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Grève suspendue mais la lutte se poursuit

Le personnel hôtelier des EMS Notre -Dame et Plantamour a repris le travail, en attendant la séance de conciliation

A la suite d'une semaine mouvementée et des soutiens croissants, notamment celui du Grand Conseil, les grévistes de Notre-Dame et Plantamour ont suspendu leur grève après 11 jours, dans l'attente d'une séance de conciliation. Malgré une belle victoire obtenue devant le Grand Conseil, qui a demandé au gouvernement de s'opposer à l'externalisation de leurs prestations, les grévistes et Unia ont appris avec consternation le revirement du ministre de la Santé, autorisant le processus initié par la direction.

Avec courage et détermination, les 16 grévistes des EMS Notre-Dame et Plantamour à Genève ont poursuivi leur mouvement durant toute la semaine dernière et jusqu'à lundi 6 novembre au matin, moment où le personnel recevait la convocation de la Chambre des relations collectives de travail (CRCT), saisie par la direction des deux résidences.
La grève avait débuté le mardi 24 octobre, puis avait été suspendue, avant de reprendre le 27 octobre face au refus de la direction de geler le processus d'externalisation des services hôteliers des deux EMS à la société Adalia SA (voir L'ES du 1er novembre). Depuis, la direction a campé sur sa position et même annulé in-extremis une rencontre prévue avec Unia le 31 octobre. En contestant cette externalisation, les grévistes, majoritairement des femmes, se battent pour défendre leurs conditions de travail. Le personnel hôtelier, aujourd'hui soumis à la CCT des EMS, passerait à celle de l'hôtellerie-restauration, où les salaires et autres conditions sont bien moindres. Elles se battent aussi pour préserver les liens étroits avec les résidents, impliquées dans leurs tâches.

Importants soutiens
A ce sujet, les grévistes ont reçu de nombreux soutiens de proches de résidents, ainsi que de leurs collègues des deux EMS travaillant dans les soins, l'animation ou l'administration. 94 collègues ont signé une pétition qui a été remise à la direction et au conseiller d'Etat Mauro Poggia le 1er novembre.
Un autre appui de taille est arrivé le jour suivant. La direction et la cheffe hôtelière des deux EMS de Lancy prenaient position contre les externalisations. Dans un communiqué, elles relèvent qu'«externaliser le secteur hôtelier n'est en aucun cas une économie» et rappellent que le personnel hôtelier a un rôle relationnel important pour les résidents et pour leurs familles, car il connaît parfaitement les personnes accueillies, leur histoire de vie, leurs souhaits. «Il contribue grandement au projet de vie du résident en assurant une écoute et un accompagnement personnalisé.»

Le Grand Conseil contre l'externalisation
Le combat exemplaire des grévistes a aussi été porté devant le Grand Conseil genevois. La coalition Ensemble à Gauche, le Parti socialiste, les Verts et le Mouvement citoyens genevois (MCG), ont déposé un projet de résolution urgente pour la séance du jeudi 2 novembre. Alors qu'une centaine de personnes s'étaient rassemblées devant le Grand Conseil et que les grévistes suivaient les débats depuis la tribune, le Parlement acceptait à une large majorité de 59 voix contre 30 cette résolution, donnant un mandat clair au Conseil d'Etat et à son ministre de la Santé, Mauro Poggia du MCG.
Rappelant que les EMS sont subventionnés à presque 50% par les deniers publics dans le but de garantir des prestations de qualité aux résidents des EMS, et que les EMS Notre-Dame et Plantamour avaient décidé d'externaliser l'entier de leurs services hôteliers, la résolution du Grand Conseil «invite le Conseil d'Etat à s'opposer fermement à une telle externalisation».

Trahison de Mauro Poggia
Or le lendemain, vendredi 3 novembre, le conseiller d'Etat trahissait le mandat des élus. «Mauro Poggia s'assoit sur la décision des élus et lâche les grévistes!» se fâche Unia. Car après la rencontre entre le directeur des EMS Antoine Laupré et le conseiller d'Etat, un communiqué du Département de l'emploi, des affaires sociales et de la santé annonçait que contrairement aux soins, «la sous-traitance des métiers socio-hôteliers est autorisée dans les EMS». Le Département et son ministre donnaient ainsi le feu vert à l'externalisation du personnel en grève, tout en précisant que les conditions de travail seraient garanties sans limite dans le temps. Mais pas un mot sur les nouveaux engagés par Adalia SA, qui le seront à des conditions inférieures. «Le personnel en place perdra aussi d'autres avantages de la Convention collective de travail (CCT) des EMS, par exemple la progression salariale. Ce qui induira une perte de salaire importante en fin de carrière», remarque Giulia Willig, secrétaire syndicale d'Unia. Qui dénonce le mépris du conseiller d'Etat envers la décision démocratique du Grand Conseil. La syndicaliste rappelle que le gouvernement a la compétence de modifier le règlement afin d'interdire ces externalisations. Pour Unia, le vote des élus, signal fort de reconnaissance pour les grévistes, «ne laissait place à aucune tergiversation».

Grève suspendue
Réunies ce lundi 6 novembre à l'aube pour entamer une nouvelle semaine de résistance, les grévistes apprenaient vers 9 heures qu'elles étaient convoquées par la CRCT. «La séance est fixée au jeudi 16 novembre. D'ici là, la grève est suspendue comme le prévoit la loi. La lettre envoyée par la direction également. Les grévistes ont repris le travail ce matin. Ce n'était pas facile», soulignait lundi Giulia Willig. Pour sa part, Unia continuera à agir, notamment pour que le Conseil d'Etat applique la décision du Grand Conseil, et en faisant circuler une pétition de soutien aux grévistes qui connaît déjà un grand succès.


Sylviane Herranz



Briseurs de grève

Face à la détermination des grévistes, la direction des EMS Notre-Dame et Plantamour a cherché à casser le mouvement en faisant appel à du personnel temporaire. Par deux fois, les grévistes et Unia ont réussi à faire renvoyer deux intérimaires engagés pour les remplacer. La convention collective du travail temporaire, à son article 9, interdit en effet de placer des travailleurs en tant que briseurs de grève dans des entreprises où se déroule un tel conflit. Cependant, la direction aurait par la suite à nouveau engagé du personnel, cette fois directement.
Saisie par Unia, la commission paritaire de la CCT Location de services a décidé vendredi d'effectuer un contrôle auprès des deux sociétés d'intérim concernées, pour non seulement vérifier si les travailleurs ont bien été rappelés, mais également s'ils ont été payés. La commission ne dispose pas d'un pouvoir d'intervention immédiat. Mais sur la base de ces contrôles, une entreprise temporaire qui aurait violé l'article 9 de la CCT pourrait se voir sanctionner d'une amende de 5000 francs par travailleur, quelle que soit la durée de son engagement.
SH