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Non à l’affaiblissement des droits des locataires

Barre d'immeubles à Genève
© Thierry Porchet / Photo d'illustration

«30% de la population ne peut pas verser un loyer dépassant les 1750 francs, supprimer la sous-location exclura les classes populaires de l’accès au logement», met en garde Christian Dandrès, avocat de l'Asloca.

D’entente avec une large alliance, dont les syndicats, l’Asloca recommande de rejeter les deux objets relatifs au droit du bail soumis au verdict des urnes le 24 novembre. Arguments.

«Il s’agit clairement d’un affaiblissement du droit des locataires.» Avocat de l’Asloca et conseiller national, Me Christian Dandrès critique vivement les modifications prévues par la réforme qui sera soumise en votation le 24 novembre. La révision porte sur deux objets: les modalités de sous-location et de reprise par un propriétaire de son bien pour y habiter (besoin propre). Le premier point limiterait les possibilités de sous-location. Il est présenté par les parties bailleresses comme une mesure de lutte contre les abus des hébergements Airbnb. «C’est un prétexte. Des moyens existent déjà dans ce sens», réfute Me Christian Dandrès, particulièrement inquiet quant aux restrictions envisagées. «Aujourd’hui, la sous-location est un droit que le locataire peut opposer au bailleur. En cas d’adoption de la nouvelle règle, le bailleur pourra refuser cette possibilité à un locataire pour des motifs indéterminés et pour des raisons de pure forme, si le locataire omet d’obtenir le consentement écrit du bailleur. En réalité, le bon vouloir du bailleur deviendra la seule condition», note-t-il, estimant que le changement souhaité n’a d’autre but que de permettre aux propriétaires de prononcer un congé, dans un délai de 30 jours seulement, pour relouer le bien à un prix nettement plus élevé. Cette démarche les autoriserait alors à effectuer le tri entre les locataires les plus rentables et les autres.

Chasser les locataires pour relouer plus cher
«Si le loyer de l’habitation en question est bon marché, le bailleur refusera son consentement. Et profitera de la situation pour chasser le locataire et relouer au prix hyperabusif du marché actuel», s’inquiète l’avocat, précisant que la moitié du parc immobilier fait l’objet de baux anciens, datant d’avant 2006, donc bénéficiant de loyers moins chers comparés aux prix pratiqués aujourd’hui, plus hauts de 30%. «Au changement de bail, les loyers augmentent massivement. Et rares sont les nouveaux arrivants qui osent ou peuvent les contester. Beaucoup de logements sont attribués par pistons ou par chasseurs d’appartement.» Me Christian Dandrès souligne encore que la révision en question porterait préjudice à une importante frange de la population, la sous-location étant largement répandue. Entre les seniors qui occupent des logements trop grands et partagent dès lors leur espace de vie et leur loyer, les travailleurs qui doivent déménager pour des raisons professionnelles mais entendent revenir à leur domicile, les personnes effectuant des formations à l’étranger, les étudiants sous-louant des chambres ou plus simplement les collocations et les concubins qui partagent le loyer. «N’oublions pas que 30% de la population ne peut pas verser un loyer dépassant les 1750 francs mensuels. On ne trouve plus rien sur le marché primaire à ce prix-là. Supprimer la sous-location exclura les classes populaires de l’accès au logement.»

Intérêt du propriétaire prédominant
Autre attaque portée contre les locataires selon l’association qui défend leur cause, l’article relatif au «besoin propre». «La réforme entend étendre les privilèges juridiques des propriétaires et supprimer la protection contre les congés représailles.» En d’autres termes, explique l’avocat, celui qui achète un logement peut aujourd’hui résilier un bail dans un délai légal de trois mois s’il en a un besoin urgent pour lui ou ses proches. Le locataire a la possibilité pour sa part de demander une prolongation du délai de départ. «La nouvelle mouture veut supprimer la condition de l’urgence. L’intérêt du propriétaire va systématiquement primer», s’indigne Me Christian Dandrès, dénonçant encore un affaiblissement de la protection des locataires contre les représailles. Aujourd’hui, le locataire qui a fait valoir ses droits est protégé. Le bailleur ne peut pas résilier le contrat en représailles sauf besoin urgent de se loger. La nouvelle loi supprime aussi cette condition. «La révision entravera donc l’exercice des droits du locataire dans tous les domaines. Le risque d’abus est d’autant plus important qu’il n’y a aucun contrôle pour vérifier qui habite ensuite véritablement dans le logement une fois que le locataire en a été chassé.» 

D’autres attaques en prévision
Dans ce contexte, l’Asloca qui, avec le soutien d’autres partenaires, a combattu la réforme par référendum, recommande de rejeter les deux objets en question. Et l’avocat de prévenir que d’autres détériorations menacent encore les droits des locataires. Il cite en exemple la suppression dans les faits de la contestation du loyer initial ou encore le recours à des statistiques internes des organisations faîtières de propriétaires pour déterminer les loyers en usage dans un quartier donné, sans vérifications possibles.
«C’est la tactique du salami, les différents projets ne sont pas regroupés dans une révision globale avec, en conséquence, la nécessité de lancer un référendum contre chacun d’entre eux.» Rappelons que la Suisse compte une majorité de ménages de locataires évalués, à fin 2022, à quelque 2,4 millions (61%). 

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