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2024, un piètre millésime pour l’emploi dans l’industrie suisse

Bâtiment historique de la verrerie de Vetropack à Saint-Prex.
© Olivier Vogelsang

La fermeture de la dernière verrerie de Suisse, celle de Vetropack, à Saint-Prex, a fait couler beaucoup d’encre. En mai, le personnel s’était mis en grève pour tenter de s’opposer à cette décision.

Les fermetures et les restructurations d’usines se sont multipliées cette année. Parmi d’autres, Unia estime que l’Etat doit aider ce secteur, comme le font les Etats-Unis et l’Union européenne.

Ça va mal dans l'industrie suisse! Depuis un an, les fermetures d'usines, les délocalisations à l’étranger ou les restructurations se sont succédé à un rythme régulier. Toutes sortes d’activités sont touchées, comme la sidérurgie, la verrerie, l’imprimerie, l’agro-alimentaire ou l’industrie des machines. Eternit, Vetropack, Micarna, centres d’impression de Tamedia, Rieter, Sicpa, Stahl Gerlafingen, etc: L’Evénement syndical a recensé des annonces dans onze entreprises différentes depuis la fin de 2023, totalisant la perte de plus de 1200 emplois. Et la liste n’est pas exhaustive.

Face à cette érosion, des voix s’élèvent pour exiger que la Suisse se dote enfin d’une politique industrielle. Alors que les Etats-Unis et l’Union européenne ont lancé ces dernières années – à coup de centaines de milliards – des programmes visant à soutenir leurs industries et à accélérer la transition écologique de celles-ci, d’aucuns estiment que notre pays, dont les exportations souffrent déjà du franc fort, ne peut pas rester les bras croisés.

En mars, tandis que la crainte de suppressions d’emploi dans la métallurgie se concrétisait, Unia soulignait dans un communiqué de presse que les conséquences de l’absence de politique industrielle en Suisse étaient de plus en plus visibles. «Unia demande depuis des années à la Confédération et aux cantons de mener une politique industrielle qui aide les entreprises à réussir leur transformation écologique tout en garantissant des emplois avec de bonnes conditions de travail dans l'industrie suisse», écrivait le syndicat, face aux difficultés des aciéries Stahl Gerlafingen et Swiss Steel.

L’obstination de Berne

Malgré deux motions récentes lui demandant d’agir, le Conseil fédéral ne veut toujours pas d’une politique industrielle basée sur des subventions. Le premier texte, émanant du Parti socialiste et adopté par le Parlement à l’automne 2023, réclame des mesures en faveur des entreprises suisses de production et de recyclage du métal, pour faire face au protectionnisme de l'UE. Encore en cours d’examen, le second texte va dans le même sens. Déposé par les Verts vaudois en avril dernier – au moment de l’annonce de la fermeture de Vetropack –, il vise à conserver les activités essentielles pour l’approvisionnement du pays et à favoriser la transition énergétique, ainsi que l’économie circulaire.

En septembre, le gouvernement a préconisé le rejet de cette motion, comme il l’avait fait pour la première, se refusant à subventionner certaines branches ou entreprises au détriment d’autres. Dans son rapport de situation sur l’économie suisse, publié en mai, il estime que celle-ci résiste bien à la récession et ne devrait pas trop souffrir des politiques protectionnistes d’autres Etats. Comme le conseiller fédéral Guy Parmelin l’a déjà dit ce printemps, les sept Sages préfèrent continuer à améliorer les conditions-cadres des entreprises, via des programmes d’encouragement dans le domaine du climat et de l’énergie, notamment.
Mais visiblement, cela n’a pas eu l’effet escompté jusque-là, puisque Stahl Gerlafingen vient d’annoncer, en octobre, une nouvelle vague de licenciements après celle du printemps et que Swiss Steel a, de son côté, confirmé qu’elle allait réduire ses capacités de production.

Hypocrisie de la Confédération

«Quand Guy Parmelin dit que le gouvernement ne peut rien faire, c’est une hypocrisie, s’offusque Matteo Pronzini, responsable de la branche industrie MEM à Unia. La Confédération soutient bien l’agriculture. Stahl Gerlafingen a fait beaucoup d’investissements pour produire un acier au bilan carbone deux fois moins lourd que celui de ses concurrents étrangers.» D’après le syndicaliste, il ne s’agit pas forcément de subventionner des entreprises, mais d’être cohérents avec les objectifs climatiques du pays. «On pourrait par exemple exiger que les chantiers publics montrent la voie en faisant appel à des fournisseurs dont les émissions de CO2 sont faibles.»

Matteo Pronzini pointe aussi la responsabilité des banques, trop exigeantes envers le secteur industriel, ainsi que celle des actionnaires, toujours plus avides de dividendes. «Mais dans l’ensemble, notre industrie reste performante, grâce aux compétences et à l’engagement des travailleurs», tempère-t-il.

Dans les milieux économiques et les think tanks libéraux, on a multiplié ces temps-ci les prises de position contre une politique industrielle étatique, plaidant au contraire pour une déréglementation. Il existe toutefois des voix dissidentes à droite, comme celle du PLR Olivier Feller, qui rappelait dans 24 heures qu’en Suisse, un employé sur trois travaillait dans le secteur industriel dans les années 1990, contre un sur cinq aujourd’hui. Le conseiller national vaudois concluait: «Si tous les pays qui nous entourent soutiennent financièrement leurs industries pour assurer la transition écologique ou diminuer leur dépendance face à l’étranger, je ne vois pas comment la Suisse pourrait s’en sortir sans rien faire.» 

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