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«Pour de bons soins, il faut des mains!»

ASSC durant une manifestation.
© Thierry Porchet

En octobre 2020 (photo), comme au même moment cette année, le personnel soignant a manifesté sa colère à Berne. Les assistantes en soins et santé communautaire (ASSC) étaient aux côtés des infirmières pour exiger l’amélioration de leurs conditions de travail et des effectifs suffisants.

La conférence de branche des soins et de l’accompagnement d’Unia a révélé des personnes déterminées à construire un mouvement fort et à se mobiliser pour de meilleures conditions de travail

Le 30 novembre dernier s’est tenue à Berne la conférence de branche nationale des soins et de l’accompagnement d’Unia, à laquelle une quarantaine de déléguées et de délégués très impliqués ont participé. Un succès, d’après le coresponsable du secteur, Enrico Borelli: «Nous avons vécu une journée intéressante et très émouvante avec beaucoup d’interventions sur les conditions de travail de nos militantes. Il y a une volonté parmi les soignants de s’engager afin de faire bouger les lignes. On a ressenti une fierté des personnes présentes d’être partie prenante de ce processus de construction syndicale.»

C’est ainsi qu’un comité national de soins a été élu, composé de seize membres issus de neuf régions et représentant les trois langues. «Le but est de renforcer les structures démocratiques de base du syndicat, explique le syndicaliste. Ces personnes se rencontreront régulièrement et auront leur mot à dire aussi bien au niveau stratégique que lors des campagnes.»

Mobilisations futures

Sur le fond, les militantes et les quelques délégués hommes présents se sont réjouis de la récente victoire de l’initiative sur les soins et réclament, dans une résolution, sa mise en œuvre rapide «dans l’intérêt du personnel et pour assurer des soins de qualité». Un processus qui sera suivi de très près, promet Enrico Borelli. Les soignants ont par ailleurs rejeté le relèvement de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans, une proposition jugée inacceptable et vue comme «un coup de poignard dans le dos des travailleuses», notamment dans ce secteur très féminisé et exposé au temps partiel. Enfin, la conférence a félicité la décision du congrès des femmes de l’USS d’organiser une nouvelle grande grève féministe en juin 2023, et s’engage à y participer activement aux côtés d’Unia.

Manifeste à venir

Il a enfin été décidé de lancer une grande enquête auprès des employés du secteur sur leurs conditions de travail. Le but? Recueillir le ressenti du personnel soignant dans ce domaine mais aussi les défis du secteur et leurs attentes. «Cela nous prendra une grande partie de l’année, souligne Enrico Borelli. De cette enquête sortira un “Manifeste des bons soins” accompagné de revendications claires portées par les salariées et les salariés de la branche.»

Témoignages

«Ça donne envie de continuer à se battre pour que les choses changent» - Amandine Barut-Jutzeler, infirmière en EMS

«C’était ma première conférence et j’ai trouvé l’accueil très chaleureux. Je me suis assez vite rendu compte que la problématique était nationale, ce qui est rassurant d’un côté mais aussi triste. La gestion de la santé est à repenser dans sa globalité en Suisse. Le grand “oui” de la population à l’initiative sur les soins nous prouve qu’on n’est pas seuls: cela nous booste et nous remotive à nous battre. Même chose pour l’élection de ce comité de branche: il y a une belle énergie, on se sent soutenus et compris par Unia et, en tant que délégués, cela nous donne beaucoup d’espoir et d’envie que les choses changent.

Nous le disons depuis des années, à nos supérieurs et à notre entourage: plus les conditions de travail sont précaires, plus la qualité des soins se dégrade. Et si nous inversons la tendance, tout le monde en sortira gagnant: les patients, les soignants, l’économie et la société en général. Mais on nous prend toujours pour des râleurs ou des enfants gâtés...

Un des grands défis sera de faire prendre conscience aux soignants que ce qu’ils font et le rythme auquel ils travaillent n’est ni normal ni acceptable. Et ensuite, il faudra réussir à mobiliser ce corps soignant, qui est d’accord avec nous mais qui est éreinté et découragé en cette période de pandémie.»


«Il est temps de prendre soin des soignants» - Sandrine Raguillet, infirmière à domicile

«J’ai d’abord exercé dans une grande institution genevoise, mais très vite la numérisation et le management sont venus se heurter à mes valeurs de soignante et j’ai perdu le sens de mon travail. On nous demandait d’exécuter et surtout de ne plus réfléchir. J’ai fait un burn-out et j’ai changé d’employeur. J’ai trouvé cette conférence passionnante et enrichissante. Rencontrer tous ces gens est un vrai moteur et on développe un sentiment d’appartenance. On réalise que le problème est collectif, et que le management dans un but de rentabilité a complètement perverti nos métiers, nous fait perdre notre empathie et nous divise. Nous n’avons plus le temps pour nos patients.

L’heure est venue de prendre soin des soignants et qu’ils sortent de l’invisibilité: les soignants ont des droits et doivent les faire appliquer. Ils doivent oser dire non, notamment à certaines tâches administratives qu’on leur impose et qui ne sont pas de leur ressort. Et enfin, les soignants méritent du temps et de meilleures conditions de travail, sans avoir peur de perdre leur emploi.»

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«Dans le domaine hospitalier et dans les soins de longue durée, les cantons vont se désinvestir et reporter les charges sur les caisses maladie. Ainsi, au lieu de favoriser le développement d’un système de santé efficient et de qualité, nous allons au contraire accélérer l’explosion des coûts pour les payeurs de primes, tout en mettant en danger la couverture de base en matière de soins», souligne Véronique Polito, vice-présidente d’Unia, inquiète face à ce report de charge.

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