Que faire maintenant avec le 2e pilier?
Après leur victoire dans les urnes, les syndicats veulent de meilleures rentes et un contrôle accru des caisses. Mais dans l’immédiat, la priorité, c’est le financement de la 13e rente AVS.
Le 22 septembre, les urnes ont délivré un message sans appel. Plus de 67% des Suisses et des Suissesses n'ont pas voulu de la réforme de la prévoyance professionnelle, LPP 21. Et maintenant, on fait quoi avec le 2e pilier? Pour la droite, dont une partie de la base électorale a aussi dit non à ce projet, le peuple a choisi le statu quo et plus rien ne bougera avant longtemps.
Pourtant, même si les avis divergent sur la marche à suivre, il y a un point sur lequel tout le monde semble d'accord: la nécessité d’améliorer le niveau de prévoyance des femmes, des temps partiels et des bas salaires. Les grands gagnants du scrutin, les syndicats et la gauche, ne comptent pas renoncer à cet objectif.
Le problème du travail non rémunéré
A l’Union syndicale suisse (USS), on considère que le problème vient avant tout du travail non rémunéré, en particulier des tâches éducatives. «Il faut que le Parlement ait le courage de voir les choses en face, lance Gabriela Medici, première secrétaire adjointe de l’USS, responsable du dossier des assurances sociales. Les tâches éducatives, qui sont en grande partie la cause des lacunes dans la prévoyance professionnelle, ne sont pas que le problème des femmes, mais celui des parents.» L’USS plaide donc pour la mise en place d’un bonus éducatif, tel qu’il existe dans l’AVS. Il serait versé à celui des deux parents qui a le plus réduit son temps de travail pour s’occuper des enfants.
Pour le financer, on pourrait prélever une cotisation salariale sur les hauts revenus. Celle-ci était prévue dans le compromis des partenaires sociaux à la base de LPP 21, afin de compenser en partie la baisse du taux de conversion. Mais la majorité de droite du Parlement ne l’avait pas conservée dans le projet final, ce qui a conduit les syndicats à rejeter la réforme. «L’autre solution serait de faire appel au fonds de garantie du 2e pilier», propose Gabriela Medici. Forts de leur victoire écrasante du 22 septembre, les syndicats veulent aussi remettre sur le tapis d’autres sujets: l’indexation automatique des rentes au renchérissement et le plafonnement des frais administratifs des caisses de pension.
Plus de transparence
«Par son vote, le peuple a clairement remis en cause le business financier autour du 2e pilier. Nous allons donc nous engager énergiquement contre les frais trop élevés des caisses de pension, et pour changer ce système basé sur la concurrence et le courtage.» Gabriela Medici estime que cela peut se faire via des modifications de lois mineures. «Ce qui est primordial aujourd’hui, c’est d’avoir une meilleure gouvernance de la prévoyance professionnelle, et davantage de transparence. Il est exclu de diminuer les prestations s’il n’y a pas un contrôle accru.»
Mais la donne a changé depuis le début des travaux parlementaires sur LPP 21, il y a près de quatre ans. Les taux d'intérêt sont remontés, et il ne semble plus si urgent de réformer le 2e pilier. D’ailleurs, l’Association suisse des institutions de prévoyance (ASIP) demande elle-même une pause législative «radicale», afin de «rétablir la confiance de la population dans le 2e pilier».
Dans l’immédiat, les syndicats et la gauche vont se concentrer sur la question du financement de la 13e rente AVS, leur autre victoire de l’année dans les urnes. «Les discussions vont démarrer sous peu au Parlement, rappelle Gabriela Medici. Maintenant, c'est ça, la priorité. Or, depuis la votation du 3 mars, la droite, mauvaise perdante, soutient qu'il faut augmenter l’âge de la retraite pour financer la 13e rente.»
Nouveaux calculs sur l’AVS
Après son erreur monumentale, l'Office fédéral des assurances sociales vient de rectifier ses calculs: finalement, l'AVS devrait coûter 2,5 milliards de moins que prévu en 2033, et non plus 4 milliards comme annoncé cet été. Mais pour l'USS, l'essentiel n'est pas là. «L’important, c’est que le coût estimé de la 13e rente n’a pas changé (5 milliards en 2033, ndlr), note Gabriela Medici. En revanche, ce qui a changé, c’est qu’en mars, le Conseil fédéral disait vouloir assurer l'intégralité du financement de la 13e rente. Et maintenant, il ne propose qu’une hausse de la TVA de 0,7%. Ce n’est pas suffisant, il faudrait une hausse de 1%.»
Les syndicats préféreraient augmenter les cotisations salariales, car c’est plus équitable sur le plan social qu'une hausse de la TVA. «Le Conseil fédéral et la droite continuent de vouloir baisser les prestations de la prévoyance vieillesse en mettant la pression sur les finances. Mais le peuple a nettement dit deux fois cette année qu’il ne veut pas qu’on diminue les rentes.»