Bouquet de lois féministes à Genève
Des députées ont saisi l’occasion du 8 mars pour déposer des projets de loi visant à revaloriser les professions typiquement féminines et à conserver la retraite des femmes à 64 ans
Le 8 mars, journée de lutte pour les droits des femmes, plutôt que de se voir offrir des fleurs, des députées genevoises se sont payées quatre projets de loi visant à revaloriser les professions typiquement féminines, à reconnaître la pénibilité qui leur est propre et à conserver la possibilité d’une fin de carrière à 64 ans pour les travailleuses du canton.
«Nous continuons d’être opposées au relèvement de la retraite des femmes de 64 à 65 ans, qui a été refusée par 62,7% des suffrages à Genève», explique Jocelyne Haller. La députée d’Ensemble à gauche et, par ailleurs, militante d’Unia a déposé un projet de rente-pont cantonal permettant aux femmes de prendre leur retraite dès 64 ans sans attendre une année de plus. Le montant de cette rente correspondrait à la somme perçue à la retraite par l’AVS et le 2e pilier. Selon les estimations des signataires du projet de loi se basant sur les projections de l’AVS, si la moitié des femmes prenaient cette rente-pont, il n’en coûterait que 30 millions de francs par année au budget de l’Etat. Auxquels il faudrait ajouter la compensation pour le 2e pilier. «Maintenir à Genève l’âge légal de 64 ans pour la retraite des femmes est non seulement un acte politique fort, mais c’est aussi clairement placer en priorité la défense des travailleurs et des travailleuses», car, comme on peut le lire dans l’exposé des motifs, «les milieux patronaux et leurs affidés politiques de droite», tenants d’une «politique d’exploitation, qui va à l’encontre du bon sens et du principe indispensable d’une meilleure répartition du temps de travail, l’ont déjà claironné: leur objectif vise une plus grande flexibilité et l’élévation de l’âge de la retraite pour tous à 67 ans.» Dans le canton de Vaud, le député d’Ensemble à gauche Hadrien Buclin avait entrepris la même démarche au lendemain de la votation du 25 septembre.
Charge mentale à prendre en compte
Rédigé par Caroline Marti, le second projet de loi déposé au Grand Conseil genevois veut, quant à lui, réévaluer à la hausse les salaires du personnel de la fonction publique et du secteur subventionné œuvrant dans les domaines du social, de la santé et du nettoyage, largement occupés par des femmes et sans qui, comme la crise du Covid l’a démontré, notre société ne peut fonctionner. «Cela fait des années que des améliorations sont annoncées, au gré de différents projets de réforme de la grille salariale, lesquels n’aboutissent pas», constate la députée socialiste, en proposant de verser une indemnité correspondant à 8,3% du salaire en attendant qu’entre en vigueur une nouvelle évaluation des fonctions. 8,3%? C’est le montant de l’indemnité versée aux hauts cadres de l’Etat, tels les médecins des HUG exerçant des responsabilités hiérarchiques… Un «14e salaire», «dont ils sont aujourd’hui seuls à bénéficier», pointe la jeune élue.
Dans la même idée, Françoise Nyffeler entend reconnaître la pénibilité propre à certains emplois, en particulier ceux consacrés au soin et à l’accompagnement de personnes vulnérables, au travers de deux projets de loi, l’un modifiant la loi sur le traitement du personnel de la fonction publique, l’autre la loi instituant la Caisse de prévoyance de l’Etat. Aujourd’hui, seule la pénibilité physique est reconnue par la loi et considérée à ce titre dans l’évaluation des fonctions. Or, note la députée d’Ensemble à gauche, «en se limitant à la prise en compte de la pénibilité physique qui renvoie essentiellement aux métiers physiques, manuels et masculins, on ne reconnaît ni la dimension de difficulté ou de complexité psychologique ni celle de charge mentale qui caractérise nombre de professions, et le plus souvent les professions dites de care et de l’accompagnement exercées majoritairement par des femmes». Il faut donc considérer la pénibilité dans toutes ses dimensions.