Du «5000 morts! Et après?» du président brésilien au «Des milliers de morts ne doivent pas être un obstacle à la relance de l’économie et des affaires» d’un sénateur américain, en passant par «une vague, deux vagues, trois vagues... On donne des masques à tout le monde et tout le monde au travail, finissons ce confinement» de l’UDC (alémanique). Ou: «En Suisse, des milliards de francs s’envolent pour qu’il y ait quelques centaines de morts en moins», de Samih Sawiris, promoteur. On voit que la vision de notre avenir proche, pour les milieux de la finance n’a rien, mais rien à voir avec l’autre vision, celle d’un nouveau monde, sans course au profit. Un monde de partage, un monde écologique, respectueux de notre environnement.
C’est vrai que ce serait magnifique, alors que nous fêtions les 130 ans du 1er Mai, de pouvoir cette année imposer enfin la journée de travail de 8 heures avec les mêmes avantages et conditions salariales. Répartir le même volume de travail entre plus de personnes. On y gagnerait en productivité.
Mais restons les pieds sur terre, actuellement la seule ambition, c’est d’avoir du travail et de pouvoir en vivre, de payer ses dettes ou les crédits contractés, fléau moderne avec la perte d’identité de l’argent. On peut dès le premier franc payer par carte, smartphone ou autres bidules connectés.
En face, on le sait.
On n’a plus affaire à des patrons, dans le sens ancien, mais à des actionnaires et des directeurs assis sur un siège éjectable.
L’argent n’a pas d’odeur, dit-on! Il n’a pas de visage non plus. Il n’a pas de patrie non plus. Il corrompt tout, il achète tout, même les politiques, les juges. Rien ne sert de citer des noms à la vindicte populaire. Les prédateurs qui tirent les ficelles, comme le dit Jean Ziegler dans son livre Les nouveaux maîtres du monde, sont des anonymes avec des gouvernements parfois complices par intérêt politique.
On est le peuple. On est la masse. Cela valait avant. Mais maintenant, on a tout mondialisé. «Tu ne veux pas faire ce travail? Mais, mon ami, il y aura des centaines d’autres qui le feront.» N’allons pas chercher trop loin. En Suisse, le pays le plus riche du monde, on a des sans-papiers, des travailleurs au noir que l’on exploite, des saisonniers pour les cultures avec des bas salaires. La précarité existe chez nous, il y en a qui travaillent à des tarifs pour lesquels beaucoup d’entre nous ne travailleraient pas. Mais peut-être devrons-nous le faire si le chômage s’aggrave, perdure, que la récession menace. Beaucoup de salariés choisiront alors entre «ça ou rien». (...)
En face, on le sait.
L’Histoire nous a montré que, les révolutions, ce ne sont pas ceux qui les font qui gagnent, mais leurs instigateurs. On ne fait que changer de maîtres. En face, on le sait. Le syndicat Unia, tout comme les autres, joue son existence. Il faut jouer fin, sur deux tableaux, savoir jusqu’où on peut aller. Il y aura deux fronts, le capital et les ouvriers qui auront choisi le «ça» et qui ne voudront pas le perdre.
Dans mon existence professionnelle et syndicale, j’ai vu et vécu bien des crises. Mais celle-là est exceptionnelle. Retraité, j’ai encore de la chance, on a un acquis.
Marcel Däpp, Lausanne