian Mahlouly ne se laisse pas «cannibaliser» par celle-ci: «Il s’agit d’un outil. Surtout pas d’une religion ou d’une menace. C’est en grande partie grâce au sport et à la transmission de ce dernier que je parviens à me déconnecter d’elle.» Premier dan de jujitsu et champion suisse de karaté, l’homme aux multiples casquettes est, depuis peu, vice-président du Zen Do Ryu, un club d’arts martiaux à Morges. Par choix, il a préféré mettre de côté le passage de son deuxième dan pour garantir la qualité des cours du dojo. Un engagement qu’il perçoit de manière circulaire: «Pour moi, tout est relié. Aller de l’avant, savoir se maîtriser ou encore gérer une équipe. Les connaissances que j’acquiers dans le sport m’aident dans mon travail et vice versa.»
«On n’a jamais fini d’apprendre»
Se demandant régulièrement quels sont les moyens de s’améliorer, le sportif insiste sur l’importance de comprendre que l’on n’a jamais fini d’apprendre. Une maxime qu’il applique au quotidien puisqu’il a notamment commencé les arts martiaux pour vaincre la peur… de se battre! Fils d’un père marocain et d’une mère belge, il explique: «C’est en grande partie grâce à mes parents que j’ai accompli tout ça. Ils nous ont offert, à ma sœur, mon frère et moi, la meilleure jeunesse qu’on puisse imaginer en nous montrant différentes cultures, en nous apprenant à avoir l’esprit ouvert et à se connaître profondément.» Soufian Mahlouly, toujours à la recherche d’un équilibre entre corps et mental, approche la vie avec sérénité: «S’énerver contre des problèmes sur lesquels on n’a aucune prise est une perte de temps. Le Covid-19 en est un bon exemple.» Donnant toujours le maximum de sa personne dans ce qu’il entreprend, il confie aussi que sa plus grande peur serait de ne pas réussir à la surmonter: «Tout le monde a peur. Il s’agit d’une chose instinctive, naturelle. Mais il faut réussir à la dompter.»
20 mille lieues sous les mers
Frappé par un cancer à l’âge de 25 ans, Soufian Mahlouly explique que les arts martiaux lui ont permis de voir la maladie plus sereinement: «La façon dont on perçoit les choses nous appartient. Je n’ai pas vécu mon cancer de manière négative mais plutôt comme une épreuve.» Un combat qui lui a permis de relativiser et de prendre conscience que le temps est précieux. «Il faut faire des choses qui nous plaisent», explique-t-il avec enthousiasme avant de citer l’apnée, une discipline qu’il pratique depuis peu: «Comme en témoigne les créatures de notre jeu, je suis passionné par les différents écosystèmes. C’est pour cette raison que j’ai décidé, l’année passée, de partir explorer la Guadeloupe. Plonger sans matériel permet d’être plus en phase avec son environnement. J’ai donc choisi de m’entraîner à l’apnée.» D’abord seul dans son bain puis accompagné d’un professeur, ancien élève du Zen Do Ryu, Soufian Mahlouly se plonge dans un nouvel univers. Bon élève, il passe rapidement son brevet et se voit même proposer un voyage en Egypte en tant que professeur assistant: «Si j’ai rapidement progressé, c’est en grande partie grâce aux arts martiaux. Le travail de respiration et de maîtrise de soi est le même. La boucle est bouclée», symbolise-t-il.
Courageux et persévérant, Soufian Mahlouly pourrait bien être un chevalier des Temps modernes. Qui nous rappelle qu’en chacun de nous se cache encore une âme d’enfant.