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Ventilogaine SA: 15 travailleurs restent sans le sou

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© Thierry Porchet

La patronne de Ventilogaine SA, l'élue MCG Ana Roch, justifie la mauvaise situation financière de son entreprise par la pandémie de Covid et les impayés de ses clients.

Licenciés, les employés de cette entreprise aux mains d’une élue genevoise n’ont pas touché de salaire depuis deux mois. Unia exige des explications et le paiement des sommes dues.

Fin octobre, l’entreprise genevoise Ventilogaine SA, qui fabrique des gaines de ventilation, procède au licenciement de ses quelque quinze salariés, avec des préavis allant jusqu’à trois mois pour les plus anciens. Ils sont tous sommés de quitter les lieux le 15 novembre. Depuis, ils n’ont pas reçu un centime. Le dernier salaire a été payé fin septembre. C’est ainsi que les travailleurs ont poussé la porte du syndicat Unia. «Nous sommes de nouveau face à un cas compliqué », commente José Sebastiao, responsable du secteur de la construction à Unia Genève, lors d’une conférence de presse le 10 décembre. «Ana Roch, la patronne de Ventilogaine SA, qui est aussi la présidente d’honneur du MCG et députée au Grand Conseil, a abandonné ses travailleurs, dont deux près de la retraite qui voient leur retraité anticipée menacée.» D’après les informations d’Unia, les machines auraient été vendues à une entreprise vaudoise afin de payer les charges sociales. «Les salaires des travailleurs n’ont eux pas été payés, c’est inadmissible ! Et si l’entreprise est déclarée en faillite, il ne restera plus rien vu que les actifs ont été vendus», s’indigne le responsable syndical.

Promesses pas tenues
Des employés de Ventilogaine, dont cinq étaient présents lors du point presse, affirment que certains d’entre eux ont été approchés par la nouvelle entreprise à des fins d’embauche, mais finalement sans succès. «Ils ont d’abord dit qu’ils avaient besoin de dix personnes, puis cinq, et ils se sont finalement ravisés en disant qu’ils ne prendraient personne car ils n’avaient pas les moyens», explique l’un d’entre eux. «Quand on a demandé à Mme Roch qui allait payer nos salaires, elle a répondu que c’était à l’État de s’en charger.»
Faux, répond Unia. La caisse d’insolvabilité ne verse des indemnités qu’en cas de faillite prononcée, ce qui n’est pas le cas ici, et ces dernières ne couvrent que 80% des quatre derniers mois réellement travaillés.
Et quand bien même, en attendant que l’État prenne le relai, ces travailleurs ont des fins de mois à boucler. «Contrairement à Ana Roch, ils n’ont pas d’autres entreprises sur lesquelles se reposer et ils aimeraient passer des fêtes de Noël sereines», commente Joan Gesti Franquesa, secrétaire syndical en charge du dossier à Unia Genève.

Priorité aux travailleurs
Au vu du contexte, Unia a tenté de joindre Mme Roch afin d’avoir des explications et essayer de trouver des solutions, en vain. Présent lors de la conférence de presse, son fils, aussi employé de Ventilogaine SA, était présent. Ce dernier a refusé de s’exprimer sur le dossier, se contentant de filmer la scène.
Partant, Unia exige dans un premier temps le paiement immédiat des salaires dus ainsi qu’un plan social pour accompagner les travailleurs, mais aussi le transfert de ces derniers dans l’entreprise qui reprend l’activité. «Enfin, nous demandons que la responsabilité sociale soit prise au sérieux», poursuit Joan Gesti Franquesa. «Ça ne peut pas être si facile de se déresponsabiliser des travailleurs. » Le syndicaliste fait référence à un rendez-vous qui aurait eu lieu avec le directeur de l’Office cantonal de l’emploi et la conseillère d’État Delphine Bachmann avec pour objectif de retrouver des places de travail aux employés lésés. Du jamais vu selon Unia. «C’est très bien de vouloir les reclasser mais ce n’est pas à l’État de prendre cela en charge, cela relève de sa responsabilité d’employeuse.» Et José Sebastiao de conclure : «Ana Roch aurait du s’assurer que les travailleurs soient repris par la nouvelle entreprise et elle aurait du payer les salaires en priorité. La vente des machines doit leur revenir !»
Nous avons tenté de joindre Ana Roch, sans succès. Cette dernière renvoie à son avocat, Me Yama Sangin, qui a déclaré dans les colonnes de nos confrères du Courrier et de la Tribune de Genève que la situation financière de Ventilogaine SA est aujourd’hui «obérée en raison de la pandémie ainsi que de la faillite de clients». Une procédure de faillite devrait débuter sous peu après que le bilan ait été déposé. «Lorsque la faillite sera prononcée, il est évident que l’Office des faillites se substituera et paiera les créanciers selon l’ordre de priorité prévu par la loi », assure l’avocat, qui ajoute par ailleurs que si Ana Roch a convoqué cette réunion au sommet de l’État c’est parce qu’elle est « très sensible à cette situation» et qu’elle met «tout en œuvre afin que les employés soient indemnisés le plus rapidement possible».

« On est dégoûtés ! »

Ils sont soudeurs, chauffeurs, tôliers ou encore secrétaire. Les cinq travailleurs présents lors de la conférence de presse sont encore sonnés. «On savait que ça n’allait pas fort, que les chiffres étaient moins bons depuis le Covid, que certains clients ne nous payaient pas, mais on ne s’attendait pas à être traités comme ça », témoigne Zana, qui est chez Ventilogaine depuis son CFC. « On galère, car on n’a pas reçu un franc depuis fin septembre et comme on est encore en préavis, on ne peut pas s’inscrire au chômage. C’est vraiment dégueulasse. Je suis jeune, j’ai pas d’économies et peu d’expérience donc c’est difficile de rebondir. J’espère que la situation va vite se débloquer, qu’on puisse reprendre une vie normale. »

Les employés sont dans l’incompréhension. « On ne sait pas ce qu’il se passe, personne ne nous a expliqué », dit Hervé, 32 ans de boîte au compteur. « On est dégoûtés. L’un de nos collègues n’a plus rien pour vivre, il a du emprunter de l’argent. J’ai cotisé pour la retraite anticipée, mais je risque de la perdre car il faut dix années pleines et j’en suis à sept… J’y étais pourtant vraiment bien dans cette entreprise, on était au top ! »

Les autres s’inquiètent pour leur avenir. «Peu d’entreprises sont actives dans ce domaine, cela va être difficile de retrouver du travail », constate l’un d’eux, dépité.

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