Témoignage: «On ne sait plus où donner de la tête»
Valérie*, assistante en soins et santé communautaire depuis six ans.
«Dans ce métier, on ne peut pas organiser notre vie personnelle: on reçoit notre planning le 30 pour le 1er… C’est sans cesse le stress, car on nous rajoute toujours une autre tâche imprévue, du coup on se retrouve débordé. On aime notre travail et on se donne à fond, mais on nous en demande toujours plus, sans jamais un merci. J’ai fait un burn-out qui m’a valu un arrêt maladie pendant six mois: à mon retour, on m’a enlevé ma prime et mes horaires ont été modifiés.
Depuis l’apparition du coronavirus, les conditions de travail ont empiré. Alors que des résidents étaient contaminés, on ne nous a donné que trois masques et trois paires de gants par jour, que l’on devait désinfecter et réutiliser. Ils nous ont mis en horaire de 12 heures, de 8h à 20h, c’était du non-stop. 29 membres du personnel, dont moi, ont été contaminés, et une dizaine de résidents. La direction nous a soumis à deux tests de dépistage d’une valeur de 204 francs chacun qu’ils nous demandent aujourd’hui de payer. Pour moi, il s’agit d’un accident de travail, et je ne suis pas d’accord de payer. Les résidents ont dû être isolés dans leur chambre, du coup la charge de travail était double pour nous, notamment pour les repas, qui se prennent d’habitude en collectivité, mais aussi tout l’équipement qu’il faut mettre avant de rentrer dans la chambre. On s’est retrouvés certains matins à quatre au lieu de dix pour tout gérer, car des collègues avaient été testés positifs au Covid-19 la veille et ils n’ont pas pu être remplacés. On ne sait plus où donner de la tête, et on ne peut pas rester plus longuement avec les résidents, car on n’a juste pas le temps! La direction a décidé de nous accorder une prime, de manière complètement aléatoire, de 150 à 750 francs. Pour moi, la gestion du Covid-19, c’était la goutte de trop, et j’ai décidé de partir, je n’en pouvais plus.»
*Prénom d’emprunt.
L’enquête en chiffres
• Près de 90% du personnel soignant travaille souvent dans l’urgence.
• Près de 53% des soignants effectuent souvent des heures supplémentaires qu’ils ne peuvent pas enregistrer.
• 92% des soignants ont indiqué que la qualité des soins pâtissait du manque de personnel et des pressions sur les coûts.
• Pour 67% des soignants, il reste peu de temps pour les loisirs et la famille à côté du travail.
• 81% des personnes interrogées ont indiqué ne plus parvenir à remplir leurs obligations sociales et familiales à cause des fréquents changements des plannings.
• 70% des personnes interrogées ont indiqué qu’on attendait d’elles d’être joignables et disponibles sur appel pour des missions de travail pendant leur temps libre.
• Près de 80% des personnes interrogées jugent leur salaire trop faible.
• 27% des personnes interrogées ont un revenu mensuel brut situé entre 3000 et 3999 francs. 38% sont dans la fourchette de 4000 à 4999 francs. Seuls 20% des sondés, principalement du personnel soignant diplômé engagé à un taux élevé, gagnent plus de 5000 francs. Les sondés restants gagnent moins de 3000 francs en raison de leurs faibles taux d’occupation.
• 87% ont fait état d’effectifs insuffisants.
• 86% des soignants se sentent souvent fatigués, voire épuisés.
• 55% des moins de 30 ans ont dit ne pas pouvoir ou ne pas souhaiter y travailler jusqu’à la retraite.
• 28% des personnes interrogées ont indiqué avoir une ou plusieurs fois été en arrêt maladie pendant un mois ou plus pour des raisons inhérentes à leur activité professionnelle.