Le post-confinement à l’heure du traçage numérique
La loi sur l’application de traçage sera débattue au Parlement début juin. Entre avantages sanitaires et risques de dérives, des garde-fous sont nécessaires
«Une application de traçage de proximité constitue une technologie risquée. Tout dépend de l’utilisation qui en est faite: elle peut nous mener tout droit à un système de surveillance cauchemardesque digne d’un Etat totalitaire, ou rendre de précieux services pour lutter contre la pandémie, dans le respect de la sphère privée et de la protection des données.» C’est par ces mots qu’Amnesty International, la Société Numérique et la Fondation pour la protection des consommateurs mettent en garde contre les dérives possibles des technologies de traçage. Dans le cadre de la mise en œuvre de l’application Covid-19, baptisée SwissCovid, ces organisations estiment que l’ordonnance du Conseil fédéral sur l’essai pilote instaure des garanties, mais soulève aussi des risques.
Le caractère volontaire de l’installation et de l’utilisation est salué; ainsi que le système d’anonymisation et de décentralisation des données qui devrait permettre la protection des utilisateurs. Comme l’indique le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) dans un communiqué, l’utilisation «n'exploitera aucune information de localisation des utilisateurs et toutes les données seront systématiquement supprimées après 21 jours».
L’application est développée par les Ecoles polytechniques de Lausanne et de Zurich, et s’appuie sur la technologie Bluetooth afin de détecter si un contact rapproché a eu lieu avec une personne testée positive au Covid-19 (moins de deux mètres de distance pendant au moins 15 minutes).
Garde-fous nécessaires
Toutefois Amnesty International, la Société Numérique et la Fondation pour la protection des consommateurs critiquent l’ordonnance à divers niveaux. «Pour être pleinement efficace et proportionnée au but visé, l’application doit être associée à d’autres mesures opportunes», estiment les organisations, notamment la possibilité de se faire tester et l’établissement d’un certificat de quarantaine. Car, pour l’heure, les personnes potentiellement infectées, informées par l’application, ne pourront se faire tester qu’en cas de symptômes. Face à ces lacunes, les organisations estiment que, «si l’application se révélait moins utile que prévu pour identifier les contaminations, il conviendrait de mettre fin à l’expérimentation. Une évaluation doit donc être prévue dans la loi.»
Autre écueil: si la Confédération invite chaque personne alertée à se soumettre à une «quarantaine volontaire», avec ou sans symptôme, aucun droit au versement du salaire n’est prévu dans ce cas. «Celui-ci n’est garanti que si l’isolation est justifiée par certificat médical», dénoncent les organisations. Celles-ci mettent en garde aussi contre de potentielles dérives: «Les personnes qui renoncent à installer l’application ou qui ne possèdent pas de téléphone compatible ne doivent pas être désavantagées.» Que ce soit dans l’accès à des prestations publiques ou privées, ou face à leurs employeurs. D’où l’importance de dispositions légales de protection.
Le 20 mai, le Conseil fédéral a adopté la base légale réglementant son exploitation à l’issue de la phase de test, afin que le Parlement puisse en débattre et se prononcer lors de la session de juin. Si l’application de traçage SwissCovid est acceptée par les Chambres fédérales, elle pourrait être mise en service avant la fin du mois juin.