Le plein de vitamines
Illustrateur et vigneron Stéphane Monnier réalise des minibandes dessinées pour différents journaux
Pas de manière frontale
Epluchant chaque matin les médias, Stéphane Monnier traque le sujet qu'il va pouvoir exploiter en raison de son potentiel comique. Mais pas seulement, le dessin de presse servant aussi à réagir à des événements tragiques d'une manière décalée. En faisant passer des messages. «Il s'agit d'être réactif. Et ironique. Mais, depuis la tuerie de Charlie Hebdo, le travail s'avère plus difficile. On fait davantage attention à ne pas heurter certaines sensibilités. On se censure, sachant aussi que le journal refusera certains dessins. On continue à se moquer de certaines choses mais pas de manière frontale», relève le dessinateur estimant pour sa part qu'on ne peut pas rire de tout. Où place-t-il la limite? «Sur les thèmes qui ne m'amusent définitivement pas comme, par exemple, les affaires de pédophilie», précise cet homme marié et père de quatre filles âgées de 15 à 27 ans. «Ce sont mes critiques les plus féroces!», s'exclame-t-il et alors même qu'il ne s'arrête jamais à la première idée, la jugeant trop souvent basique. Et admettant parfois être insatisfait du résultat même après de longues cogitations. «Il m'arrive de chercher jusqu'à la dernière minute le bon sujet et de ne rien trouver de vraiment pertinent. C'est pas tous les jours Byzance», soupire Stéphane Monnier qui se ressource néanmoins dans cette passion. «En dessinant, j'ai le sentiment d'être totalement moi. Je me décontracte.»
Vigneron par défaut
L'homme n'en demeure pas moins vigneron. Un métier qu'il exerce depuis l'âge de 21 ans, le dessinateur architecte de formation n'ayant pas trouvé de travail dans son domaine. «A l'obtention de mon CFC, il y avait la crise pétrolière. Sans boulot, j'ai décidé de reprendre le domaine de mon grand-père et suivi des cours de vigneron et d'œnologue.» Une activité qui suscitera quand même son intérêt.... du moins de par son décor. «Mon lieu de travail est superbe. J'aime le Lavaux», affirme Stéphane Monnier qui n'a pas craint de soutenir ouvertement l'initiative Weber, source de discussions pour le moins nourries mais jamais, affirme-t-il, agressives. Et cet homme à la fibre écologiste de confier, moitié sérieux, moitié plaisantant, ne pas aimer son job et détester les vendanges, «source de stress»,... quand bien même elles se présentent cette année sous d'excellents auspices. «Avec le temps, c'est une profession répétitive et lassante. Bon, d'accord, on a eu la grêle l'an passé et toute la récolte ou presque d'une année de labeur anéantie et, aujourd'hui, les méfaits du fongicide de Bayer... On ne s'ennuie pas complètement», ironise l'amical Vaudois qui, en 2005, a abandonné sa tâche d'encaveur. Histoire de pouvoir consacrer davantage de temps à sa passion et peu attiré par le volet commercial de son travail.
Entre pessimisme et «déconnées»
«J'ai depuis plus de liberté», relève l'illustrateur au caractère enjoué, mais aussi pessimiste. Des traits qu'il dit avoir hérités de sa mère. «Mais il y a quand même vraiment matière à s'inquiéter avec la dégradation sociale, des conditions de travail toujours plus difficiles, des patrons qui peuvent tout ou presque exiger de leurs ouvriers...» Pas de quoi néanmoins déprimer cet homme ayant fait de l'humour son atout, capable de rire de lui-même et indifférent à l'idée de passer aux yeux de certains pour un «gros rigolo» - à ce propos, il estime qu'il devrait d'ailleurs faire davantage de sport... «Avec le temps, on est toutefois moins sensible à l'image qu'on donne aux autres. Ça m'est égal qu'on me prenne au sérieux ou non», déclare ce bon vivant, amateur de bonne chère et de bons vins... «Et pas seulement les miens», sourit Stéphane Monnier poursuivant sur sa lancée comique. «Ma devise dans l'existence? Inatteignable pendant l'Eurovision», s'esclaffe-t-il, déconnant volontiers. Quant à la chose qui lui fait peur dans l'existence, il répond très sérieusement «le vide» avant de compléter, dans un grand éclat de rire, «mais surtout celui des bouteilles»... Heureusement, il lui reste, le cas échéant, un réservoir inépuisable de vitamines B12.
Sonya Mermoud