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Les recettes à la sauce néolibérale de l’Union patronale

Les patrons helvétiques veulent remédier à la pénurie de personnel en élargissant les horaires de travail, en repoussant l’âge de départ à la retraite et en faisant travailler les gens jusqu’à 70 ans ou plus

Juste une semaine avant le 1er Mai, l’Union patronale suisse (UPS) annonçait une nouvelle offensive contre les acquis sociaux sous prétexte de pénurie de personnel qualifié. Selon les patrons, 120000 postes de travail sont actuellement vacants, et d’ici à 2030, il manquerait 500000 travailleurs en raison de la démographie et du départ à la retraite des babyboomers.

Pour remédier à la question, l’UPS propose huit mesures afin d’«augmenter le volume global de travail fourni», note-t-elle dans un communiqué de presse. L’association patronale s’en prend tour à tour au temps partiel, aux heures de libre que les salariés se sont accordées ces dix dernières années (ils travailleraient 14 jours de moins par année), aux réglementations des heures de travail, à l’âge de la retraite ou encore aux études qui ne seraient pas «utiles» à l’économie.

Travailler plus…

La première de ces mesures prévoit de «revenir à des horaires de travail plus longs», en révisant les conditions-cadres pour permettre «aux actifs motivés de travailler plus», en éliminant les incitations négatives et en s’opposant aux démarches politiques visant un abaissement du temps de travail. La deuxième proposition prévoit de «récompenser les personnes qui travaillent plus», en offrant des possibilités de garde des enfants avec des «offres efficaces», pour autant que cet accueil soit «utilisé pour travailler plus, et non plus pour les loisirs». Le troisième remède est de «travailler plus longtemps». L’UPS préconise non seulement l’augmentation générale de l’âge de départ à la retraite, mais également de pousser ceux l’ayant atteint à rester sur le marché du travail avec divers modèles permettant de «travailler jusqu’à 70 ans ou plus».

Une autre mesure vise à «permettre une organisation plus flexible des horaires de travail». L’UPS souhaite amender la loi «pour répondre plus précisément aux besoins actuels et futurs du personnel et du patronat». Ce qui implique, notamment, un assouplissement des règles sur les horaires de travail «afin par exemple que des parents actifs puissent interrompre leur travail en journée pour s’occuper de leurs enfants et le reprendre en soirée, en dehors des heures de bureau habituelles»…

Attaques contre les universitaires

L’UPS liste aussi des mesures en matière de formation et d’études. Avec une proposition visant à «valoriser la formation professionnelle» avec un travail accru de promotion de cette filière dans les écoles secondaires ou dans les gymnases, ce qui est bien entendu louable. En revanche, une autre cible, les universitaires qui, selon les patrons, continuent à travailler dans des mini-emplois à la fin de leurs études ou dans des temps partiels. «Leur formation coûteuse est de moins en moins rentable aux niveaux économique et sociétal», déplore l’UPS, notant encore que «pour pourvoir un temps plein, entre deux et trois personnes disposant d’une formation de niveau universitaire sont désormais nécessaires». Autre grief à l’égard des jeunes s’orientant dans une telle formation: celle de choisir leurs études «sur la seule base de l’intérêt porté à la discipline». Pour parer à cela, l’association patronale souhaite que «les universitaires amortissent le coût de leurs études», ou que les frais de scolarité augmentent de manière exponentielle après un certain nombre de semestres. Autres solutions: le paiement à l’avance des frais de scolarité ou des systèmes de prêts. «De tels instruments permettraient de guider le choix des études vers des filières demandées sur le marché du travail, afin que la société n’ait pas à financer des frais de formation inutiles», précise l’UPS.

Enfin, l’association patronale propose encore de «laisser la porte ouverte à l’immigration», avec un développement de l’Accord sur la libre circulation des personnes et un élargissement des contingents réservés aux travailleurs des Etats tiers. Et de «favoriser l’insertion des personnes handicapées dans le marché du travail», en préconisant par exemple un accompagnement des employeurs pour axer la réflexion sur les ressources des personnes avec un handicap.

Pour l’USS, ce qu’il faut, ce sont des hausses de salaires

Face aux revendications patronales visant à déréguler et à flexibiliser le marché du travail, l’Union syndicale suisse (USS) a réagi en dénonçant des «recettes dépassées». La faîtière indique qu’«allonger les horaires de travail, augmenter les heures supplémentaires, réduire la protection des travailleurs» ont pour conséquence «plus de stress et de burn-out», guère favorables à l’attractivité des emplois. L’USS signale aussi que plus de 200000 personnes sont à la recherche d’un travail mais n’en trouvent pas et que de nombreux salariés se plaignent de dysfonctionnement sur leur lieu de travail. En parallèle, le nombre de cadres «a presque doublé au cours des vingt dernières années».

Concernant les temps partiels, la faîtière syndicale note la positivité de cette évolution, illustrant d’une part que davantage de femmes participent au marché du travail, et que des hommes commencent à assurer à part égale la prise en charge des enfants en travaillant moins, ce qui permet une meilleure conciliation entre travail et famille.

Au final, pour l’USS, «la réponse la plus logique à apporter à cette “pénurie” de main-d’œuvre serait d’améliorer les conditions et l’environnement de travail», et notamment d’augmenter les salaires, avec aucun salaire à moins de 5000 francs pour une personne ayant fait un apprentissage.

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