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Un ovni radiophonique militant

Les cocréateurs de la webradio, Salomé Okoekpen, Sébastien Dupuis et Carl Ahnebrink dans les locaux de Loose Antenna.
© Olivier Vogelsang

A Lausanne, dans un local provisoire du quartier sous-gare, Salomé Okoekpen, Sébastien Dupuis et Carl Ahnebrink cocréent, avec d’autres, la webradio alternative Loose Antenna.

Depuis juin, une nouvelle webradio, baptisée Loose Antenna, propose des voix engagées. Rencontre

A deux pas de la gare de Lausanne, jeudi en fin d’après-midi, de la musique s’échappe de fenêtres grandes ouvertes, détournant les oreilles des passants. Un signe de la main et des sourires nous invitent à entrer dans la webradio ayant pignon sur rue: bienvenue à Loose Antenna, bulle de sons ouverte, chaleureuse, expérimentale et créative.

Trois soirs par semaine, du jeudi au samedi, débats, chroniques et concerts sont au programme. Résolument militante, Loose Antenna s’engage à laisser «la place aux voix des personnes minorisées, alterisées et/ou marginalisées».

Ce soir-là, au rez-de-chaussée de l’immeuble voué à la démolition et géré par l’Association pour le logement des jeunes en formation (ALJF), Dj ZemZem s’installe au micro et balance avec enthousiasme ses morceaux.

Un lieu de rencontres

Autour d’une petite table, d’un bol de chips et de tasses de café, Salomé Okoekpen, Carl Ahnebrink et Sébastien Dupuis ont la difficile tâche de représenter la quinzaine de cofondateurs de Loose Antenna. «L’idée était de créer un trait d’union entre le monde associatif régional et les différentes scènes musicales», explique Carl Ahnebrink. «La musique ayant aussi une dimension politique essentielle», ajoute Sébastien Dupuis. «Différents collectifs et individus peuvent venir s’exprimer que ce soit sur le climat, le féminisme, l’antiracisme, la précarité sociale, renchérit Salomé Okoekpen. Cet espace est aussi un lieu de rencontres, dans l’idée de luttes intersectionnelles. Plus la communauté s’agrandit, plus celle de l’écoute aussi. Ça se partage, se propage…»

Les premières graines de Loose Antenna germent en automne 2019 déjà. Un groupe d’amis – issus essentiellement des milieux artistiques, académiques et militants – veut donner la parole à ceux qui ne l’ont pas et écouter de la musique autre que celles émises sur les ondes mainstream (traditionnelles). Son nom signifie littéralement «l’antenne ample». «Un média flottant, souple, aux larges mailles qu’on tricote, explique Carl Ahnebrink. Un nom qui peut évoquer une forme d’utopie, une ville fictive…» Et dont les sonorités font écho à Lausanne.

Les premières diffusions datent de juin avec, lors de l’inauguration, un débat passionnant sur les rôles et les enjeux des webradios participatives. Au micro: Radio Django (créée il y a quelques années déjà), Reïdyo (fondée récemment à Nyon) et Radio 40 (née du confinement d’artistes de la région lausannoise). Signe manifeste que les webradios alternatives ont le vent en poupe dans le canton de Vaud, et ailleurs. «Nous avons beaucoup à apprendre des autres. Et à l’avenir, des collaborations sont possibles», estime Sébastien Dupuis.

Une mosaïque

Des collectifs y tiennent déjà des chroniques régulièrement: la Grève du climat, Extinction Rebellion, l’Espace Saint-Martin ou encore les collectifs suisses et colombiens «Le Mana» et «Komunidá Kumbé» qui lient arts et luttes politiques, en français et en espagnol.

Portraits de femmes, reportage sur l’écoféminisme et la mobilisation du 14 juin, débats sur la violence policière et le racisme, mythes liés aux déesses, périple cosmique, témoignages sur les troubles alimentaires, entre autres sujets, tissent un patchwork riche et engagé toujours prêt à s’étoffer. Des diasporas – syriennes et érythréennes notamment – ont déjà pris contact dans l’idée de créer leurs propres émissions. Des libraires, des disquaires et des programmateurs de cinémas pourraient, dans un avenir proche, également proposer des chroniques.

Sans contrainte de forme, les émissions peuvent durer de 2 minutes à 5 heures, voire davantage. «On appartient à une génération post-facebook de tweets où tout est très rapide et court. On a envie de s’exprimer différemment, de retrouver la dimension humaine de la voix. Dans les médias traditionnels, il manque souvent d’espace pour aller dans les profondeurs, dans le débat d’idées. Il s’agit aussi d’échapper à la logique de promotion», souligne Carl Ahnebrink.

La liberté et la participation sont les leitmotivs de Loose Antenna. Le manifeste de la radio pose un cadre nécessaire, avec des mots clés: inclusivité; diversité et acceptation; espace bienveillant, accueillant et sécurisant; enthousiasme; dynamique communautaire, réflexivité et autocritique… Autant de valeurs défendues par le collectif attaché également à la transparence et à l’expérimentation. L’aventure est donc radiophonique autant qu’humaine.

La radio en live et toutes ses archives sur: Looseantenna.fm

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