Protection du climat: la Cour européenne saisie
Déboutées par le Tribunal fédéral en mai dernier, les Aînées pour la protection du climat ont saisi la Cour européenne des droits de l’homme et mené une semaine d’action à Bâle
C’est à bord d’un voilier de Greenpeace que les deux coprésidentes des Aînées pour la protection du climat ont, le 25 octobre dernier, quitté Bâle pour gagner Strasbourg. Au terme d’une journée de navigation, elles sont arrivées à destination. But du voyage: porter leur combat devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) après avoir été déboutées en mai dernier par le Tribunal fédéral. Le groupe – comptant plus de 1800 membres et 900 soutiens – exige un renforcement des mesures pour lutter contre la hausse des températures afin d’atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. «Nous espérons que cette Cour sera le premier tribunal à se consacrer vraiment au devoir de la Suisse de protéger notre vie et notre santé contre les conséquences négatives du réchauffement climatique», a déclaré Anne Mahrer, coprésidente des Aînées pour la protection du climat. La semaine précédant le départ du bateau, le mouvement a organisé une série d’actions à Bâle afin d’informer la population de sa démarche. Les activistes ont aussi auparavant, le 8 octobre, remis une lettre ouverte au Conseil fédéral. Dans ce courrier, elles ont précisé les raisons de l’action judiciaire intentée contre la Suisse, accusée de ne pas assumer suffisamment ses responsabilités en matière de protection du climat. Et dénoncé les effets de cette situation dont, entre autres, de fortes vagues de chaleur rendant les personnes âgées malades.
L’espoir d’un précédent
«Nous sommes particulièrement vulnérables à ce phénomène. Les aînés ont subi de plein fouet la canicule de 2003, et encore plus les aînées. La mortalité des femmes âgées a alors augmenté de façon spectaculaire. Mais, bien sûr, nous nous battons aussi pour les générations futures», a précisé l’ex-conseillère nationale genevoise de 72 ans, engagée de longue date sur le front de l’environnement. Les Aînées ont insisté sur le fait que la température ne devrait pas augmenter de plus de 1,5 degré et que notre pays s’y était engagé au regard du droit international. «Nous n’atteindrons toutefois pas cet objectif avec les efforts entrepris actuellement.» Les espoirs se tournent désormais vers Strasbourg. «La CEDH a des montagnes de dossiers à traiter. Le processus sera long. Mais il y a des possibilités pour qu’elle prenne en compte notre requête. Il s’agit de respecter des droits fondamentaux», poursuit Anne Mahrer, qui veut y croire. Et cite un arrêt de la Cour suprême des Pays-Bas prononcé en décembre dernier et imposant à l’Etat néerlandais de réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 25% d’ici à la fin de 2020... Georg Klingler, spécialiste du climat chez Greenpeace Suisse, observe de son côté: «Nous pensons que les chances sont élevées que l’action en justice suisse soit la première à être traitée par la CEDH. Elle pourrait donc créer un précédent en Europe et dans le monde.» Une requête de la dernière chance, aucun recours n’étant possible en cas de non-entrée en matière.
Le parcours du combattant
L’association des Aînées pour la protection du climat a été créée en août 2016 pour s’occuper du volet judiciaire de la lutte. Soutenue dès ses débuts par Greenpeace, elle a remis formellement, en octobre 2016, une requête au Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication, dénonçant de nombreuses omissions. Demande rejetée au motif que la question devait être traitée à l’échelle globale et que les militantes n’étaient pas qualifiées pour agir en justice. En mai 2017, le recours déposé au Tribunal administratif fédéral n’a pas rencontré davantage de succès, arguant que les femmes de plus de 75 ans ne souffrent pas plus de la hausse des températures que les autres groupes de la population. Les Aînées se sont alors tournées vers le Tribunal fédéral qui les a déboutées à son tour. Ce dernier a estimé en substance, et entre autres raisons, que le droit à la vie et à la santé invoqué n’était pas assez gravement compromis actuellement, qu’il y aurait encore du temps pour faire face à un réchauffement de nettement moins de 2 degrés...