Une collaboratrice d’Amnesty blanchie par la justice bernoise
L’employée de l’ONG était accusée d’avoir organisé une manifestation illégale alors qu’elle était allée avec cinq personnes déposer une pétition à l’ambassade de Russie.
Question à 300 francs: est-ce que six personnes qui vont remettre une pétition à une ambassade étrangère constituent une manifestation? Les autorités de la Ville de Berne, qui avaient répondu par l'affirmative, ont été désavouées par la justice. Le 15 août, le Tribunal régional de Berne-Mittelland a blanchi une collaboratrice d’Amnesty International Suisse, accusée d’avoir organisé une manifestation sans autorisation. Elle avait écopé pour cela d'une amende de 300 francs.
Le 24 mars 2022, un mois jour pour jour après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, cette directrice de campagne d’Amnesty et cinq de ses collègues se rendent dans le quartier des ambassades, dans la périphérie bernoise. But de l’excursion: remettre à la représentation russe une pétition demandant la fin des hostilités. L’action est coordonnée avec d’autres sections de l’organisation de défense des droits de l’homme dans plusieurs pays.
Le petit groupe porte un drapeau multicolore «Paix» et une petite pancarte avec un message demandant de protéger les civils en Ukraine. Il a aussi un caddie avec les 15 000 paraphes de résidents et résidentes suisses. Le temps de prendre une photo souvenir devant le mur d’enceinte de l’ambassade, et il se dirige vers l’entrée. Mais l’agent de police de faction leur répond qu’il n’est pas possible de remettre la pétition, ni à l’ambassadeur lui-même, ni à qui que ce soit d’autre. En vertu de quelle réglementation? On l’ignore.
Un droit, pas un privilège
Au moment de repartir bredouilles, les six personnes sont interpellées par d'autres policiers arrivés entre-temps, qui relèvent leurs identités. Fin de l'excursion. Il n'y a eu aucun appel à manifester, aucun attroupement. La collaboratrice d'Amnesty affirme sur Republik.ch avoir même informé à l'avance l'ambassade de Russie.
Le juge n’a pas tranché la question de savoir s’il s’agissait ou non d’une manifestation soumise à autorisation, mais a estimé que le peu qu’a fait la directrice de campagne pour réunir quelques personnes ne fait pas d’elle une organisatrice au sens du règlement bernois sur les rassemblements. Il relève aussi qu’il n’y a pas eu de troubles sur le domaine public.
Amnesty International Suisse se félicite de cet acquittement, tout en regrettant que le tribunal n’ait pas saisi l’occasion de se pencher sur l’exigence d’obtenir une autorisation pour manifester à Berne. L’ONG rappelle que selon le droit international, qui garantit la liberté d’expression, c’est un droit et pas un privilège soumis au bon vouloir des autorités, et qu’une simple annonce suffit. Les autorités de la capitale fédérale avaient déjà été épinglées par Amnesty en fin d’année dernière, après avoir interdit pendant plusieurs semaines toute manifestation à caractère politique, à la suite du déclenchement de la guerre à Gaza.