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Le prix du bon marché

Vendredi noir en perspective sur le front social et de l’environnement. Ce 24 novembre, nombre d’enseignes participeront au Black Friday annoncé depuis des jours à coup de matraquages publicitaires. Cette désastreuse opération commerciale, organisée le dernier vendredi de novembre, se traduit par un consumérisme débridé. Une fièvre acheteuse attisée à grands renforts de soldes extraordinaires. De prétendues bonnes affaires qui englobent bien souvent des produits de piètre qualité ou des promotions qui n’en sont pas, les coûts ayant été artificiellement gonflés au préalable. Les distributeurs peuvent aussi compter sur une surconsommation programmée pour s’assurer de confortables marges avec des articles cédés à prix cassés. Véritables économies ou non, la démarche pèse en revanche de tout son poids sur le climat et le personnel, d’un bout à l’autre de la chaîne. D’abord dans des usines lointaines où des petites mains ont travaillé à flux tendu, le plus souvent pour des salaires de misère, pour coudre ces surplus de vêtements ou assembler les composants d’appareils électroniques ou électroménagers vendus sur nos rayons ou en ligne. Puis ici, avec des employés de la vente ou de la logistique sous pression. Des travailleuses et des travailleurs qui subissent de plein fouet les effets de cette journée drainant une importante clientèle soucieuse de profiter de ce qu’on lui présente comme une aubaine. Et dès lors prête à dépenser pour des produits dont souvent elle n’a pas réellement besoin. Même si des consommateurs aux moyens réduits y trouveront peut-être leur compte.

Le Black Friday exacerbe indubitablement la crise écologique. En dépit des alertes répétées des ONG sur les conséquences désastreuses de la fast fashion, la tendance de la mode éphémère ne cesse de croître. Alors que la durée de vie des fringues à petit prix, elle, diminue d’autant. Avec des vêtements aussi vite achetés, aussi vite jetés et remplacés, générant de surcroît, outre l’empreinte carbone liée à leur production, des montagnes de déchets textiles au recyclage aléatoire. Public Eye vient encore de publier une enquête sur cette industrie parmi les plus polluantes du globe, s’intéressant notamment à l’enseigne Zara, propriété d’Inditex. Ce dernier recourt au fret aérien pour distribuer sa marchandise aux quatre coins de la Terre. A titre d’exemple, il affrète chaque semaine 32 avions à l’aéroport de Saragosse transportant chacun une centaine de tonnes d’habits. L’an dernier pas moins de 621 244 tonnes d’articles ont été produits rien que pour Zara... Dans le genre «On-s’en-fout-de-la-planète», Greenpeace pointe via une nouvelle enquête les dérives de Digitec Galaxus, filiale de Migros, et d’autres détaillants qui détruisent chaque année en Suisse 300 tonnes de produits électroniques et électroménagers neufs! La recherche menée par l’ONG l’a notamment conduite à équiper de traceurs des articles qu’elle avait commandés afin de connaître leur sort à leur renvoi. Sur 25 produits retournés, six ont terminé leur vie éclair dans un centre de démantèlement. A savoir une radio, un clavier avec souris, deux grille-pain et deux caméras de surveillance en parfait état de fonctionnement. Greenpeace estime par ailleurs que le nombre de textiles invendus détruits provenant du marché suisse pourrait atteindre 80 000 tonnes par an. Cherchez l’erreur dans un monde aux ressources naturelles limitées menacé par l’aberration d’un système économique basé sur une croissance infinie...

Dans ce contexte, avant de céder aux sirènes des promotions du Black Friday, la logique voudrait que chacun s’interroge sur la réelle nécessité d’un achat. Sur l’impact du superflu et de l’inutile alors que les épisodes climatiques extrêmes se multiplient et que l’effondrement de la biodiversité nuit directement à notre survie.