A l’approche de la grève des femmes, les voix féminines de l’USS dévoilent leurs quinze revendications pour parvenir à l’égalité
A quelques semaines de la grève des femmes du 14 juin, des dirigeantes des fédérations de l’Union syndicale suisse (USS) ont tenu une conférence de presse pour lister leurs revendications en matière d’égalité (lire ci-dessous). En effet, malgré certains progrès dans le monde professionnel, les écarts inacceptables qui subsistent sont légion, surtout en termes de revenus. «Les salaires dans les professions dites féminines sont structurellement trop bas, les heures de travail difficiles à planifier, les taux d’occupation trop faibles, la pénibilité très élevée», a déclaré Vania Alleva, présidente d’Unia et vice-présidente de l’USS, qui rappelle quelques chiffres. En Suisse, environ 53% des femmes ont un salaire net de moins de 4000 francs par mois, et environ 70% touchent moins de 5000 francs. Ce sont aussi les championnes du temps partiel, avec 262000 femmes en sous-emploi en 2018, entraînant un manque de respect et de reconnaissance pour leur travail.
Le care aux mains des femmes
Plusieurs problématiques ont été soulevées lors de cette conférence de presse, notamment les inégalités dans la prise en charge du travail non rémunéré. De fait, les hommes et les femmes de la population active suisse travailleraient à peu près un nombre équivalent d'heures si l'on additionnait les heures de travail non rémunérées (éducation, soins, travail bénévole) aux heures rémunérées. Toutefois, les femmes génèrent un revenu à peine plus élevé que la moitié de celui des hommes. De son côté, l’Office fédéral de la statistique annonce pour 2016 un total de 7,9 milliards d'heures de travail rémunérées et 9,2 milliards d'heures de travail non rémunérées. Environ deux tiers des heures de travail non rémunérées sont effectuées par des femmes, dont environ 20% représentent l'encadrement des enfants et les soins prodigués aux proches malades ou âgés. «Les femmes ont beaucoup moins d'argent que les hommes mais pas plus de temps, souligne Barbara Spalinger, vice-présidente du SEV. Le travail non rémunéré, qui représente environ 408 milliards de francs, est utilisé en tant que ressource gratuite.» Ce qui a des conséquences dramatiques en matière de prévoyance vieillesse. «Parce que les femmes effectuent la plus grande partie du travail non rémunéré, et qu’à cause de cela, elles travaillent souvent à temps partiel et sont souvent bien moins payées que les hommes, elles ont une bien plus mauvaise situation au niveau de la rente une fois à la retraite.» C’est pourquoi l’USS mise sur une extension de l'AVS pour des rentes acceptables, toutefois sans hausse de l'âge de la retraite des femmes.
Femmes dévalorisées dans le public
Dans le secteur public, si la différence salariale entre femmes et hommes est légèrement inférieure que dans le privé, avec un taux moyen de 16,7% au lieu de 19,6%, dont 35% ne sont pas explicables et purement et simplement discriminatoires, c’est un taux moyen qui reste encore trop élevé selon Katharina Prelicz-Huber, présidente du Syndicat suisse des services publics (SSP): «Les pouvoirs publics devraient montrer le bon exemple!»
Le problème central est, selon la syndicaliste, la sous-évaluation permanente des activités classiquement considérées comme féminines, telles que l’accueil de l’enfance, les soins aux personnes malades ainsi que la prise en charge de personnes âgées ou dépendantes d’aide. Exemple dans les écoles: plus les enfants sont jeunes, plus la proportion de femmes parmi le personnel est élevée et plus le niveau des salaires est bas. «Dans le cadre de la petite enfance, les femmes représentent entre 87 et 95% des effectifs, tandis qu’au degré secondaire II, cette proportion se situe entre 40 et 47%. Du coup, les enseignants de la petite enfance touchent un salaire plus bas que les enseignants du degré primaire, bien que ce soient les mêmes conditions qui s’appliquent dans les deux cas.» Sans oublier le fait que les enseignants de la petite enfance sont obligés de travailler à temps partiel, étant donné qu’un plein-temps dans ce domaine correspond à un emploi avec un taux d’activité de 85%...
«C’est la raison pour laquelle nous exigeons la revalorisation et un reclassement dans des classes salariales plus élevées de ces professions ainsi que des emplois à plein temps et rémunérés à 100% dans la petite enfance», a conclu Katharina Prelicz-Huber.
Hommes à la tête des médias
Dans le secteur des médias, aussi, les inégalités sont criantes. «En Suisse, trois postes de direction sur quatre sont occupés par des hommes, a informé Stephanie Vonarburg, vice-présidente de Syndicom. De plus, les rubriques importantes, comme les rubriques politiques et économiques, ne comptent que 30% de femmes.» En termes de revenus, on estime que l’écart salarial entre les femmes et les hommes, pour un poste à plein temps et avec moins de six ans d’expérience, s’élève en moyenne à 700 francs par mois. C’est pourquoi les professionnelles des médias exigent davantage de pouvoir éditorial au sein d’un catalogue de revendications signé par plus de 200 personnes et adressé aux entreprises du secteur.
Pour toutes ces raisons, l’Union syndicale suisse revendique dans un premier temps plus d’argent pour les femmes, notamment à travers un salaire minimum de 4000 francs par mois pour tous; mais aussi plus de temps, en partie pour les tâches de prise en charge; et enfin, plus de respect sur le lieu de travail contre le harcèlement sexuel et psychologique. Et Vania Alleva de conclure: «La grève du 14 juin est une nécessité, une urgence même!»