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Genève Aéroport: une employée est reconnue victime de harcèlement

Genève Aéroport est condamné à verser 100000 francs d’indemnisation à une employée pour licenciement abusif à la suite de sa plainte pour harcèlement sexuel et psychologique.

Fait rare, une salariée licenciée a eu raison de son employeur. Et pas n’importe lequel. Genève Aéroport est en effet condamné par la commission de recours interne à l’entreprise à l’indemniser à hauteur de 12 mois de salaire ainsi que de ses frais d’avocate. Soit un montant de 100000 francs. Les juges viennent de rendre leur verdict, une année après avoir entendu Lisa*. La commission estime son licenciement injustifié, et admet de surcroît formellement l’existence d’un harcèlement sexuel et psychologique. La décision pourrait encore faire l’objet d’un recours, car Genève Aéroport se défend dans la Tribune de Genève, en rappelant l’existence d’un dispositif complet au sein de l’entreprise pour lutter contre toute forme de harcèlement et de discrimination. Pour Me Laïla Batou, l’avocate de Lisa, «cette décision constitue une première réparation symbolique et un premier désaveu». «Plus généralement, des décisions de ce type contraindront les employeurs à cesser de fermer les yeux sur les mécanismes de harcèlement», se réjouit l’avocate. 

Elle souligne l’importance dans cette procédure du soutien des syndicats (le SSP et Unia) et du deuxième Observatoire, association spécialisée dans les discriminations fondées sur le genre et le harcèlement au travail. «Sans ces organisations, l’accès à la justice aurait été quasi impossible pour Lisa», estime-t-elle.

Climat délétère

L’histoire est longue et remonte à l’engagement de Lisa en 2007. A en croire le récit de Me Batou, les états de service de l’employée ont toujours été très bons, malgré une ambiance de travail pesante. «La cohésion d’équipe reposait essentiellement sur l’omniprésence d’allusions sexuelles et de plaisanteries racistes ou sexistes», explique-t-elle. Les personnes, dont Lisa, qui ne participaient pas, étaient peu à peu marginalisées, voire critiquées dans leur travail. «En tant que femme, d’origine africaine, musulmane de confession et d’un naturel pudique et réservé, Lisa a enduré pendant quinze ans ce climat délétère», souligne son avocate. Par ailleurs, elle était mère célibataire, une catégorie qui essuyait aussi des remarques sexistes et dégradantes. 

En 2017, Lisa se plaint auprès de son employeur «d’un manque de considération, de respect et d’impartialité de la part de sa hiérarchie». Rien ne bouge. Deux ans plus tard, elle en appelle au service des ressources humaines, mais «aucun espace sécure et confidentiel ne lui est proposé», précise Me Batou. L’absence de prévention, puis de protection, pèse sur sa santé. Début 2020, son médecin la met en arrêt maladie. Lorsqu’elle revient au travail, elle est soutenue par le deuxième Observatoire et le SSP. Une enquête interne est demandée. «Or, l’enquête menée par Renate Pfister-Liechti, ancienne juge à la Cour de justice, conclut à l’inexistence d’une atteinte à la personnalité de Lisa sous la forme de harcèlement psychologique ou sexuel, explique Me Batou. De surcroît, Lisa est licenciée pour avoir supposément dénoncé indûment ses collègues.» Quand elle veut faire recours, son assurance de protection juridique refuse de prendre en charge la procédure qu’elle estime n’avoir aucune chance de succès. «A cet égard, le dossier illustre de façon criante la difficulté pour une victime de harcèlement au travail, qu’il soit sexuel ou psychologique, d’accéder à une reconnaissance formelle de son vécu. La mécanique du harcèlement et sa définition jurisprudentielle sont encore trop mal connues, y compris par les milieux intéressés, pour permettre une lutte efficace contre ce phénomène qui affecte de nombreux employés. Même au sein d’un établissement de droit public, dont on est en droit d’attendre une certaine exemplarité», critique Me Batou.

Finalement, la commission de recours de Genève Aéroport désavoue l’enquête interne, constatant des irrégularités, un manque d’égards et d’impartialité. Elle reconnaît également le harcèlement sexuel dont a été victime Lisa.

 

* Prénom d’emprunt.

De la définition du harcèlement

Me Batou tient également à mettre en lumière la jurisprudence trop peu connue. Selon un arrêt du Tribunal fédéral (TF), le harcèlement sexuel inclut «tous les comportements importuns fondés sur le sexe, soit également ceux qui contribuent à rendre le climat de travail hostile, par exemple les plaisanteries déplacées, les remarques sexistes et les commentaires grossiers ou embarrassants. La diffusion de courriels contenant des caricatures ou des plaisanteries sexistes tombe aussi sous le coup de l'article 4 de la Loi fédérale sur l’égalité (LEg).»

Le harcèlement psychologique, moral ou mobbing, est défini par le TF comme «un enchaînement de propos et/ou d’agissements hostiles, répétés fréquemment pendant une période assez longue, par lesquels un ou plusieurs individus cherchent à isoler ou à marginaliser, voire exclure, une personne sur son lieu de travail». Le TF précise encore que «la victime est souvent placée dans une situation où chaque acte pris individuellement, auquel un témoin a pu assister, peut éventuellement être considéré comme supportable alors que l’ensemble des agissements constitue une déstabilisation de la personnalité, poussée jusqu’à l’élimination professionnelle de la personne visée». 

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