L’heure de réaliser l’égalité dans les faits
A la suite de la grève des femmes du 14 juin, les syndicats présentent leurs revendications. La question des salaires, du temps et du respect figure au cœur de leurs exigences. Lignes maîtresses
Salaire, congé parental, reconnaissance du travail de care, lutte contre le harcèlement, contre la hausse de l’âge de la retraite des femmes, défense des droits des migrantes... Hors de question de laisser retomber le soufflé après l’extraordinaire vague violette du 14 juin. A la suite de la plus grande mobilisation politique de Suisse depuis la Grève générale de 1918 qui a réuni plus d’un demi-million de femmes et d’hommes solidaires, les syndicats exigent des dispositions concrètes. Des revendications qu’ils ont exposées le 9 juillet dernier lors d’une conférence de presse tenue à Berne. Pour l’Union syndicale suisse (USS) et les représentantes de ses quatre plus grandes fédérations, l’heure de l’égalité a sonné. Et elle ne saurait se satisfaire d’un congé paternité de deux semaines et de seuils pour la représentation des genres. «Le Parlement doit prendre d’autres nouvelles mesures et elles devront être efficaces», a exigé l’organisation faîtière dans un communiqué. Les employeurs sont aussi appelés à agir. «Ils ne peuvent plus ignorer le scandale de la discrimination salariale», a déclaré Vania Alleva, présidente d’Unia et vice-présidente de l’USS, dans son allocution. La syndicaliste a noté que, à partir de la date symbolique du 21 octobre à midi, les femmes travaillent gratuitement en raison des différences de rémunérations avec les hommes.
Jour de paie
«Dans le secteur privé, les femmes ont gagné en 2016 en moyenne 19,6% de moins que leurs collègues masculins, soit 1532 francs de moins chaque mois.» Pour la représentante d’Unia, si certaines raisons expliquent cet écart – formation ou poste de travail – aucune n’est bonne et, dans 43% des cas, on assiste à de la discrimination pure et simple. Avec, pour résultat, des rémunérations amputées de 657 francs mensuels seulement en raison du sexe. «Tout au long d’une vie professionnelle, cela représente plus de 300000 francs. Au total, cette perte salariale se chiffre chaque année à plus de 10 milliards de francs.» La part inexpliquée de la différence salariale est particulièrement aiguë dans certaines branches comme l’industrie des machines, le commerce de détail et l’hôtellerie-restauration. Vania Alleva a dénoncé la «discrimination structurelle envers les femmes» dans des métiers regroupant majoritairement des travailleuses, comme les soins et l’accompagnement, la vente ou les services à la personne. Facteur non sans conséquences sur les rentes de vieillesse. «Les professions dominées par les hommes ont manifestement plus de valeur que les “métiers féminins”.» Et la présidente d’Unia de souligner que plus d’une femme sur six est concernée par un bas salaire, situation d’autant plus injuste qu’elles se chargent de la majeure partie du travail non rémunéré et sont employées à temps partiel. Dans ce contexte, le syndicat exigera cet automne, dans les branches à forte proportion féminine, des salaires minimaux de 4000 francs par mois fois treize. «Après la grève, c’est maintenant jour de paie des femmes!» Le syndicat réclame aussi des analyses régulières des salaires.
«On ne lâchera rien»
Katharina Prelicz-Huber, présidente du SSP, a estimé elle aussi nécessaire une hausse des revenus et de meilleures conditions d’emploi, en particulier dans le domaine de la santé. Elle a mentionné par exemple la possibilité de prendre une retraite anticipée dès 60 ans avec une rente complète ou encore la conclusion de conventions collectives de travail (CCT) dans le secteur des soins privés. La vice-présidente du SEV, Barbara Spalinger, a insisté de son côté sur l’importance d’ancrer dans les CCT un congé maternité de 18 semaines et dix à vingt jours de congé paternité. «C’est ce que nous avons convenu avec les CFF. Nous voulons l’étendre à toutes les entreprises des transports publics.» La problématique du harcèlement sexuel dans le monde du travail est aussi empoignée par les syndicats. Selon une enquête de Syndicom dans la branche des technologies de l’information et de la communication, 60% des femmes ont déjà subi ou ont été témoins au moins une fois de harcèlement sexuel sur leur lieu professionnel. Patrizia Mordini, membre du comité directeur de Syndicom et coprésidente de la commission féminine de l’USS, a exigé l’introduction de règlements d’entreprise et de lignes de conduite pour prévenir cette dérive ainsi que des formations dans le domaine: «L’enquête montre qu’un service de médiation à lui seul ne suffit pas.» Secrétaire centrale du SSP et coprésidente de la Commission des femmes de l’USS, Michela Bovolenta a encore averti: «Après la grève du 14 juin, on ne lâchera rien... Nous serons de tous les combats, solidaires et déterminées. Parce que l’égalité est un droit, pas un cadeau qu’on nous fait!»