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Les enseignants neuchâtelois à l'école de la grève

Opposés à la nouvelle grille salariale 650 maîtres et professeurs ont séché leurs cours durant deux jours

Cherchant à réduire le déficit de l'Etat, le Conseil d'Etat neuchâtelois a mis au point une nouvelle grille salariale pour les enseignants. Cette dégradation des conditions d'embauche pour les jeunes employés et les futurs engagés s'accompagne d'une détérioration des conditions de travail de toute la branche qui occasionne un réel malaise dans le corps enseignant.

Quelque 650 enseignants neuchâtelois ont pris le chemin de l'école buissonnière la semaine dernière. Par une grève de deux jours, ils ont manifesté leur opposition à la nouvelle grille salariale voulue par le gouvernement neuchâtelois, qui cherche ainsi à réduire le déficit de l'Etat. «Une telle mobilisation des enseignants, c'est du jamais vu, c'est historique», se félicite Claude Grimm, secrétaire syndicale du Syndicat des services publics (SSP), à l'origine de la grève. «C'est la première fois qu'on voit un tel mouvement dans le canton, c'est un grand succès», corrobore Pierre Graber, instituteur et président du Syndicat autonome des enseignants neuchâtelois (SAEN). Si lors de la dernière assemblée générale de celui-ci, les deux tiers des voix nécessaires au dépôt du préavis de grève n'ont pas été réunis en raison de nombreuses abstentions, les membres du comité du SAEN ont tout de même appelé les adhérents à se joindre aux actions organisées par le seul SSP.
Une réussite que la conseillère d'Etat en charge du Département de l'éducation et du projet de nouvelle grille salariale, la socialiste Monika Maire-Hefti, a tenté de relativiser en relevant dans la presse cantonale que le taux de grévistes était d'environ 25%. «C'est historique et la conseillère d'Etat en est bien consciente», conteste Claude Grimm. «Les enseignants ont toujours des scrupules à abandonner leurs élèves à des remplaçants», estime de son côté Pierre Graber. Les retenues salariales, qui se montent à plusieurs centaines de francs par jour de grève, sont également dissuasives.

Le malaise des enseignants
«La mobilisation est exceptionnelle et le signe d'un réel malaise», souligne Pierre Graber. «Nombre de grévistes n'ont rien à perdre avec la nouvelle grille, mais ils refusent la dégradation des conditions de travail et d'embauche de la profession. Avec ce nouveau système salarial, les jeunes employés et les futurs engagés perdront sur l'ensemble de leur carrière entre 80000 francs pour une enseignante à l'école enfantine et 300000 francs pour un professeur de lycée, alors que les salaires neuchâtelois de la branche sont déjà parmi les plus bas du pays», estime le syndicaliste. «C'est une dévalorisation importante de la profession pour les jeunes que nous ne pouvons accepter», appuie Claude Grimm.
Le corps enseignant se plaint d'une pénurie de personnel formé et des effectifs par classe trop élevés, du manque de soutien aux élèves en difficulté ou encore de l'augmentation des charges administratives. Symboliquement, le premier jour de grève, deux cents grévistes ont porté un cercueil représentant l'école neuchâteloise jusqu'au Château. «Entendez-nous, dialoguez avec nous», pouvait-on lire sur une banderole. Monika Maire-Hefti s'est dite prête à entamer des discussions sur les conditions de travail, mais les grévistes dans une résolution ont refusé d'ouvrir des négociations tant que la nouvelle grille salariale n'aura pas été retirée. «Avant de mener cette grève, nous avons déjà tout tenté. Le Conseil d'Etat ne nous a rien proposé d'autre que cette grille salariale», regrette l'instituteur. «Monika, tu nous Trump»: ce mot affiché sur le pare-brise d'un véhicule en tête de cortège résume le sentiment général.
Lors de la seconde journée de grève, l'assemblée du personnel réunie dans une salle comble de La Chaux-de-Fonds, a voté à la quasi-unanimité une nouvelle journée d'action le 24 novembre, reconductible le lendemain. «Le Conseil d'Etat est ferme. Mais les grévistes sont aussi extrêmement fermes et remontés. Le bras de fer va donc continuer», prédit la secrétaire syndicale du SSP. «On n'est pas sûr de gagner, mais si on ne fait rien, on n'aura rien», conclut le président du SAEN.

Jérôme Béguin


26 novembre, mobilisation contre l'austérité
Contestant les politiques d'austérité engagées par le Conseil d'Etat neuchâtelois, les partis de gauche, syndicats et associations progressistes ont formé un «comité de crise». Celui-ci a témoigné de son soutien aux enseignants en grève. «Nous refusons cette politique d'austérité qui va toucher tous les salariés du privé comme de la fonction publique et toutes les familles. Il faut, au contraire, chercher des recettes supplémentaires, auprès des plus fortunés du canton, pour que la charge ne repose pas toujours sur les mêmes couches sociales», a déclaré, au nom du comité, l'ancienne députée Marianne Ebel, devant les grévistes rassemblés sur la place de la Gare de La Chaux-de-Fonds. «Les enseignants se bougent, mais ce n'est pas fini, de nombreuses mesures toucheront l'ensemble des travailleurs, par exemple par la réduction des prestations de l'aide sociale ou des subsides à l'assurance maladie», confirme Catherine Laubscher, secrétaire régionale d'Unia Neuchâtel. Face à ces attaques, le comité prépare pour le samedi 26 novembre une grande mobilisation contre l'austérité.
JB