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DPD: Unia se battra aussi longtemps qu’il le faudra

Action d'Unia devant le dépôt de Bussigny en février 2021.
© Thierry Porchet

En février dernier, Unia dénonçait, preuves à l’appui, des conditions de travail misérables et des horaires exténuants au sein de l’entreprise DPD et de ses sous-traitants dans toute la Suisse. Une semaine après une action devant le dépôt de Bussigny (photo), le syndicat est même monté à Paris pour exiger des négociations avec l’entreprise, qui refuse toujours d’entrer en matière.

Si des améliorations des conditions de travail sont constatées, l’ouverture d’un dialogue ne semble pas encore à l’ordre du jour de la direction de la multinationale

Sur le front de DPD, des changements significatifs sont enregistrés. «Beaucoup de nos membres ont pu constater des améliorations. Dans nombre de dépôts, les horaires ont été réduits, le temps de travail a commencé à être enregistré et les heures supplémentaires à être partiellement payées. Les chauffeurs sont très satisfaits des actions entreprises par le syndicat», explique Roman Künzler, responsable de la branche logistique d’Unia. «Il faut dire que l’on partait d’un niveau assez bas, avec de graves violations de la Loi sur le travail.»

En février dernier, le syndicat avait dénoncé publiquement les conditions de travail déplorables au sein de cette filiale de La Poste française devenue le numéro deux de la livraison en Suisse. La multinationale dispose de onze dépôts dans notre pays, mais ne distribue toutefois pas elle-même les colis, elle s’appuie pour cela sur quelque 80 sous-traitants, des sociétés à responsabilité limitée employant 800 chauffeurs-livreurs.

«La majorité des problèmes persistent, nuance Roman Künzler; et, si des mesures internes ont été prises, c’est aussi pour se préparer à des inspections du travail. Il nous a été rapporté à plusieurs reprises qu’on essayait de faire signer de faux documents concernant les salaires et les heures effectuées. Il semble que DPD ait donné la directive de mettre en ordre ces heures supplémentaires sans les payer. Pour qui connaît la situation, c’est un peu ridicule de vouloir faire croire que les chauffeurs ne travaillaient que huit heures et demie par jour.»

«On serre les dents»

Les journées de dix heures et plus, Ricardo* les connaît bien. Ce livreur employé par un sous-traitant de DPD en Suisse romande se lève vers 4h15, il prend son service à 5h30 ou 6h et travaille entre neuf et dix heures par jour. «Mon patron m’a changé les tournées, je rentre maintenant à 16h30, avant c’était 18h tous les jours.» Pour la plupart de ses collègues, c’est encore le cas, alors il se considère plutôt comme chanceux, même si ses tournées restent encore trop longues. «Aujourd’hui, je suis parti avec 105 clients à livrer, demain, ça sera entre 120 et 130, c’est beaucoup trop. Avec 80 à 90 clients, on arrive à faire la tournée en neuf heures, si on dépasse, on n’est plus payé.» Quelle que soit la durée de la tournée, le tarif est donc le même. Du coup, les chauffeurs ne s’arrêtent pas à midi. «On essaie de finir le plus tôt possible pour rentrer à la maison. Je grignote un petit sandwich durant le trajet d’un client à l’autre. Ce n’est que le soir que je mange convenablement.»

«C’est un travail très stressant et fatiguant. On serre les dents, on a une famille et on doit manger.» Ce père de deux enfants livre des paquets pour DPD depuis quatre ans. «Je n’avais pas de boulot et pas de formation, juste un permis de conduire.» Il raconte avoir travaillé «comme un esclave» l’année passée. Aucune prime ne lui a été versée et, là encore, les heures supplémentaires n’ont pas été réglées. «J’ai entendu dire que le groupe DPD a réalisé onze milliards de chiffre d’affaires l’année dernière. Nous, on se donne à fond, on bosse comme des malades et, à la fin de l’année, on n’a rien du tout. Il faudrait au moins que nous ayons un treizième salaire et que les heures supplémentaires soient payées.»

