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Femmes et hommes ne sont pas égaux dans la formation

Outre les origines sociales et la scolarité, la discrimination entre les sexes au niveau de la formation est renforcée au moment du choix d’une profession. Les jeunes femmes s’orientant davantage vers les métiers de services et les professions sociales.
© Neil Labrador

Outre les origines sociales et la scolarité, la discrimination entre les sexes au niveau de la formation est renforcée au moment du choix d’une profession. Les jeunes femmes s’orientant davantage vers les métiers de services et les professions sociales. 

La discrimination entre les sexes dans la formation scolaire et professionnelle est un des éléments favorisant les inégalités salariales

Le 22 septembre, les syndicats et de nombreuses associations féminines manifesteront à Berne pour exiger du Parlement des mesures claires et efficaces pour que l’égalité salariale soit appliquée dans notre pays et contre les discriminations subies par les femmes. L’une de ces discriminations, qui à terme influe sur les inégalités salariales, est celle touchant à la formation. Cette discrimination est-elle toujours d’actualité? La réponse avec Joëlle Racine, secrétaire politique d’Unia à la formation professionnelle. 

Quelle est aujourd’hui la place des femmes dans la formation par rapport aux hommes?

La discrimination des femmes dans leur parcours de formation est une réalité. Le récent Rapport sur l’éducation 2018 ne démontre pas d’évolution globale flagrante en faveur des femmes depuis 2014, même si certaines améliorations sont à noter, comme le nombre plus élevé de femmes diplômées des hautes écoles que d’hommes pour la catégorie des 25-34 ans. Il y a aussi une amélioration de l’accès des femmes à la formation continue. Par contre, bien que le taux de femmes sans diplôme tende à baisser, il est encore un peu plus élevé que celui des hommes. Ces taux étant de 13,7% pour les femmes et de 10,8% pour les hommes, pour les catégories de 25 à 64 ans. 

Quels sont les facteurs discriminatoires au niveau scolaire et professionnel?

Parmi les facteurs très discriminatoires, on trouve les origines sociales défavorisées et la nationalité étrangère. En matière de disparités entre les sexes, c’est à partir de l’école secondaire qu’elles se manifestent: les filles continuent à obtenir de meilleurs scores en langues, les garçons en mathématiques. Ces différences d’aptitude ne dépendent en aucun cas du sexe, les scores en mathématiques étant même inversés dans certains pays (Jordanie, Thaïlande, par exemple). En Suisse, une analyse a démontré que les enseignants peu expérimentés ont tendance à noter plus sévèrement les filles en physique que les garçons. Il y a bien sûr d’autres facteurs explicatifs. Mais il est à relever que les filles disposant de bons résultats scolaires en mathématiques/physique sont davantage enclines à s’engager dans une formation scientifique. 

Ces premières différences selon les sexes s’accentuent dans le choix du métier: la ségrégation est particulièrement forte en Suisse. Selon les dernières statistiques, les femmes choisissent majoritairement les branches de la vente, des soins infirmiers, du commerce et de l’administration, les professions sociales, et les métiers liés aux services à la personne et à l’enseignement. Quant aux hommes, ils sont essentiellement présents dans les branches de la construction et du génie civil, de la mécanique, électricité, électronique, matériaux et informatique. 

Comment cette discrimination s’opère-t-elle? 

Les jeunes femmes choisissent plus facilement la voie gymnasiale ou une école de culture générale que la voie de la formation professionnelle, contrairement aux jeunes hommes. Lorsqu’elles font un apprentissage, une étude bâloise de 2012 démontre que les trois quarts des femmes effectuent leur choix dans une palette d’environ 10 métiers, alors qu’on en dénombre environ 230. Par ailleurs, elles ont tendance à suivre une formation professionnelle en école plutôt qu’en entreprise. Ce n’est pas un choix, car les branches essentiellement féminines ne proposent pas assez de places d’apprentissage (dans les soins, par exemple). Cette différence a pour conséquence que l’entrée dans le monde professionnel est ensuite plus difficile pour les jeunes femmes, car elles disposent de moins de réseau et d’expérience, contrairement à un jeune ayant effectué un apprentissage dual en entreprise. Par ailleurs, les femmes qui choisissent des métiers «masculins» sont nombreuses à le quitter par la suite, au contraire des hommes qui s’engagent dans des métiers «féminins».

En quoi cette ségrégation concernant le choix du métier est-elle problématique? 

Les répercussions sur la vie professionnelle sont très claires. Les branches essentiellement féminines disposent de conditions de travail précaires et de salaires plus bas, avec des possibilités d’évolution professionnelle souvent inexistantes. Le commerce de détail et les branches des soins sont des exemples-types. Au contraire, la branche des mathématiciens, qui ne comporte pratiquement que des hommes, bénéficie de salaires très élevés, en corrélation avec la complexité et les compétences requises pour le poste. Cette ségrégation qui commence à l’école a donc des répercussions tout au long de la vie professionnelle et sur le niveau de vie. 

Par ailleurs, la discrimination salariale dont sont victimes les femmes est loin d’être réglée, ce qui les pénalise également lors de la retraite. Enfin, un argument économique: il y a en Suisse une pénurie de main-d’œuvre pour les métiers des branches mathématiques, informatique, sciences naturelles et techniques (MINT). Les femmes sont particulièrement sous-représentées dans les métiers des branches mathématiques/physique. Cette perte de potentiel risque de s’aggraver avec la numérisation de notre société nécessitant l’acquisition de nouvelles compétences, notamment technologiques. La ségrégation actuelle entre les sexes n’arrange en rien le risque de fracture numérique en défaveur des femmes. Les branches féminines sont particulièrement concernées par la numérisation, comme la vente: la réorientation professionnelle, en plus de la formation continue, est essentielle pour maintenir les travailleuses sur le marché du travail. 

Quelles pistes pour améliorer l’égalité dans la formation?

Les possibilités sont très nombreuses, elles peuvent s’adresser à différents acteurs – l’école, les entreprises, les offices d’orientations, entre autres – et porter sur divers aspects, comme les représentations sociales attribuées aux sexes, la pédagogie, etc. Il serait fastidieux d’évoquer ici toutes les pistes possibles. Concrètement, des études nordiques démontrent l’importance d’avoir de bonnes structures d’accueil extrafamilial avant l’école. Cela permet aux jeunes issus de milieux défavorisés d’obtenir de meilleurs résultats scolaires par la suite et même d’avoir des salaires plus élevés dans leur vie professionnelle. En Suisse, il a été démontré que là où les possibilités d’accueil sont nombreuses, les femmes travaillent davantage à temps plein et les hommes optent plus souvent pour un temps partiel.

Le chemin pour arriver à une réelle égalité des chances dans la formation mais aussi sur le marché du travail est encore long; il est donc important de continuer de nous engager, notamment pour l’égalité salariale. Et de participer, toutes et tous, à la manifestation du 22 septembre! 

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