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Extraordinaire solidarité

Des milliers de personnes ont manifesté à Nyon pour exiger des dirigeants de Novartis qu'ils reviennent sur leur décision

La pression, notamment du Conseil d'Etat vaudois, continue de monter contre la décision de Novartis de fermer le site de Nyon-Prangins. Les explications du géant de la pharma n'ont convaincu personne. Samedi, une grande manifestation a été organisée dans la ville de Nyon.

Entre 2000 et 2500 personnes ont défilé dans les rues de Nyon samedi passé pour exiger le maintien du site Novartis. Aux salariés venus en nombre se sont joints des syndicalistes, des représentants des communes, des politiciens de gauche comme de droite et une population solidaire. «Jimenez, Vasella, vos salaires pour nos emplois», scandaient les manifestants, affligés par la nouvelle de la semaine: la fermeture du site permettrait d'économiser l'équivalent du salaire annuel du président du conseil d'administration Daniel Vasella... Des travailleurs de Novartis à Bâle étaient aussi présents, avec des collègues de la CGT du site de Huningue, situé sur la rive française du Rhin. «Nous sommes ici parce que si nos collègues de Nyon gagnent la bataille, cela nous aidera à Bâle», note Jean-Marc Koenig, de la commission du personnel bâloise. «Chez nous, les gens ont peur. Les licenciements annoncés touchent 10 à 15% du personnel. Ils craignent d'être sur la liste s'ils bougent», indique-t-il.

Tous ensemble
«C'est une extraordinaire solidarité que nous vivons aujourd'hui», s'est exclamé Jean Kunz, secrétaire régional d'Unia Vaud, à l'arrivée du cortège sur l'esplanade du château de Nyon. Très touché par l'affluence, Celio Rodrigues, président de la commission du personnel de production à Nyon, a rappelé le cynisme de la décision de Novartis, qui distribue 6 milliards à ses actionnaires. «Nous ne devons pas laisser tomber le site», a-t-il lancé, en relevant l'appui indispensable du syndicat Unia. «La lutte continue, je suis persuadé que nous arriverons à faire revenir Novartis sur sa décision», a-t-il conclu sous les applaudissements. Son collègue de la commission des employés, Jakob Zijlstra, a lancé un vibrant appel à se mobiliser. «Ceux qui disent que ça ne sert à rien, que tout est déjà décidé, que l'on ne peut rien faire, qu'ils restent dans leur lit pour ne pas décourager les autres. Nous, employés, politiques, ne sommes pas défaitistes. Nous savons que tous ensemble nous pouvons arriver à quelque chose.»
Claude Dupertuis, vice-syndic de Nyon et ancien de Novartis, a interpellé Daniel Vasella. «Il y a 30 ans, quand il était étudiant en médecine, il aurait été parmi nous», a-t-il lancé tout en lui demandant d'avoir l'intelligence de revenir en arrière. «Ce premier message, porté par plus de 2000 personnes, est pacifique. Mais s'il le faut, il y en aura d'autres, beaucoup plus puissants. Je m'y engage personnellement!»
Kemal Ozkan, représentant de l'ICEM (Fédération internationale des travailleurs de la chimie-pharma comptant 20 millions d'affiliés) a salué le personnel de Nyon: «Nous avons écrit aux managers de Novartis. Ils nous ont dit qu'ils étaient sous la pression du marché. Ce n'est pas à nous de payer cette situation, nous n'en sommes pas responsables. Votre bataille est notre bataille, c'est la bataille de plus de 20 millions de travailleurs dans le monde!»

