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EP Electricité: 100 emplois sauvés !

Unis et déterminés, les salariés d'EP Electricité ont réussi à sauver l'entreprise, rachetée par la coopérative Ciel.

Une victoire peut-elle en entraîner d'autres? Le sauvetage d'EP Electricité montre en tout cas qu'une lutte déterminée peut pousser une entreprise en difficulté à chercher activement un repreneur plutôt que de fermer ses portes. A méditer dans le contexte actuel de crise...

La décision de fermer une entreprise n'est pas nécessairement inéluctable. L'histoire de l'entreprise EP Electricité pourrait inspirer plus d'un salarié...
Début juillet, la firme présente à Genève, Lausanne et Neuchâtel s'apprêtait à mettre la clef sous la porte, avec 100 licenciements en perspective. Soutenus par Unia, les travailleurs se sont battus pendant plus d'un mois pour que la direction s'engage à trouver un repreneur. Ils ont obtenu gain de cause grâce à leur détermination, qui les a amenés à arrêter le travail pendant une journée: «Nous avons réussi à faire plier la direction. C'est une belle victoire pour la sauvegarde d'une entreprise, la préservation des emplois et la signature d'un plan social. Suffisamment rare en période de crise et de faillites pour être mis en évidence», se réjouit Alessandro Pelizzari, secrétaire régional d'Unia Genève. Certaines firmes continuent à être viables, mais une rentabilité excessive réclamée par les actionnaires peut les mettre en péril. Aux travailleurs de préserver leur outil de travail...

«Nous ne voulons pas de plan social!»
La cause était loin d'être gagnée d'avance. Au 1er juillet, la décision paraît sans appel. La société, appartenant à la multinationale française GDF-Suez a la ferme intention de fermer ses portes, de licencier 100 personnes et d'en transférer 25 autres auprès d'une autre société du groupe. 85 emplois sont concernés à Genève, une quinzaine à Lausanne et 12 à Neuchâtel. Les travailleurs, réunis en assemblée le jour même, refusent d'emblée de négocier un plan social, insistant sur la préservation des emplois. Ils doivent remettre la compresse le 9 et le 22 juillet, rejetant à nouveau toute entrée en matière sur des indemnités de licenciement. Malgré des tentatives de division - des primes sont proposées à certains travailleurs - les employés restent unis, réaffirmant le principe de la solidarité entre les trois régions concernées. «Nous avions constaté que l'entreprise avait été victime d'une mauvaise gestion. Ce n'était pas à nous d'en faire les frais. Un grand sentiment d'injustice nous a soudés», explique Eva Ramel, l'une des déléguées du personnel. La société avait déjà dû restructurer en 2009, occasionnant une trentaine de licenciements. Depuis lors, les travailleurs avaient fait de gros efforts pour remettre l'entreprise à flot.

Arrêt de travail
A la fin juillet, la direction annonce qu'elle a entamé de sérieuses discussions avec un repreneur potentiel et demande une négociation parallèle sur un plan social. Le personnel accepte, obtient des garanties quant au sérieux des tractations au sujet du rachat de l'entreprise, et dessine les contours d'un plan social digne de ce nom. Mais EP Electricité rejette la quasi-totalité des demandes des employés, jugées trop ambitieuses. «Très en colère, les salariés décident d'un arrêt de travail début août sur l'un des chantiers les plus importants d'EP, celui de la prestigieuse rénovation du siège du Forum économique mondial de Davos qui se trouve à Genève», raconte Nuno Dias, secrétaire syndical à Unia Genève, cheville ouvrière de cette bataille. La mesure de lutte porte ses fruits. Le 9 août, après 4 heures de dures négociations, la direction accepte un plan social exemplaire: indemnité de licenciement équivalente à deux mois de salaire, 2000 francs par année d'ancienneté, doublement du délai de congé possible à partir de 40 ans, paiement des cotisations de la retraite anticipée pour les travailleurs de 60 ans et plus...

«Conte de fée»
Ce n'est cependant que le 27 août que survient la bonne nouvelle: la coopérative Ciel, fondée par les milieux ouvriers en 1947 à Lausanne, rachètera l'entreprise en septembre, sous la même raison sociale et reprendra tous les employés aux mêmes conditions. Les 15 salariés d'EP Lausanne seront en revanche réembauchés par Ciel. «C'est un peu un conte de fée, sourit Alessandro Pelizzari; une filiale d'une multinationale reprise par une coopérative.» Une citrouille qui se change en carrosse...
Autre conquête de taille: si EP devait continuer à connaître des difficultés économiques à l'avenir et tout de même licencier des collaborateurs, le plan social serait valable jusqu'à la fin 2011, et pris en charge intégralement par l'ancien propriétaire, GDF-Suez. 


Christophe Koessler