Bas salaires et rythmes acharnés

«Les salaires des livreurs varient selon les sous-traitants. Le plus bas que nous ayons trouvé se montait à 2850 francs et le plus élevé à 4400 francs. En majorité, ils gagnent entre 3800 à 4200 francs brut, détaille Roman Künzler. Il n’y a pas de treizième salaire. La semaine de travail contractuelle est de 44 heures, mais ils travaillent, comme on le sait, beaucoup plus. Du coup, le salaire horaire est en moyenne de 18 à 22 francs l’heure. Avec les journées énormes pendant la pandémie, le salaire réel avoisinait les 15 francs l’heure. Dans les dépôts, les logisticiens se trouvent aussi dans une grande précarité. Ce sont pratiquement tous des temporaires payés au salaire minimum. Ils travaillent à un rythme acharné, sont victimes de blessures et d’accidents, et sont en permanence menacés d’un licenciement.»

«DPD n’assume toujours aucune de ses responsabilités, souligne le responsable de branche. La firme refuse de parler à Unia et mène encore sa campagne antisyndicale dans l’entreprise. Nous avons fait authentifier notre représentativité chez un notaire, mais la direction fait tout pour ne pas nous rencontrer, prétendant que nous n’avons rien de concret à leur reprocher, ce qui est absurde. DPD refuse, en outre, de livrer aux inspecteurs du travail les données de son système d’exploitation Predict. Nous devons donc continuer à faire pression avec les travailleurs sur le terrain et publiquement.»

Le nombre de syndiqués augmente

«Depuis six mois, le nombre de syndiqués Unia chez DPD a augmenté régulièrement, se félicite le syndicaliste. Nous disposons de six collectifs locaux, dont trois dans les dépôts romands de Bussigny, Meyrin et Saillon, ainsi que d’un comité national. Nous organisons régulièrement des assemblées, en dehors des heures de travail et loin des dépôts en raison de la répression antisyndicale, et avons tenu des dizaines de réunions du comité national depuis le début de l’année. La participation des salariés est très bonne. A chaque fois que nous nous présentons devant les dépôts, par contre, DPD n’hésite pas à nous forcer physiquement à quitter le terrain et à appeler la police. C’est le signe d’une entreprise qui a peur et des choses à cacher.»

Et Roman Künzler de conclure: «Vu l’attitude de DPD, le conflit est malheureusement loin d’être terminé, mais nous sommes prêts à le mener aussi longtemps qu’il le faudra. Il s’agit d’un conflit social important dans notre pays, qui dépasse les seules revendications des chauffeurs, pose la question du marché postal et d’un modèle d’affaires, qui se singularise par l’utilisation à outrance de sous-traitants n’ayant d’autre choix que d’exploiter les travailleurs.»

De son côté, Ricardo attend que des solutions soient trouvées: «J’espère qu’avec Unia, les choses vont changer et que DPD respectera la loi.»


*Prénom d’emprunt.

PostCom se réveille

Sur le plan politique, les lignes bougent aussi. Au Conseil national, Pierre-Yves Maillard a déposé en mars une interpellation dans laquelle il questionnait notamment le rôle joué par la Commission fédérale de la poste (PostCom) dans cette affaire. Chargée de la surveillance du marché postal, celle-ci s’est réveillée en annonçant le 17 mai vouloir renforcer le contrôle des prestataires sous-traitant leurs services. Une mesure de surveillance a d’ailleurs été prononcée à l’égard de l’un d’eux. PostCom explique avoir «reçu des informations et des documents indiquant des infractions». Le nom du prestataire n’est pas mentionné, mais tout indique qu’il s’agit de DPD. «PostCom a réagi à nos demandes en reconnaissant l’existence d’un problème et la nécessité d’entreprendre des actions», commente Roman Künzler.

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