Sylviane Herranz

 

La victoire se gagnera dans l'usine
Dans le cortège, Mike Nista, président de la commission d'entreprise de Sapal à Ecublens, est ému. Il y a 11 ans presque jour pour jour il vivait l'annonce de la fermeture de son usine. «C'était le 15 novembre 2000. Nous avions aussi à faire à une multinationale suisse, le groupe SIG, coté en bourse. Et nous avons réussi à garder le site et à sauver nos 250 emplois!» Les parallèles entre les deux situations sont éloquents: soutien massif du monde politique, pétition ayant recueilli 15000 signatures. Par contre, chez Sapal, la résistance dans l'usine a été immédiate, la fermeture étant proche. Assemblées générales sur le site, vote de la grève. Mais une heure avant qu'elle n'éclate, le 27 novembre, la direction retirait son projet. «Les soutiens politiques sont très importants, mais la victoire, chez Novartis comme à Sapal, ce sont les travailleurs qui la gagneront par leur mobilisation dans l'entreprise», souligne Mike Nista.

SH

 

Les informations de Novartis restent lacunaires
Le personnel et Unia exigent de rencontrer le directeur général Joseph Jimenez

"Ce qu'on peut dire, c'est que les informations reçues n'ont convaincu personne. Au contraire, elles n'ont fait que confirmer la nécessité de maintenir le le site.» Jean Kunz, secrétaire régional d'Unia Vaud, ne cachait pas, la semaine passée, son impatience face aux renseignements lacunaires de Novartis après la venue d'un responsable américain. Vendredi, la rencontre avec la directrice des ressources humaines et le directeur des sites de production européens n'a pas apporté davantage de réponse aux nombreuses questions du syndicat et du personnel. «La récréation est terminée. Nous voulons parler aux gens qui ont un pouvoir de décision», a conclu Yves Defferrard, secrétaire syndical à Unia Vaud.

Le syndicat et le personnel demandent donc à rencontrer cette semaine le directeur général Joseph Jimenez. La délégation du Conseil d'Etat vaudois (Pierre-Yves Maillard, Philippe Leuba et Pascal Broulis) a eu la primeur de s'entretenir avec lui jeudi. Les discussions se sont poursuivies vendredi avec le président du groupe Daniel Vasella en présence du conseiller fédéral Johann Schneider-Amman et de deux conseillers d'Etat bâlois. Les différentes parties ont décidé de former un groupe de travail chargé d'étudier différentes propositions.

20 millions d'économie seulement
La semaine passée, un chiffre a toutefois éclairé encore davantage l'incohérence et l'indécence de la fermeture du site de Novartis à Prangins. L'économie est en effet estimée par Novartis à une vingtaine de millions de francs seulement. Un montant cyniquement équivalent au revenu 2010 de Daniel Vasella. Même le directeur du Centre patronal, Christophe Reymond, s'est insurgé contre les politiques salariales déséquilibrées pratiquées depuis beaucoup trop longtemps, lors de l'émission Infrarouge sur la TSR. Michael Plüss, directeur Corporate Affairs Switzerland de Novartis, a dit comprendre que l'on puisse être choqué et a avoué que le site de Prangins était rentable. Il a toutefois relevé les coûts élevés de production pour tenter de justifier la décision de Novartis de fermer le site de Prangins. Différents experts ont pourtant relevé que malgré le franc fort et l'insécurité liée à la conjoncture européenne, la base de l'économie suisse restait solide et compétitive.
«On va gagner! Si ça dépend vraiment des chiffres, on peut garder Nyon, car l'économie prévue n'est que de 20 millions dès 2020, et sans prendre en compte tous les risques», a conclu au terme du débat Jacob Zijlstra, président de la commission des employés sous contrat individuel.

Boycott des médecins
Les soutiens pour le maintien du site de Prangins se multiplient, que ce soit des mondes politiques et économiques, et même médicaux. La semaine passée, l'Association des médecins du canton de Genève (AMG) a apporté son soutien au boycott des produits Novartis lancé par le médecin Bertrand Buchs, député du Parti démocrate-chrétien au Grand Conseil. Une cinquantaine de ses collègues ont décidé de le suivre dans sa démarche. Bien entendu, le médecin tient compte de l'avis de ses clients et continue à prescrire des produits Novartis s'il n'existe pas de médicaments
équivalents. Une action symbolique donc, mais qui apporte un pavé de plus à la lutte en cours.

Aline Andrey