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Accidents du travail: «Pas une fatalité»

Une maison avec un chantier
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La maison où un ouvrier est décédé au Tessin en tombant du toit.

Six morts en quelques semaines en Suisse. «Trop c'est trop. Le monde du travail doit s'interroger sur la répétition de ces drames», déclare Giangiorgio Gargantini, secrétaire régional d'Unia Tessin.

Série noire sur les chantiers suisses. En quelques semaines, on déplore six morts dans le pays. Outre les trois décès consécutifs à l’effondrement d’un échafaudage à Prilly (VD) mi-juillet – sans oublier plusieurs blessés dans un état grave – il y a aussi eu deux accidents mortels au Tessin et un en Valais. Des drames qui reposent la question de la sécurité au travail.

«Vendredi, je suis passé à Losone (TI), sur le chantier où un ouvrier était mort la veille en fin d'après-midi. L'enseigne de l'entreprise avait été enlevée et les scellés de la police avaient disparu. Rien ne rappelait la tragédie. A la fenêtre de la maison voisine, une femme cuisinait, préparant peut-être le déjeûner pour elle ou ses proches. De l'autre côté, un couple suisse-allemand qui venait d'arriver, sans doute en vacances, déchargeait ses bagages. La froideur de la scène m'a impressionné. Choqué est le mot juste. Je n'ai pu m'empêcher de penser au drame des parents, des connaissances, lorsqu'ils ont appris la nouvelle...» Des scènes de la vie quotidienne se heurtent à la pensée du chagrin des proches d'une vie soudainement disparue.

La justice est saisie

C'est ainsi que Paolo Casellini, syndicaliste d'Unia Tessin, décrit la scène et les sentiments qu'il a ressentis à l'endroit où un homme avait perdu la vie la veille. En ce jeudi maudit de la fin juillet, à la fin de la journée de travail, R. K. a fait une chute de quatre mètres du toit sur lequel il posait des panneaux photovoltaïques, se blessant mortellement. Sa femme et ses deux enfants l'attendaient chez lui, dans un hameau de la commune de Verbania.

Sur la photo prise par le syndicaliste le lendemain, on aperçoit un parapet sur un côté du toit. Il appartiendra à la justice d'établir les causes et les responsabilités de l'accident. La justice devra aussi faire toute la lumière sur le second accident du travail mortel, survenu quelques heures plus tard et quelques kilomètres plus loin. Un jeune forestier de 24 ans a perdu la vie le lendemain matin, en tombant d'une quarantaine de mètres alors qu'il travaillait dans une forêt au-dessus d'Orsino, à Giornico. «Au nom du syndicat, j'exprime toute ma solidarité et ma sympathie aux parents, amis et collègues des deux victimes du travail, souligne d'abord Giangiorgio Gargantini, secrétaire régional d'Unia Tessin et Moesa. Lorsque des personnes perdent la vie en la gagnant, on ressent de la tristesse et de la colère. Ce qui est également inquiétant, c'est la fréquence de ces accidents.»

Le 24 juillet, un jeune apprenti maçon de 18 ans est décédé en Valais, heurté par une pièce qui s’est détachée d’une grue. «Le monde du travail suisse dans son ensemble doit s'interroger sur la récurrence de tels drames. On ne peut pas les considérer comme des fatalités », dénonce le syndicaliste.

Accidents mortels en hausse

La sécurité est-elle en baisse? Les statistiques officielles indiquent une diminution des accidents du travail en général. En revanche, on constate une augmentation des accidents mortels. Un chiffre très grave et inacceptable. Pour le syndicat, il est clair que certains de ces décès sont une conséquence directe des pressions imposées au travail. «Par pressions, nous entendons celles qui s'exercent sur les délais de livraison, sur la nécessité de travailler de plus en plus vite et de plus en plus longtemps. Les conséquences conduisent à ne pas travailler avec la sécurité nécessaire.»

Faire la lumière sur les motivations et les responsabilités est une tâche qui incombe à la justice. «Régulièrement, les enquêtes sur les accidents mortels aboutissent à la désignation des victimes ou de leurs collègues comme coupables. La précipitation à négliger la sécurité semble toujours être un libre choix du travailleur ou de ses collègues, jamais le résultat d'une pression extérieure. Celles exercées par les entreprises ou les clients ne sont jamais évaluées dans le cadre de l'enquête. Alors qu'à l'étranger, il est légalement possible d'enquêter sur les éventuelles responsabilités des clients ou des entreprises, le système juridique suisse semble l'exclure», note M. Gargantini.

La canicule aussi en cause

En plus de l'urgence, le facteur chaleur joue aussi un rôle à cette saison. Où en sommes-nous sur ce front? Au cours des trois dernières semaines, c'est-à-dire depuis l'arrivée des fortes chaleurs, nous avons eu six décès sur le lieu de travail en Suisse. «Cela ne peut pas être un hasard. Le lien entre la canicule et les accidents graves sur le lieu de travail est évident.»

Avec l'arrivée des fortes chaleurs, les autorités invitent à éviter de travailler à l'extérieur. Il est clair que cela accroît les risques pour la santé et atténue la sécurité. Seules quelques conventions collectives prévoient des restrictions au travail en période de canicule. Mais dans la grande majorité des branches professionnelles, il n'y a rien. Il faut donc une législation contraignante qui ne se contente pas de donner des conseils ou des orientations, mais qui protège réellement la santé et la sécurité des personnes, y compris celles des travailleurs.

Les campagnes anti-accidents appellent les salariés à s'abstenir de travailler dans des conditions dangereuses. «C'est un principe partagé par le syndicat. Mais ces campagnes ne sont que théoriques et donc inefficaces, car le problème est que les ouvriers risquent de perdre leur emploi s'ils agissent de la sorte. Actuellement, il n'existe aucune protection juridique pour ceux qui refusent de travailler sans sécurité. La législation est trop faible. C'est pourquoi l'Union Syndicale Suisse (USS) a décidé de lancer une initiative pour une véritable protection contre le licenciement. Dans l’immédiat, c'est la tristesse de la répétition des décès dramatiques au travail qui domine.»


lire notre article: Les délais et la pression sur les coûts trop souvent à l’origine des accidents

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