«Vive la solidarité internationale!»
Lors du dernier congrès de l’USS en décembre, plusieurs militants internationaux se sont exprimés, dont Sanjiv Pandita, coordinateur de Solidar en Asie, et Elif Akgül Ates, syndicaliste turque en exil
Accroissement de la précarité, privatisation, automatisation, exploitation des travailleurs, précarité des migrants, démocratie menacée, changements climatiques… Autant de maux dénoncés par Sanjiv Pandita – coordinateur de l’ONG Solidar en Asie – lors du congrès de l’USS en décembre dernier. En préambule, il a rappelé que la dignité des travailleurs existe en Suisse grâce aux syndicats, dignité qui n’a pas encore été conquise en Asie, notamment en Chine et dans la région du Mékong (incluant la Thaïlande, le Cambodge, le Myanmar).
«L’Asie, avec ses 4 milliards d’habitants, représente plus de la moitié de l’humanité. C’est l’usine du monde, dans laquelle la Chine joue le rôle de leader. Ce pouvoir économique est acquis notamment grâce aux femmes migrantes qui travaillent plus de 12 heures par jour non-stop avec un salaire insuffisant pour subvenir à leurs besoins. Dans le sud du Mékong, 300 millions de personnes migrent des campagnes aux usines des villes. Ce sont des places de travail dangereuses, qui génèrent maladie et mort, beaucoup plus que n’importe quelle guerre ou catastrophe, a-t-il dénoncé. Les produits chimiques utilisés dans la fabrication des objets tels que les téléphones portables ou les ordinateurs, mais aussi les vêtements, génèrent des paralysies, la silicose, des leucémies, entre autres maladies.»
Depuis quelques années, des milliers de travailleurs se battent pour leurs droits face à cette forme d’esclavage moderne, que subissent aussi des enfants. «Nous devons trouver des formes innovantes pour nous organiser et négocier face à l’évolution des postes de travail», a relevé Sanjiv Pandita. Dans ce sens, Solidar Suisse mène depuis 2017 des projets au niveau interrégional. Face à l’opacité des chaînes mondiales d’approvisionnement qui font fi des droits des travailleurs, Solidar soutient des réseaux régionaux qui analysent les chaînes d’approvisionnement, informent et renforcent les organisations locales et les syndicats. Ses campagnes en Suisse visent à renseigner les consommateurs, dont les délégués du Congrès.
Syndicats en péril
Plus tard dans la journée, Elif Akgül Ates, syndicaliste et politicienne turque en exil depuis un an, est revenue sur la dégradation du respect des droits humains en Turquie. «Depuis la tentative de putsch, le Gouvernement turc mène une politique d’intimidation contre les personnes qui prônent la liberté, l’égalité et une solution à la question kurde: 150 000 personnes ont été licenciées du service public, dont un tiers de femmes. Des gens ont été exclus socialement, sans revenu, sans assurance, sans retraite. Les droits syndicaux n’existent plus. Beaucoup de militants syndicaux et de fonctionnaires ont été mis en prison. Le gouvernement poursuit l’objectif de détruire les syndicats libres. Il y a une criminalisation des grévistes.» La militante a donné entre autres exemples celui de la grève contre les mauvaises conditions de travail à l’aéroport, durant laquelle 600 travailleurs ont été arrêtés.
Elif Akgül Ates a tenu à remercier Solifonds* pour son soutien aux syndicats de Turquie.
Elle a dénoncé également l’entrée de l’idéologie islamiste turque dans le système éducatif. «Les schémas traditionnels sont transmis: les femmes doivent être soumises. Il y a une augmentation des meurtres des femmes. Quant aux LGBT, ils subissent toutes sortes de violences. Chers collègues, j’aimerais encore mentionner le destin cruel des femmes kurdes. Beaucoup de villes kurdes ont été occupées et détruites par des unités spéciales militaires qui ont attaqué et mis feu aux caves où s’étaient réfugiés femmes et enfants. Des cadavres de personnes tuées par balle sont restés dans la rue, dont celui d’Anna, mère de 11 enfants. Pendant une semaine, des tireurs ont empêché que sa famille puisse aller chercher son cadavre. Cela me coûte de raconter de telles choses, car j’en ai été témoin. Nous devons nous battre, nous les femmes, les minorités et les kurdes!» Et de conclure, avec le sourire des combattantes: «Je salue la grève des femmes en 2019. Vive la solidarité internationale! Vive la solidarité internationale avec les femmes!»
* La fondation «Fonds de solidarité pour les luttes de libération sociale dans le tiers monde», Solifonds, a été créée en 1983. Elle a pour but de soutenir les luttes de libération sociale et pour la reconnaissance et le respect des droits humains, en particulier des droits politiques et syndicaux fondamentaux.
SOLIFONDS bénéficie du soutien de l’Union syndicale suisse (USS), du Parti socialiste suisse (PSS), de Solidar Suisse (OSEO) et d’ONG.
Photos Niel Labrador